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Archive du mois : janvier 2011

1971

Hier, samedi, 14h45, j’enfile un short et m’apprête à sortir pour aller danser au 5 Juillet (vous y étiez ?).
Dans ma maison, c’est comme à l’aéroport, faut passer par la police et le scanner.
Scanné par ta mère, fliqué par ta mère. Le short est pas passé, et moi non plus.
Non mais t’es folle qu’elle m’a dit. Un regroupement avec tout ce qui se passe. Ca va pas ou quoi ? Et puis c’est quoi cette tenue ?
C’est vrai que j’avais un peu abusé sur la tenue, je me croyais déjà dans une MTV Party. Vous savez celles au bord de mer, où y a des gens nus ou presque qui dansent ou presque, et que nous on les regarde comme des cons.
Donc je suis restée chez moi à facebooker. Sur le site presque tout le monde il a parlé de l’Egypte. Par contre, aucun de mes amis n’a mis le drapeau égyptien. La solidarité a ceci d’extraordinaire qu’elle trouve ses limites dans la confrontation footballistique.
Reste à espérer que si le président égyptien se casse aussi, il emmène les feuilletons égyptiens avec lui. Et l’équipe de foot aussi.
Et que rien à voir, mais que les feuilletons turcs se cassent aussi. Parce que la dernière fois j’étais assise tranquille dans un café, j’avais rien fait de mal, et mes voisines de table se sont mises à parler d’une série turque, avec passion et émotion. Celle où y a un super beau mec (enfin…) et une fille suicidaire. Si j’ai bien suivi. Et que communément on appelle ça Mouhaned. Et que des journaux algériens ont dit que des gens avaient divorcé à cause de cette série. Et que maintenant chaque mec blond était surnommé Mouhaned.
Et après cette parenthèse, les gens vont encore dire comment on peut déconner alors que c’est la guéguerre au Caire.
J’attends que la guéguerre (la vraie) arrive en bas de chez moi pour arrêter de déconner.
Ca devrait pas tarder, parce que je sens que les algériens vont être jaloux des voisins. Que nous aussi on veut être dans l’histoire, que nous aussi on veut courir dans les rues et se faire filmer (avis à France 24 : mon profil gauche est plus avantageux), que nous aussi on veut que ce soit la merde pendant quelques mois. Qu’on en marre d’entendre qu’on est pas assez intellectualisés pour contrer le pouvoir.
Que depuis 1971 on attend que notre porte-monnaie soit trop petit pour notre liasse (oui il s’est passé quelque chose en 71).
Ecrire sur facebook ne nous donnera pas une page dans un futur livre d’histoire.
Sommes nous aussi immobiles et faux culs que ceux qui roulent sur les lignes jaunes ?
On fraude aussi sur ces lignes, alors j’imagine que oui.
Toujours est il que samedi dernier, je suis restée à la maison. Je suis juste sortie pour acheter des pizzas. En attendant ma commande, j’ai vu un groupe de filles arriver avec une boite de gâteau, pour fêter un anniv. En plein après midi. Algériennes typiques, moitié hijabistes, se faisant tourner le gloss. Endimanchés comme un samedi aprèm. D’après leurs sacs à main, on pouvait déterminer qu’elles étaient dans leurs premières années de fac (je suis une scientifique du sac). Elles m’ont fait un peu pitié au début (je suis facilement méprisante).
Ensuite je les ai regardé se faire jarter de la pizzeria parce que pas assez de place, remettre du gloss (le même pour toutes), éclater de rire pour rien, se prendre en photo, avoir l’insouciance de leurs jeunes vies, être contentes d’être juste ensemble, rire encore. Et c’était finalement assez émouvant.
Et c’est peut être de quoi on a tous envie, d’être les algériens typiques qui vont plus parler qu’agir, qui ont envie d’être tranquilles, de pas prétendre à une guéguerre, parce que on a déjà eu notre dose, qui ont en a rien à foutre ce que nos voisins snobs pensent de nous,  qui veulent juste avoir les moyens d’acheter le gloss qu’on veut, de dire ce qu’on veut, de s’habiller et vivre comme on le veut. De mettre des shorts sans se faire siffler par un begar en  Mercedes qui s’est cru dans un clip MTV.
C’est pas ça qu’on nous a promis en 71 ? De la dignité ?  J’y étais pas mais j’aurais voulu y croire.
Mamzelle Namous

