Notre aid de cette année a été bercé par une drôle d’ambiance  (ah oui,  saha aidkoum, mouah mouah mouah, koul am ou ntouma bkheir, saha ou l hna nchallah, t3idou ou ntzidou,  3ayadtou milh? ça s’est bien passé? la famille ça va? rehtou le bled?). 


Fait normal, durant l’aid, tout le monde s’appelle, même les gens qui ne s’appellent jamais, mais vraiment jamais. 
La téléphonie aidienne répond cependant à quelques règles :
-Le plus jeune appelle le plus vieux. Et faut faire viiiiiiiite, sinon une personne plus âgée que toi risque de te téléphoner avant ( genre à 9h du mat le premier jour) et te dire  » Oh tu m’appelles pas pour l »aid? ».
Et là t’as aucune excuse, t’es juste quelqu’un de mal poli.

Règle n°2 : Souhaiter saha aidek sur son mur FB à l’attention générale, ça ne compte pas. C’est trop facile.
– Les gens classes ( comme vous, comme  moi) n’envoient pas de textos groupés. Ils prennent le temps, parce que les gens classes ( nous)  font dans le particularisme.

Si vous n’avez envie d’appeler personne, vous pouvez simplement vous expliquer en disant  « Aucun appel ne passait, réseaux bouchés, catastrophe! »
Oui pendant l’aid, votre sauvagerie annuelle doit être justifiée.
Autre fait normal, durant l’aid, les gens se rendent visite…. beaucoup…… 
La famille, les amis, les collègues fayots, les voisins.
Cette année, même les Kadhafi sont venus nous rendre visite (les Guedafi pour les plus je-veux-montrer-que-je-suis-un-arabisant d’entre vous).
Cette visite nous a  valu quelques messages fort peu sympathiques. Ainsi, entre les textos du style « saha aidkoum, mouah mouah mouah, koul am ou ntouma bkheir, saha ou l hna nchallah, t3idou ou ntzidou,  3ayadtou milh? ça s’est bien passé? la famille ça va? rehtou le bled? », se sont glissés des mots de nos amis étrangers du genre:
« Non mais comment vous avez pu accueillir ces gens? Vous n’avez aucune humanité ou quoi? Non mais y a que l’Algérie pour faire ça, franchement ».
J’ai même une copine qui m’a gueulé dessus, comme si la Mercedes des Kadhafi était venue se garer devant chez moi.
Oui, les kadhafi sont arrivés en Algérie en Mercedes ( ou truc du genre); vous imaginiez quand même qu’ils s’étaient cachés à l’arrière d’un camion….
Et  la diplomatie américaine n’a rien à voir avec cette décision…. rien.
Et oui, bien sur, les algériens ( tous hein, parce qu’y a eu un référendum pour nous demander si on voulait bien de la famille d’un tyran dans notre territoire, et on a répondu à 99, 99% oui, et le gouvernement , comme à son habitude, a juste suivi l’avis du peuple) sont sans humanité.
Contrairement aux autres pays, qui eux, n’ont jamais reçu les Kadhafi chez eux. Jamais de la vie!
Si un jour vous avez croisé la chevelure blonde d’Aicha Kadhafi dans un immeuble haussmannien du 8ème arrondissement de Paris, eh ben…. eh ben… eh ben………. Ah oui c’était avant que le reste du monde ne se rende compte que son père était un monstre.
C’était avant Jésus-Christ.
Du coup, durant l’aid, on a beaucoup parlé de la Libye, chacun y allant de sa petite théorie.
On a beaucoup parlé aussi de la position de l’Algérie dans tout ça. Chacun y allant de sa phrase , « Nos diplomates ne servent à rien », « Aucune prospective », « On est des cons »,  » Non notre ligne de conduite est parfaitement justifiée ».

Plus tard dans la semaine, alors que la vie normale reprenait doucement, qu’on tapait 30 bises par heure pour se souhaiter saha aidkoum, et qu’on parlait des gens qui ont le courage de faire sabrine (jeûner encore six jours pour avoir le forfait illimité accès paradis), des phrases type apocalypse now  sont venues gâcher l’ambiance.

« De toute façon ici ça va barder pire qu’en Libye » ;  » Le pays bouillonne »;  » T’as vu comment ils vont reloger les gens dans des cités de luxe, ça se fait pas, ça va exploser » ; « Allah yestar »; « C’est le retour de la décennie noire »;  » Les attentas de tizi et de cherchell c’était voulu qu’est ce que tu crois » ;  » L’Algérie est foutue ».

Yeah ambiance!!!!!!!
Septembre commençait mal, très mal.
La peur nous prend.
On ne pensait pas que c’était possible, mais le dispositif de sécurité a encore  été renforcé. Le moindre de nos pas semble nous rappeler que nous sommes sur une poudrière.
L »impuissance rencontre l’éventuel inévitable. Et nos gorges se serrent.
Alors, quand le 3 septembre, on a su que des petites manifs étaient prévues pour défendre le port du poum-poum-poum short dans certains coins de la ville nocturne , on était contents qu’il pleuve ce jour là.
Saha aidkoum, restons sages , mouah mouah. 



Mamzelle Namous