Autoroute vers l’est, un matin, vers 5h. 

Quatre jours de départ, difficulté à fermer la malle en raison du nombre de valises. Trois bonnes femmes , tout s’explique.

 

Partir fait du bien, prendre la route ( douce l’asiatique, rugueuse l’algérienne), voir le soleil se lever et les paysages défiler. Ma grand-mère le répète beaucoup. On a vraiment hâte d’arriver du coup.

Quand elle en a fini avec  la beauté de la nature, elle nous parle de la distinction entre eau de source et eau minérale.

Il faudrait trouver des moyens de dire «  ta gueule » aux grandes personnes, car parfois la gentille moquerie ne suffit pas.

 

Comme tous ceux qui ont pris cette nouvelle autoroute avant nous, on se lance dans les critiques. Vas-y que c’est pas assez bien éclairé; quoi y a qu’une seule aire de repos ? pfff t’as vu comme tu sens la différence entre les parties faites par les chinois et celles par les algériens ?;  avec tout ce fric et ces corrompus!

 

Et sur le miracle d’arriver aussi vite. Ah c’est bien quand même, tu te rappelles avant comme c’était long.

 

On arrive dans la ville natale de mère-grand, la nôtre donc. On cherche les panneaux familiers, le message de bienvenue old school, les nouveautés ( ça tombe bien, y en a pas).

On cherche la mer. On voit la mer. On s’écrie. L’ultime repère de toutes nos vies.

 

Je voudrais tout de suite appeler mes cousines, faire une plongée dans nos histoires d’ado et oublier les erreurs de l’avenir.

 

Mais il faut attendre un peu, rentrer dans la maison humide. Dans cette ville, on voit la mer de partout. Et quand les ruelles ou les petits escaliers, on la devine.

 

On va d’abord au cimetière, voir. Voir l’adorée, celle qui 40 ans après, continue de faire pleurer. Le temps qui ne fait pas bien son travail, ça nous étonnait autrefois.

 

Les plantes ont poussé et la vue a changé. Ma mère se pose et cherche du regard. Trouver est un geste étrange. Elle est juste là, derrière les herbes. L’écriture est un peu partie, il faudra revenir et graver ou repeindre dessus. Il faudra aussi amener des fleurs la prochaine fois, elle aimait beaucoup les fleurs.

On enlève les saletés, on nettoie avec ce qu’on a. C’est encore l’après-midi dans le petit cimetière.

 

Il y a quelques années, c’était le soir venu, c’était déjà trop tard. Des gens cherchaient désespérément dans un grand cimetière et ne trouvaient pas. Ils se faisaient aider par le gars qui bossait là-bas, indiquant les allées approximatives, les dates. Mais il y avait trop de nouvelles tombes.

Un désastre à regarder cette recherche.


 

Quand on quitte le cimetière, on voit l’ancien quartier, on marche et le ciel est si clair que cette phrase de Camus vient: « Dans cet épanouissement de l’air et cette fertilité du ciel, il semble que la seule tâche des hommes fût de vivre et d’être heureux ».

 

Cette clarté sera partout sur les photos et restera longtemps.

 

Plus tard, la mer, les vagues, les cousines et les jeunes vies en construction.

 

 

 


Mamzelle Namous