Eh bien dansez maintenant…


Pensez vous que nous disposons de suffisamment d’espaces de divertissement dans notre ville ? Si votre réponse est négative, alors rejoignez le mouvement! Samedi 29 au stade du 5 Juillet, on va shake shake shake ! A partir de 15h, ça se passe au parking, et ça sera pas glauque pour autant, ça sera esprit on s’aime on danse on est heureux. Pas besoin de savoir danser, pas besoin de ramener de pancartes. On fait pas la rizvolution, on est pas des excités qui rêvent d’être Mustapha Guevara. On va juste shaker du booty, ensuite on va tous aller manger une pizza et rentrer dormir. Et l’année prochaine on prend les mêmes et on recommence !
On va pas se poser de questions, scander des slogans, jouer aux grands, se faire tabasser par la police, être emmené au poste. Ah que j’aimerai être embarquée au poste quand même. Raconter ça à mes futurs  enfants. Comment votre mère, en sortant de chez le coiffeur à Meissonnier, s’est retrouvé au milieu des manifestants, comment elle a sorti sa bombe de laque pour se vaporiser les cheveux, et comment un flic a cru que c’était une bombe de la mort qui tue. Comment j’ai dis à Saïd S. qu’il avait pris un sacré coup de vieux,  et qu’il m’a dit que c’était pas trop grave parce que son fils prendrait sa place.
Comment votre mère s’est retrouvée sur les fichiers de la police alors que je vote toujours Boutef et qu’aujourd’hui encore je vote pour lui (rassurez vous, j’ai eu mes enfants jeune).
Toujours est-il que manifester n’est pas mon divertissement préféré du week end. Je préfère rester chez moi regarder mes voisins se fighter. Entre celui qui construit le 5 ème étage de sa maison et celui qui a pris sur le trottoir pour faire un garage. Entre celui qui bloque la ruelle pour décharger des briques et celui qui se plaint que son terrain vide soit devenu une décharge publique. Dans quel merveilleux monde je vis. Un monde sans urbanisme. On devrait manifester pour ça, le retour de l’urbanisme dans la vie publique. On attend que nos parents finissent leurs constructions illicites, et on s’organise ça ? Cool, on pourra danser aussi !
Le week end est aussi l’occasion pour les gens de fêter le mariage de leurs progénitures. Et de vous emmerder en vous invitant. Si par hasard ce jour là vous avez eu un bouton de fièvre et que vous avez pas pu y aller, vous serez taxée de haute jalousie. Toute fille absente à un mariage est de ce fait jalouse de la mariée. Le mariage étant le but ultime de chaque vie, et la jalousie la caractéristique principale de chaque fille.
