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La première nuit à la havane
, au moment de dormir, les bruits et voix de l’immeuble continuent, des rires, des radios, tout entre et se mêle au rythme du ventilateur de plafond. J’arrive pas à dormir, y a pas internet ( Cuba est encore en mode bekriiiiiiii*…y a un parc wifi je ne sais où, ou bien faut acheter des cartes avec des codes très longs. Le temps de les taper, c’est déjà l’heure du départ, donc j’ai plutôt passé la semaine sans connexion. Je vous épargne le discours oh ça fait du bien de déconnecter, de se retrouver , de revenir à l’essentiel, de parler avec ta grand-mère, de voir les arbres. Quand je me suis enfin connectée après plusieurs jours, je m’attendais à des centaines de messages et de mails so interesting. J’ai trouvé que de la pub et du facebook qui s’inquiétait de mon absence.
Au moins un, ça fait plaisir)

Fin de la parenthèse, donc pas d’internet, pas de séries, mais le film  La collectionneuse d’Eric Rohmer qui traînait sur mon ordi depuis des lustres. J’aime bien ses films, voire beaucoup, mais je mets toujours du temps avant de cliquer dessus. En cette nuit chauuude et moite, sous le tournis du ventilateur, je regarde donc ce film français des années 60. J’accroche immédiatement aux premières images, je me perds un peu après mais me retrouve quand l’histoire commence réellement. Et quel bonheur, quel délice! Quel acteur aussi, quelle dégaine! Je remercie le bon Dieu de m’avoir sauvé la nuit, et envie de revoir le film sitôt fini.
Envie aussi de croiser un homme qu’aurait le même groove que l’acteur. Je le chercherai dans les rues havanesques mais bien sûr ne le trouverai pas, on en fait que dans les vieux films des comme ça.
Si vous traversez donc une insomnie et que vous savez pas quoi faire, regardez le ! Bon, si vous n’êtes pas fan de cinéma français ( comme 99% des hommes algériens), et surtout pas de cette diction très particulière des films de la nouvelle vague, laisse tomber va.
Après à peine quelques heures de sommeil, on se réveille tôt, ce qui sera toujours le cas. Les journées seront longues, parce qu’à Cuba, le temps ne passe pas.
Vous savez comme on est toujours à se plaindre que tout passe trop vite, eh bien là-bas c’est l’inverse. Vous regardez votre montre, il est 16h. Deux heures plus tard, il n’est que 16H15. Je ne sais pas trop à quoi c’est dû, mais ç’a son charme.
La propriétaire de l’appartement ( la maman), après m’avoir fait manger 30 fruits, mille crêpes et trois omelettes, et encouragé à manger plus, me touche les cheveux et me demande si j’ai un muchacho dans ma vie. Je fais semblant de pas comprendre mais faut bien reconnaitre que c’est pas très compliqué.
-Non, non…
-No?? Porque? Como se hacé? Comment ça se fait?
-……… ( à chaque fois qu’on me pose cette question, je dessine des points dans ma tête. Ca se traduit par un hochement d’épaules, une grimace, un sourire, une tête bizarre, je sais pas. Un jour je pense inventer une chorégraphie autour de ces points…)
-Tu dois être complicada, pointilleuse, à trop regarder les détails , ceci cela, bla bla.
-…………..
Universalité de ce genre de questions. Vraiment. Même un généraliste parisien que j’ai vu deux fois en 5 ans m’a demandé, pour la mise à jour : toujours seule sans enfants?
-Toujours…
-Ben comment ça se fait?!
Au delà de ces interrogations, qui ne me dérangent pas, si ce n’est que je ne sais pas comment y répondre, j’ai remarqué un glissement  du vocabulaire associé au célibat, dépassé certaines tranches d’âge. Quand vous êtes très jeune, les gens ont tendance à vous dire que vous allez trouver, qu’un jour ça sera une évidence, que c’est le destin, qu’il faut juste attendre, que c’est une histoire de hasard et de chance.
Quand vous êtes juste jeune, on ne vous parle plus de chance, mais on vous demande « ben pourquoi? », comme si la raison avait supplanté tout le reste. Et parfois on vous incombe même la responsabilité de votre célibat : « pasque t’es complicada/do;  pasque tu sors pas assez; tu dégages pas les bonnes vibes » ( alors celle-là….).
Non mais oh fallait nous prévenir qu’entre 24 et 28 ans, il fallait changer totalement sa vision des choses. Imaginez un peu la pression maintenant, et la culpabilité de s’être trop fiée au doux hasard des rencontres de la vie.
Bref, j’envoie des bisoux à tous ceux qui nous posent, avec bienveillance, ces questions. Ah avant de refermer, je pense à cette jeune française qui m’a demandé une fois, vraiment en toute naïveté : C‘est normal, en Algérie, d’avoir 30 ans et de pas être mariée?  J’ai éclaté de rire mais je ne sais pas ce qui est le plus inquiétant dans cette question.
Bon, tout cela n’a finalement rien d’un récit exotique de voyage, la prochaine fois! Là je dois y aller, parce que lorsqu’on est célibataire il faut sortir plus pour gagner plus. Je vous envoie la bonne vibe et quelques points.
Mamzelle Namous
* Bekri = avant. Bekriiii= avant Jésus-Christ