C’est toujours la même rengaine, se lever et affronter le monde extérieur. Et mes mots sont pesés. Alors qu’on aimerait rester dans son confort d’émotions, éviter les remarques, les regards que l’on fait porter, nos contradictions.
Eviter notre être dans la société.
Pourtant il faut bien le faire, on a été éduqué pour ça.
Mais trop c’est trop. La semaine dernière j’ai suggéré à mon patron que je pouvais tout aussi bien faire 90% de mon travail à la maison, qu’internet et le téléphone servaient à ça, éloigner les gens. Et le méchant il a pas voulu. J’ai failli lui faire une démo à l’américaine, avec diapo et tableau démontrant de la hausse de ma productivité si je restais chez moi, mais bon moi je suis algérienne, je me suis tue et je suis allée geindre ailleurs.
Alors je reste dans mon bureau, à manger des bigkat (le kitkat algérien), et à lire des blogs. J’ai récemment découvert celui-ci , et je m’emplis de beauté et d’humour.
Et quand je sors du bureau, c’est le choc. C’est un monde sans dérision, des féminités préfabriquées, des bruits de talons à rendre sourd un castor, et des hommes aux âmes moches.
Et moi dans tout ça j’ai peur de devenir comme ça. Un cœur amer dans un corps de fast-style.
Peut-on à ce point être emmerdé par tous ou est-ce juste des vagues à l’âme post-ado ?
Je demandais une fois à un ami si ça lui arrivait à lui aussi d’en avoir marre de tout le monde, de regretter les jours où on était sympas et sociables avec les autres, et de ne plus avoir envie de faire semblant ?
Il m’a répondu « Il y a des jours où ça ne m’arrive pas ». Et j’ai ri tellement fort que c’était l’évènement du jour dans la boite.  Pourquoi a-t-elle ri ? A cause de ce qu’on a lui dit sur mon kiki?
Alors c’est bon signe qu’il y ait une communauté de tous les sauvages de la Terre. Sauf qu’il y a des jours, j’avoue, où j’entre bien dans le monde. Où je complimente machine sur son écharpe machinalement, où je rigole, où je commère, partage, où j’ai même parfois un sentiment de bonheur et d’appartenance.
Mais la nature revient et me rappelle à ma sauvagerie et tout le monde m’énerve de nouveau. Avec ma mère notre récent jeu est de trouver une personne qui ne me soule pas. A ce jour, on en a compté deux (allez trois). Sur 300 amis facebook (ok, moins !), ça fait cher le compte.
La pire trahison à son état sauvage c’est lorsque des phrases s’échappent de votre bouche et que sur le coup vous y croyez. Ensuite vous avez envie de pleurer votre race d’avoir dit ça et d’être devenu ça.
L’autre jour, ma copine Azyadée (on choisit pas son prénom) m’a invité chez elle pour qu’on parle de son futur mariage et de ses problèmes de couple. Et je me suis entendue dire « Il vaut mieux toujours épouser quelqu’un de son milieu-socio culturel », « Vous avez pensé à l’éducation des enfants ? », « Et votre plan logement ?», « Si ta mère ne l’aime pas, tu devrais pas l’épouser », « Il faut pas se marier pour de mauvaises raisons ».
Ensuite son chien m’a pissé dessus et c’était comme un coup de pied au cul. Un coup de pied à la bien-pensance qui s’immisçait en moi.
Mon authentique ignorance a repris le dessus quand Azyadée nous a montré à Shérazade (mes copines ont des prénoms bizarres oui) et moi ses affaires de mariage. J’ai donc appris qu’il y avait une valise de trousseau qui devait rester jolie et propre. Je sais que la mienne (si valise il y a un jour) sera tachée et cabossée, car ainsi va la vie d’une valise. Que les futurs mariés achètent des draps et peignoirs en soie et satin. Et je me demande pourquoi les jeunes mariés ne dormiraient pas dans du coton.
Ma sauvagerie a aussi repris quand j’ai tué le chien précédemment cité.
Un autre jour j’ai rencontré un garçon qui m’a parlé de sa vie de famille. Le soir venu il couche ses enfants, et au lit avec sa femme, ils boivent du scotch. Et juste cette scène suffit à leur bonheur.
Ne penser qu’à ce genre d’images ça réconcilie avec sa vision du monde. Enfin un peu.
Mamzelle Namous