Pourtant ça arrive d’avoir des boutons de fièvre (ça arrive même à des gens très bien). Un jour à moi aussi ça m’est arrivé. Je suis allée à la pharmacie demander des patchs pour boutons de fièvre. Et la nana m’a dit « Non, on en a pas, mais on a des patchs pour les points noirs ». La connerie est la caractéristique principale de tous les gens à notre service. On devrait manifester pour ça aussi, mais ça va être long et fatiguant et on passera pour des cons.
Alors on va faire avec la connerie ambiante, parce qu’il paraît que la socialisation passe par l’adaptation au milieu. Manifester contre la connerie c’est conforter les cons et s’en foutre. Si vous y arrivez, combat réussi. En attendant, continuons à souffrir. Si ça vous empêche de dormir, n’allez pas à la pharmacie demander des somnifères. On risque de vous proposer des préservatifs.
Ca me rappelle une fois où je suis allée dans une librairie demander si y avait des livres de Romain Gary, et qu’on m’a répondu que non mais qu’il y avait du Yasmina Khadra. Ok, je veux bien, mais c’est pas parce qu’on est algérien qu’on doit nous fourguer systématiquement cet auteur. Si vous l’aimez pas trop, c’est limite une offense à l’algérianisme. Et Dieu que sait qu’y a pas que ça dans la littérature algérienne, non ?
On devrait manifester contre les monopoles d’opinion aussi….
By the way, Romain Gary est introuvable à Alger, comme beaucoup d’auteurs. Alors, à mon petit niveau, je voudrais lancer une pratique. Les livres qu’on finit, au lieu de les ranger sous le lit (c’est bien là que vous les mettez aussi ?), ou de les passer à des potes, les réclamer ensuite comme un radin, on devrait les laisser sur un lieu public et ainsi quelqu’un  trouvera votre bouquin, le lira, et fera la même chose. Cette pratique porte un nom, que j’ai oublié (je l’ai découvert à l’époque où je lisais des magazines sérieux, que celui qui retrouve le nom parle maintenant!). J’ai essayé une fois, à la plage, avec un livre de Romain Gary justement et c’est assez cool comme impression. On se demande qui va être le repreneur du livre, on se met à imaginer, on se dit qu’un jour on va retrouver notre exemplaire chez notre futur mari, et qu’on criera OH MON DIEUUUUUUUUUUUUUUUUUU !!!! Bon, le mien a du être emporté par une vague, mais je porte encore l’espoir qu’il soit entre les mains du plus bel homme du monde.
Evitez de laisser votre livre dans certains lieux, comme les bancs publics. Parce que personne de décent ne s’assoit sur un banc à Alger. Ou dans un resto, parce que le serveur va croire que ce livre laissé là seul est un livre piégé. Et en bon algérien il va prendre ses jambes à son cou appeler la cellule anti-terroriste.
Alors qu’un livre ça sert juste à nous faire du bien. Danser aussi ça nous fait du bien. Alors venez samedi !
Mamzelle Namous

