Si toi aussi tu cherches une voiture depuis X temps, ce texte est pour toi. 
Si t’as 20 ans, de longs cheveux soyeux, une frange et que tes parents t’ont acheté une voiture quand t’as eu ton permis, passe ton chemin. Tu m’énerves à chaque fois que je te vois, alors de de grâce, barre toi! 
Alors voilà, jadis, mes parents m’ont prêté une petite voiture. C’était pas l’état de l’art, mais c’était cool, on s’amusait bien. Elle s’arrêtait sans raison, je lui gueulais dessus. Je lui chantais des chansons. Elle m’étouffait, je lui faisais prendre l’air.  Elle perdait de l’huile, je l’engraissais.
C’était comme un mauvais petit copain, au moins elle était là.
Pis un jour, elle est partie. J’ai pas compris. C’était la nuit, quelqu’un est venu et il l’a pris.
Mes parents m’ont expliqué que la voiture n’était pas à eux, qu’il fallait la restituer. Qu’on savait bien que ce jour finirait par arriver, et que vite ils m’en achèteraient une bien à moi.
C’était il y a bientôt un an.
Bientôt un an de « qui m’emmène le matin?« , de « ah oui j’adorerais t’accompagner à cette soirée privée avec des marines  à l’ambassade des Etats-Unis mais j’ai pas de voiture« , de « tu peux venir me chercher? », « tu peux me raccompagner? ». 
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!
Bientôt un an de « attends je vais demander à mon père s’il peut me déposer« .
Cette dernière phrase, là, c’est un aller direct vers  » Salut, je m’appelle Mina et j’ai 15 ans ».
Chaque samedi ( parce que je choisis le samedi pour être particulièrment chiante), je me pointe devant mes parents à l’heure du déjeuner et je déblatère sur mon malheur de jeune fille moderne, sdf de la voiture.
Au début ils étaient encourageants, ils me disaient de patienter juste un peu, qu’une bonne affaire se profilait.
Au bout de quelques mois, le discours a changé, ils m’ont dit qu’ils voulaient du neuf. « c’est mieux d’acheter une voiture neuve, c’est connu ». 
Ensuite mon frère nous a dit qu’il allait se marier, et là j’ai compris que pour la voiture neuve c’était mort cette année.
Le samedi d’après, re-pointage tout de même « Alors kech tonobil? »
Là, leur face a commencé à  changer  » si tu veux une voiture, commence par chercher toi-même ».
Ok.
J’ai pris le numéro de toutes les « A vendre » vues sur la route. J’ai gentiment demandé le prix.
Les vendeurs ils m’ont dit  » Mmmm on m’a donnée 800000″.
Quoi? Mais votre prix?
« On m’a donné 800000 ».
Ah ok, je savais pas que je participais d’emblée à des enchères.
En plus que j’ai jamais rien capté aux prix.
Ensuite j’ai jamais compris pourquoi, en Algérie, la voiture d’occaz est aussi chère que la neuve.
Tout le monde a une explication logique là dessus , histoire d’interdiction de crédit, d’offre et de demande, bla bla bla.
Mais ça m’énerve, alors je comprends pas.
Au fil des semaines, j’ai tout de même sélectionné quelques bonnes affaires.
La 2Chevaux vintage à 200000 dinars. Je m’y voyais déjà.  La Swift de 2006 j’en faisais déjà des films dans ma tête. La dizaine de Peugeot 206 aussi.
Tout cela fut classé sans suite par la haute autorité parentale, la très respectée HAP.
Quelques semaines encore plus tard, le discours a encore changé. Des phrases telles que  » prends le bus » sont apparues dans le vocabulaire de la HAP.
On a aussi pu entendre  » tu veux une voiture? achète là toute seule ».
Mes arguments, tel mon désespoir, se sont faits enfantins. « Mais Rania, son père il lui a acheté une voiture elle! »
« Mabrouk 3liha », qu’ils m’ont dit.
Khraaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa! (ça j’ai pas dit, je l’ai juste crié tellement fort dans ma tête que je suis sourde).
Mon anniversaire est passé, des milliers de samedi aussi, la même rengaine toujours.
Je pense à une fugue, ma grand-mère songe à un vol. Nous repensons à l’époque où j’avais entre 15 et 20 ans, et qu’à part Volkswagen, aucune marque n’avait grâce à mes yeux. J’étais snob, garce, j’y croyais.
Aujourd’hui, je prendrais même du chinois. En voiture, pas en homme, je suis encore snob du mec.
Samedi dernier, je dis rien. Je retiens, j’avale mes mots, je ravale ma salive, je fais tourner ma langue, je chope un ulcère. Mon frère nous parle de la somme minimale que coutera son mariage.
Vous savez que traditionnellement ce sont les parents qui prennent en charge ce genre de frais. 
Je m’étrangle.
On me tire de mon silence en me demandant  » Et toi Mina il faut que tu commence à penser à tes robes pour le mariage de ton frère ».
AAAAAAAAAAA JE VAIS VOUS RUINER!!!!!!!
Je les regarde avec ce regard que-je-crois-mystérieux-et-profond-mais-qu’en-fait-est-ridicule-et-qu’on-dirait-plutôt-que-je-louche. Le regard que prennent les gens qui voient défiler la phrase ridicule  » La vengeance est un plat qui se mange froid ».
C’était le récit  de Mina, jeune fille de plus de 25 ans qui a perdu la tête. L’année prochaine elle vous racontera comment elle s’est mariée avec un chinois petit, myope et moche, et en plus pauvre. 



Mamzelle Namous