Ce matin, je parlais de Cupidon avec une copine. Elle me disait que c’était un con, je lui disais que c’était un ness mleh ( juste quelqu’un de bien, quelqu’un de bien).

Y a un truc qui est con avec Cupidon, et malheureusement vrai, c’est qu’il lance toujours sa putain de flèche quand on ne s’y attend pas. Et le problème avec les filles c’est qu’elles s’y attendent toujours.

 

Avant une réunion, la fille se dit que peut-être un des associés du cabinet Chedli & Chedli sera jeune, beau et fera craquer sa culotte  son petit coeur tout mou.

Alors elle se fait belle, elle révise devant le miroir son air « je suis intelligente et j’ai ma place dans cette boite« . Elle arrive en réunion, ça dégouline le vieux. Le vieux a des ongles noirs et de la bave blanche quand il parle trop vite.

La fille peine à cacher son air de chien battu.

 

Un samedi midi , la fille est en pyjama chez elle, tout le monde à la maison veut des pizzas, elle doit sortir en acheter avec son frère. Celui-ci  lui dit « sors en pyjama, normal, ça va être rapide, personne va te voir« .

La fille y pense cinq secondes, jette un coup d’oeil dans le miroir et dit  » ok, go« .

Les gens pensent qu’elle ne se préoccupe pas de son image.  Foutaises de foutreries.
Dans la voiture, la fille avec son pyjama bleu pense à Majid, le charmant jeune homme qu’elle va croiser chez woodpecker. Il va la voir entrer en pyjama, il se dira qu’elle est trop cool cette fille de sortir comme ça, alors que toutes les autres nénettes ont besoin de s’apprêter comme de vilaines chanteuses libanaises.  Alors Majid, charmant et charmé va venir lui dire «  jolis carreaux« , et le reste appartiendra à l’Histoire.

En vrai, personne ne vous regardera ( votre frère a raison), et le goût amer d’une illusion avortée se dissipera sur  la sauce tomate de votre pizza trois fromages.

 

 

Avant d’aller à une soirée, n’en parlons même pas. Les contes de fées et les histoires de cul se bousculent et se concurrencent dans la tête de la fille. D’où la phrase la plus prononcée au monde « putain j’ai mal à la tête, t’aurais pas un doliprane? ». 

Pendant la soirée, et jusqu’à 23h, la fille a encore de l’espoir, va (au moins) une fois se remettre du blush et du mascara dans des chiottes puantes.

L’heure trop tardive arrivée, les meilleurs mecs aux bras d’autres filles, le désespoir venu, le noir peut couler, le fard peut s’estomper, c’est déjà la ménopause dans son coeur.

 

Avant de prendre un avion, la fille scénarise aussi à mort.

Elle imagine qu’elle est surclassée (ouais parce que  l’homme de sa vie voyage pas en classe éco quand même), qu’assise confortablement elle lit un livre. Qu’IL arrive, qu’ils entament une conversation intellectuellement stimulante et rigolote ( devant son miroir elle s’entraîne à rire de façon douce et gracile), et qu’à l’arrivée, ils s’échangent, avec une timidité délicieuse, leurs numéros.

 

Depuis 2001, la fille ne pense plus au miraculeux échange de valises par mégarde. Trop surfait, trop compliqué à gérer, sa valise elle y tient, personne ne peut voir ce qu’elle y cache, et en plus elle est rose, alors faut pas pousser le rêve non plus.

 

 

Avant de sortir acheter du crédit, la fille se fait un chignon à la parisienne ( le genre j’ai mis un crayon dans ma touffe et c’est joli, pur hasard, j’y peux rien si je suis belle), parce qu’on ne sait jamais.

 

D’ailleurs la phrase « on sait jamais » est récurrente dans sa tête, c’est ce qui la pousse à jeter un pot de fond de teint dans son sac, à mettre une jolie culotte et à s’épiler les jambes certains matins.

 

Elle s’y attend toujours à la rencontre. Plus précisément elle s’y prépare. On sait jamais.

 

 

Et pis un jour, c’est le week-end, elle reste à la maison en gandoura  et huile d’argan sur sa chevelure,  elle attend que l’ennui passe.

Sa grand-mère se sent mal, très mal, trop mal. Son père appelle les urgences, ambiance apocalypse à la maison. Trois grands gaillards arrivent soigner sa grand-mère.

Tout va bien.

Une fois le soulagement, l’un de gars donne des instructions à la fille. Elle le regarde, il est grand, il est beau, ses épaules sont larges, il soigne des gens, il est gentil et parle tout doucement. Joie dans son coeur.

 

Il la regarde, elle a de l’huile sur la tête.

 

Depuis, elle se lave les cheveux tous les matins, et espère le revoir dès qu’elle met un pied dans un hôpital.

 

Et parfois elle fait semblant qu’elle s’y attend pas aux grands hommes, histoire de berner les dieux. Elle se répète « je m’y attends pas, je m’y attends pas, j’espère rien, je cherche rien, d’ailleurs tiens regarde je me maquille même pas, enfin juste un peu de khôl mais ça compte pas, c’est culturel. Je m’y attends pas, je suis blasée et résignée, je ne veux pas d’homme dans ma vie. « 


C’est con un fille.

Mais ça y croit à la magie, et ça c’est plutôt joli.

 

 


Mamzelle Namous





p.s i love you: vous vous souvenez de l’article réaction-action , écrit dans le cadre du concours « agir pour l’Algérie » du dzblogday? Eh bien, il fait partie des trois textes gagnants en remportant le prix du style!  J’étais super contente! 


p.s i love you too: mina namous est sur twitter maintenant, si vous y êtes aussi, venez, je suis ici