Le soupir du maure

Fin de semaine sur l’Algérie, vague de froid. Bulletin météo, bulletin moral à zéro.
Pourquoi, je sais pas. Je devrais aller bien, m’étonner chaque jour de ce que la vie me réserve, tant elle est surprenante.
Ce matin, comme chaque matin, je n’ai pas eu besoin de mettre de réveil. Je me réveille  toujours trop tôt grâce au type qui appelle à la prière. Il a un drôle d’accent, genre skikdi, il appelle plus au foutage de gueule qu’à la spiritualité. Et quand je dis ça à ma grand-mère, elle me regarde bizarrement. Quand je suis allée à la mairie de mon quartier dire que je lançais une pétition pour que le type à la voix bizarre arrête de faire aboyer les chiens à 6 h du mat, on m’a regardé bizarrement.
Apparemment à la mosquée c’est pas comme à la SNCF, les critères voix douce belle et suave sont pas requis. J’ai demandé si je pouvais appeler à la prière moi aussi, on m’a regardé bizarrement. J’ai demandé pourquoi, on m’a dit de fermer ma gueule.
Bon, je suis rentrée chez moi un peu déçue, j’ai pas osé faire circuler ma pétition, je voudrais pas qu’on me prenne pour une mécréante. Car comme tout le monde, je fais la prière, 10 fois par jour (c’est le bon chiffre hein ?). C’est juste que moi mon réveil idéal c’est Kylie Minogue version remix Miami, et pas Allahou Akbar[1] version remix port de pêche de Skikda.
Mais je concède que c’est un faux problème.
Après le réveil mou, le rituel du comment m’habiller en gardant mon style beau doux et suave tout en respectant l’algérien de base, il faut se rendre au travail. N’ayant plus de taco à moi, je squatte avec mon frère. Parce que dans les transports en commun, le risque de tomber involontairement enceinte c’est un vrai problème. Dont je parlerai quand je reprendrai le bus. Parce que la dernière fois remonte à quelques années. J’avais failli me faire violer par un papi, heureusement qu’une nana m’avait prévenu à temps. Merci la solidarité féminine dans ces moments là.  Ensuite le contrôleur m’avait jarté parce qu’il me manquait 5 Dinars pour acheter un ticket. Et personne n’avait proposé de me dépanner. Même pas la nana précédemment citée, même pas le papi, personne. J’étais descendue comme une pauvresse. J’ai voulu prendre un taxi mais aucun n’allait dans ma direction (oui à Alger c’est toi qui suis le trajet du taxi, pas le contraire), donc j’ai marché à pied. Et ça faisait tout bizarre.
Revenons à nos moutons (allah yarhamhoum[2], voyez comme je suis pieuse) et aux choses étonnantes de la vie. Cette semaine, comme chaque semaine, je travaille avec une jeune femme kabyle à l’accent kabyle très kabyle. Tellement accentué que dès qu’elle parle je me mets à danser sur du Takfarinas[3].  La nana devient exceptionnelle quand elle  se met à dire des mots en latin que peu de gens connaissent. Pendant les réunions, les gens rigolent pensant qu’elle parle en kabyle. Quand ils ont su la vérité, ils ont tous voulu se mettre au latin. Et un mec est venu me dire «  Mina, tu sais, y a des mots français qui sont tirés du latin, ben oui hein ». Que répondre à ça ?
Le regarder bizarrement lui ferait croire qu’il m’a appris quelque chose de grandiose.
Lui dire de fermer sa gueule me ferait passer pour une agressive. Alors que je suis douce belle et suave, comme la voix SNCF.
Lui dire « Ah je savais pas… » reviendrait à être sarcastique. Et le sarcasme c’est pas bien.
Lui dire « Naaaaaaan ! C’est pas vrai !! » serait faire de l’ironie, et pas grand monde au bureau comprend mon ironie (du coup je passe souvent pour une conne naïve, mais c’est un faux problème).
Je me retrouve souvent dans cette situation, parce que beaucoup de gens croient tout savoir mieux que les autres, et je sais rarement comment réagir. Mais je préfère être une ironique qui passera pour une conne/naïve, qu’une sarcastique. Vous connaissez la différence entre les deux hein ?
Cette petite citation très facile à trouver, « Entre le sarcasme et l’ironie il y a la même distance qu’entre un rot et un soupir ». Alors s’il vous plait, ne croyez pas que l’on rote quand on soupire juste très fort !
Mamzelle Namous

