Si vous habitez Alger, vous avez du entendre, au moins 15 fois, cette question: Alors kech Sila? 

Sila c’est pas la contraction du prénom de votre cousine, c’est le salon  international du livre d’Alger. Oh yeah!

 

Les expo littéraires ne me tentent plus vraiment. Si ce n’est pour rencontrer de jeunes écrivains trentenaires jolis et fringants, qui écrivent des pages et des pages sur la difficulté d’avoir 32 ans.

Et par conscience d’âme, je suis allée voir sur le site du SILA s’il  n’y avait de ce genre cette année. Une midinette doit remplir ses obligations.

J’ai reconnu personne. Pffff….

J’ai cherché Nina Bouraoui, je l’ai pas trouvé ( ninaaaaaa viens!)

J’ai parcouru la liste des présents, à la recherche de noms familiers, et j’ai constaté que j’avais une culture générale bien pourrie.

 

Puis j’ai reconnu un nom, Leila Aslaoui ( ancienne ministre, écrivaine).  Joie dans mon coeur, tout n’est pas perdu. Non pas que j’ai lu ses livres ( une midinette lit des romans, pas des essais. C’est son seul principe), mais cette femme me marque.  Son parcours, sa détermination, sa petite voix grande.

 

Je l’ai connu quand j’avais 15 ans, à l’occasion d’un cocktail-dédicace pour son livre « les années rouges » ( sur le terrorisme). C’était au Sofitel, et mon père-grand m’y avait emmené; y avait de l’espoir pour moi à l’époque.

Je me souviens que j’avais été toute impressionnée par le tout : le bel hôtel, les beaux gens, et surtout les mini-mini éclairs au chocolat cro cro bons. Les bons gens appellent ça des bouchées. J’en avais tellement englouti qu’à chaque fois que mon père-grand voulait me présenter quelqu’un, j’avais mains et bouche liées. Il a fini par gentiment me gratifier d’un « behdeltini ». ( tu m’embarasses mon enfant)

 

Si je pouvais retrouver ce parfait goût d’éclair un jour, j’en serai des plus heureuses.

 

Après avoir fait la queue,  j’ai fait signer mon livre par Leila Aslaoui. Elle était la gentillesse incarnée, et m’a écrit  un mot qui m’avait beaucoup  touché à l’époque. De mémoire, c’était quelque chose comme ça : pour que les jeunes femmes de la nouvelle génération  portent l’espoir et prennent la relève….. Pas exactement ça ( plus beau, un peu plus long), mais dans ce goût-là.

 

Cette dédicace m’avait mis le feu au coeur, et impressionnée par la femme, je me sentais une nouvelle envie: faire de la politique. Faire des choses, m’engager, promouvoir l’égalité sociale, porter un tailleur chanel, épouser un sénateur, écrire des slogans, faire un discours à l’Onu, enfermer Ehud Barak et Yasser Arafat  dans une pièce, make the world a better place!

 

J’avais 15 ans, j’y croyais dur comme fer.  Cet engouement a duré quelques années, puis l’enthousiasme est redescendu. J’avais compris les rouages et perversités de l’engagement politique, l’impuissance fatale face à des systèmes établis, les mirages de la compétence universelle, les enjeux que rien ne touche. Et dédier ma vie à la naïveté et l’inefficacité ne me faisait plus du tout envie.

 

En d’autres termes, j’avais raté sciences-po.

 

J’ai dû recroiser Leila Aslaoui à une ou deux autres occasions, et elle a toujours quelque chose de positif à transmettre. Quelque chose qui reste. Il a y des gens comme ça qui vous donnent un héritage en une ou deux phrases.

 

Mais mon souvenir le plus marquant avec elle reste celui de l’après-midi au sofitel, à cet âge où les choses sont facilement belles et bonnes, et où le coeur s’embraye si bien!

 

Aujourd’hui, les éclairs au chocolat n’atteignent jamais cet équilibre parfait entre la crème, la pâte et le chocolat. Les dédicaces littéraires sont nulles à chier, et la vie n’est plus cette jolie promesse insouciante.

 

En plus que le SILA c’est trop loin, et puis avec toute cette circulation, et tout le monde qu’il y aura, laisse tomber l’enthousiasme.

Dur dur d’avoir 27 ans!

 

 

Mamzelle Namous