emily weiss

 

 

Ma grand-mère m’a demandé toute à l’heure :  » T’as parlé de moi récemment sur ton blog? T’as parlé du mariage  de ton frère? Qu’est ce que t’as dit ? Raconte pas trop de conneries hein ».

Et elle a continué : « Et puis  pourquoi t’es triste comme ça, souris un peu ! Enfin pas trop ! Pas comme ta cousine, qui sourit en permanence comme une idiote.

Tu l’aurais vu le jour de son mariage à elle, elle n’arrêtait pas de sourire, elle était heureuse à n’en plus pouvoir. J’avais envie de la claquer!

J’ dis pas qu’il faut faire la gueule hein, mais y a un juste milieu. 

Pourquoi t’es tristounette comme ça? Y a un abruti derrière tout ça? 

T’inquiète pas va. Tu sais ce qu’on dit : un p’tit con en remplace toujours un autre. 

Ah parlant de ça, j’ai oublié de te raconter : l’autre fois quand j’ai pris l’avion,  j’ai jacassé  avec une  femme qui cherche à marier son jeune frère. Je lui ai donné mon numéro.  Le gars en question est pilote chez Air Algérie. Bon c’est sûrement pas l’affaire du siècle, mais ça peut être drôle et ON voyagera gratuitement pendant quelques mois.  

Mais c’est sûr que si tu y vas avec tes yeux tristes, tu voleras pas loin.

 

Dis moi, il s’appelait comment ce garçon qui t’a dit que t’avais des yeux comme la lune (oui je lisais tes mails à l’époque. A l’époque où c’était intéressant). Tu devrais le revoir lui, il avait vu juste.

 

Ah il s’est marié ? Pffff et alors ? On t’a jamais  appris à voler un homme ? Et puis avec toutes ces séries de nanas que tu regardes, tu devrais avoir tous les filons ! 

 

Et l’autre là, ton ami, celui qui travaille dans une société italienne, pourquoi vous sortez pas ensemble? 

 

Moi : bof, il me plaît pas du tout. On est juste amis.

 

Si t’attends qu’un homme te plaise et tout le tralala, t’es mal barrée. »

 

 

Ensuite, elle a passé en revue tous mes potes masculins en me demandant pourquoi je ne sortais pas avec eux. Je fus vite à court d’arguments, le « il ne m’attire pas » n’étant pas un motif suffisamment recevable.

Alors, je me suis mise à inventer de l’alcoolisme chez certains et du courage du jupons maladif chez d’autres.

Elle a à peine cédé.

Puis ma mère lui est venue en renfort, et j’ai cru perdre la tête. Troisième fois en six mois qu’on a ce genre de conversations.

 

 

Quand j’étais ado et même jeune adulte, le moindre garçon était super tabou ! La moindre rencontre s’apparentait à du dévergondage et allait me faire rater ma vie!

Ma soeur et mes cousines étaient dans le même pétrin.

La maison, c’était l’usine de fabrication des habssetes ( coincées) et de traumatismes en tout genre. On nous faisait avaler que TOUT ce qui intéressait TOUS les mecs c’était le sex. Que sortir avec un garçon équivalait à de la haute putasserie et ruinerait notre réputation ad vitam aeternam. Que seules les filles bien ( celles qui restaient super sages donc) se marieraient, et que les autres  finiraient dans l’enfer des célibataires.

Les amitiés masculines étaient hautement réglementées. Parler au téléphone avec un garçon éveillait les plus grands soupçons.

 

Bien évidemment, nous suivions leurs instructions à la lettre, bonnes filles que nous étions.

(Et aucune de nous n’a perdu sa virginité dans la cabine d’un maître nageur à Ibiza).

 

 

Et pis, quand elles ont vu qu’on avait pas mal tourné, qu’on avait  eu nos diplômes, et qu’on était en « âge », elles ont voulu qu’on soit ouvertes aux rencontres.

 

Et à toutes les rencontres ( la semaine dernière, ma mère a voulu me présenter un mec qu’a une moustache!).

 

Comme ça, d’un coup de baguette magique, fallait être une super nana et  renverser 23 ans d’éducation non-sentimentale!

Je me rappelle qu’un jour que j’avais 15 ans, que ma mère éternua deux fois et que je lui souhaita « à tes amours », elle me rétorqua tout de même :  » que les tiens commencent très tard « .

 

Et maintenant qu’on approche de la trentaine,  et qu’elles voient qu’on est difficiles, méfiantes, pleines de doute, et en attente du prince charmant ( oui il existe), du grand amour, du coup de foudre tellement fort qu’il te fait évanouir sur place, de l’évidence des sentiments, eh bien elles ont peur nos mamans.

Peur qu’on s’enferme dans les contes de fées  (qu’elles nous ont transmis finalement), et qu’on finisse célibataires. L’enfer, pour elles.

Ha!

 

 

 

Mamzelle Namous