[1] Religion. Pour plus de renseignements, rendez vous à la mosquée la plus proche de chez vous.
[2] Religion. Voir note 1 et si vous n’avez pas trouvé de mosquée dans votre ville, parlez en aux autorités locales.
[3] Chanteur Kabyle, m’en demandez pas plus.

Red Flag

Début de semaine ensoleillé sur Alger. Je voulais vous parler du journal El Watan week end qui a dit quelques mots sur Mamzelle Namous dans son édition du vendredi, vous raconter comment j’ai tellement frimé dans l’ascenseur que j’ai raté mon étage, comment j’ai soulé mes amis qui s’en foutent un peu, comment j’ai cherché le journal chez les buralistes pour le montrer à ma grand-mère , mais je l’ai pas encore trouvé donc je peux pas scanner le passage, et frimer ici même. Ne pouvant donc pas en parler aujourd’hui, je reviendrai bientôt sur les mots très gentils que le journal a écrit sur ce blog. Un peu trop gentils d’ailleurs, mais ça c’est parce que je couche avec le rédacteur. Du calme, je plaisante.
Je couche avec personne, comme toutes les célibataires algériennes.
Alors je vais parler d’autre chose. Ces derniers jours si on parle d’autre chose que de la Tunisie, on se fait limite insulter. « Comment t’oses déconner alors que chez nos voisins c’est la révolution, non mais t’as aucune conscience politique ou quoi ? » «  Non j’en ai pas ».
Tout le monde parle de la Tunisie, et même le khedar [1] à coté de chez moi, il m’a déclaré solennellement « Je suis un tunisien ». Moi je pensais qu’il faisait un remix de Kennedy et son « Ich bin ein Berliner » et j’ai applaudi. En fait non c’est juste vraiment un tunisien. Et je me suis foutue un peu la honte. Ensuite il s’est baissé pour me sortir des courgettes, et j’ai eu la chance de voir qu’il avait des poils au cul. Y a des matins comme ça où la chance s’abat sur toi.
Tout le monde sur son Facebook il a mis le drapeau rouge, tout le monde il a suivi où est allé Ben Ali, tout le monde en Algérie il a voulu faire pareil, mais tout le monde a préféré rester à la maison faire un gâteau au chocolat. Faut bien célébrer la baisse des prix.
Et même en brassant du vent et des œufs, les gens ils ont continué à livrer des analyses sur les prochaines élections.
Et ce matin, en arrivant au travail, mon patron me demande « Mademoiselle Namous, vous avez entendu parler de ce qui s’est passé en Tunisie ». Euh…. Parce qu’à moins d’être au Club Med de Djerba, tout le monde sait ce qui s’y passe mon coco.
Mais là où je travaille, tout le monde croit détenir le scoop et répandre la nouvelle.
A midi, voulant respirer, je vais déjeuner avec ma maman en terrasse (oui en Algérie en Janvier, on a chaud, je peux au moins frimer sur ça). Resto bondé, on invite une dame attendant une table à se joindre à nous. Je me dis que ça va être bonjour timide et sourires gênés tout au plus. C’était oublier qu’on est à Alger et que les gens adorent parler. Même avec des inconnus. Et voilà la dame qui n’arrête pas de parler  et de prêcher sa bonne parole:
« Le temps passe vraiment trop vite. Avant les gens ils avaient une éducation. Les jeunes d’aujourd’hui c’est n’importe quoi. Avant les gens ils prenaient le temps de vivre, aujourd’hui on fait plus rien.  Vous avez vu ce qui se passe en Tunisie ? »  « Non quoi ? » «  Là bas ils ont des gens civilisés, ici on a rien du tout, on est tous corrompus ».
Pendant que je sirotais mon coca, la nana s’arrête et me dit «  Madmoiselle je peux vous donner un conseil ? ». Moi je pensais qu’elle allait me dire que mon gilet gris n’allait pas bien avec mon haut beige, un truc du genre. Mais non.  « Il  faut pas boire du coca, c’est de l’acide, vous allez tomber malade, avoir de l’arthrose et vous allez souffrir ».
Ok la folle, ta gueule ! Mais comme je voulais pas lui prouver que les jeunes aujourd’hui c’est n’importe quoi, j’ai reposé mon coca.  Et j’essayais de m’empêcher de rire, pour pas montrer que j’avais pas d’éducation.
Je me souviens qu’à 18 ans je portais des lunettes et je lisais des livres, parce que j’étais persuadée que lire m’aiderait dans la vie.
Depuis, je ne porte plus de lunettes, je vis comme une fonctionnaire et le seul livre que je lis est le livre des faces. Mais j’ai en mémoire un bouquin sur l’histoire cubaine, et une pensée d’Hemingway. Impossible de la retrouver, mais en substance, il nous disait de ses potes révolutionnaires, Castro & Co, luttant pour renverser un pouvoir dictateur,  qu’ils le prendraient ce pouvoir, et qu’ils seraient pires que ceux qu’ils remplacent [2].
Alors amis fans de mojitos et de cigarillos, si vous vous levez un jour, rappelez vous que l’ivresse révolutionnaire, c’est à consommer avec modération.
Mamzelle Namous

[1] Marchand de fruits et légumes (de saison)
[2] Si quelqu’un connaît cette citation, qu’il parle maintenant !

