Ari set cohen

 

 

A Said Hamdine , j’ai vu  cette femme d’un certain âge qui parlait de ses mains bien abîmées, et du vernis semi-permanent qu’elle avait fait poser y a quelques semaines. Elle était contente qu’il ait aussi bien tenu, que c’était chouette pour les fêtes! L’esthéticienne lui demande si elle veut en remettre.
– non non j’ai une chimio agressive bientôt, c’est pas la peine.
– en tout cas vos cheveux sont magnifiques !
– ça c’est une perruque, faut bien agrémenter les choses parfois ! ( courte et grisonnante la perruque, vraiment super)
Elle parle d’une façon très enjouée, parle beaucoup de ses mains et ongles, attache beaucoup d’importance à certains détails, tout en s’en moquant un peu.

 

J’aurais voulu la regarder un peu plus mais je devais y aller. Pour rentrer, j’ai pris un taxi clandestin, j’avais envie de dormir et lui de parler. De tout, du temps qu’il fait, de l’hiver qu’on a pas eu, d’Aït Ahmed et de sa maison en face de l’ambassade British, de l’hypocrisie des algériens, que ce pays marche à l’envers. Regarde Boudiaf, les français l’ont pas tué, les algériens s’en sont chargés! …………………
J’ai essayé de comprendre le semblant de logique de cette dernière phrase mais j’ai pas pu.

 

J’essaie de fermer les yeux mais il en remet une couche sur les embouteillages et tous ces gens qui sortent juste pour tourner, ils font le plein et ils vont rouler. Ils roulent des heures juste comme ça. J’ai peur qu’il se mette à disserter sur l’augmentation du prix de l’essence mais non ça va . Il me dit juste que lui il sort jamais sans raison. Tiens regarde, y a des gens qui s’arrêtent sur la route juste pour regarder dès que quelqu’un se fait  arrêter ou change une roue, ça crée encore plus de bouchons mais les algériens lazem ichoufou*!
Quand on passe près du zoo de ben aknoun il me dit que les animaux y souffrent. Avant avant c’était bien mais maintenant c’est n’importe quoi là-bas, par contre le jardin d’essai c’est très beau, mais bon des fois la fréquentation chuia chuia… Ouais j’ suis d’accord.

 

Je regarde par la vitre et je vois un homme cracher à travers la sienne.
Les hommes qui crachent maman ….

 

On finit par arriver, il fait presque nuit. Sa dernière phrase sera, comme pour compenser, et avec un petit sourire en coin : « Alger c’est quand même beau le soir ».
J’ai  envie de répondre même le jour, mais avec tout le moche qu’on a vu,  je ne suis plus vraiment très soûre.

 

500 dinars , ya3tik saha , merci au revoir, ethalay. Il va retrouver ses enfants qu’il a pas le temps de voir la journée, il cumule deux boulots. Je le trouve soudain bien brave et même pas si chiant que ça.
Je repense à cette femme qui va avoir sa chimio agressive dans quelques jours et qui garde toute sa coquetterie et dérision.  Au milieu de tous ces crachats et tournages en rond, y a des gens qui savent rouler  dans la vie avec courage et humour, c’étaient eux la beauté de la ville ce jour-là.

 

 

Mamzelle Namous
*Il faut qu’ils s’arrêtent ou qu’ils ralentissent pour regarder!