Les voleurs les casseurs et tous ceux qui aiment se faire voir

Ce matin, alors que comme chaque matin je regardais France 24, en train de manger des  pancakes et d’ajuster mon porte-jarretelle, parce que je vis comme les filles dans les films, ils ont montré l’Algérie à la télé. De ces images qui font soudainement froid dans le dos, ou bien c’était parce que je faisais dos à la fenêtre ouverte. Images de ces quartiers chauds où on casse, où on vole, où on brûle. Rien d’exceptionnel, jusqu’à ce que j’y reconnaisse Reda, mon petit cousin de 9 ans, courir avec un climatiseur à la main. J’aurai été en cercle privé, j’aurai hurlé. De rire ou tout court. Mais une fausse amie ptit déjeunait avec moi, donc je me suis contentée d’écarquiller les yeux et de manquer de m’étouffer avec mes biscuits Tutku  mes pancakes.
Comme tout le monde depuis quelques jours, chacune de nous deux y allait de son petit commentaire très utile et intelligent.
« C’est honteux » « Ca fait de la peine » « C’est des gamins » « Des drogués » «  Ils ont jamais fait les courses et zaama ils connaissent les prix » « Où va l’Algérie » « Je vais aux toilettes » « Putain sidi yaya est redevenue sidi yahia » « T’as pu ouvrir ton facebook hier ? » « Non, personne, l’Etat a bloqué fachebôk » (c’est celle qui parle comme ça) « Pfff n’importe quoi, direct les théories fumeuses hadou » « Sah ! C’est Amir qui me l’a dit » « Ta chasse marche pas » « Ouais  ça fait une semaine que j’attends le plombier »
« Franchement on peut même plus exprimer notre malaise social sans que ça tourne à la merde » « Tu parles des chiottes ou de l’Algérie ? » « Pfff t con ! » « Non mais moi j dis que c’est instrumentalisé tout ça »
« Ouais tout le monde dit ça, y a pas que toi » « On empêche un authentique soulèvement populaire » « Non mais exactement » « Un truc légitime quoi » « C’est ce que j’ai dit hier à Sarah » « Elle est toujours avec son mec Sarah ? » « Ouais grave, ils se sont fiancés la semaine dernière ». Tête verte fluo de jalousie. « Ah c’est super, mabrouk 3alihoum, wellah ça fait plaisir, je suis contente pour elle ». Silence de 10 minutes après ça, c’est énorme comme silence dans un girl talk.
Au milieu de nos propos, France 24 a cité un nom de blog, et Bam on a stoppé net, on attendait le blog jeune vie algéroise en matinal prime time à la télé. Non. Ils ont parlé d’un autre blog, « good to be back » parce que y avait un article sur les récents évènements qui nous ont secoué et qui font que tout le monde il a quelque chose à penser et à dire dessus. Je me suis dit le mec du blog il est comme moi, back et good to be et il parle de l’Algiré. Et j’ai crié au scandale « Pourquoi qu’ils parlent pas de mon blog à moi à la télé ?! ». C’est pas comme si j’avais pas parlé de la hausse des prix juste avant que les émeutes n’éclatent et que j’avais pas dit que l’année je la sentais mal. Visionnaire que je suis.
Et mon amie m’a répondu que c’était parce que je parle pas de politique moi (ah ouais ? ça se lit pas entre les mots la politique ?), et que je viens de commencer et que je suis pas connue.
Alors sur ce point, j’envoie un message à tous mes potes qui m’ont exhorté à ouvrir un blog, et m’ont promis une pub d’enfer. M’ont promis un téléphone arabe en accès illimité. Et qu’ensuite ils ont même pas mis un lien sur leur facebook. En politique on appelle ça un programme électoral. En revanche j’exprime mes remerciements à tous ceux qui ont fait tourner, vous serez récompensés. En politique on appelle ça vous inviter à boire un  pot de vin à la maison.
Oui, vous serez récompensés, grâce à la pub du blog, dans 30 ans je gagnerai 10 euros, alors plus vous cliquez sur les pubs plus je serai riche et plus je serai généreuse. En politique on appelle ça une redistribution des richesses.
Je décline toutefois toute responsabilité en cas de pub à virus (en politique on appelle ça sauver son cul). Alors si vous avez peur des pubs, cliquez dessus quand vous êtes au boulot, ou au cybercafé (vous vous rappelez quand on allait tous dans les cybercafés ?).
En arrivant au boulot, je suis allé faire un tour sur le blog qui est passé à la télé, et je vous file le lien (http://itsgoodtobeback.wordpress.com/). En économie, on appelle ça une concurrence pure et parfaite. En réalité nos blogs ont des objets différents.
Je lui ai posté un commentaire avec une petite promo vers mon blog. En politique, on appelle ça faire de la politique.
Mamzelle Namous

Sweet & Oil

L’année qui débute va être mauvaise, je le sens, ça se sent.
Faut-il tout de même échanger nos vœux ? Après l’avoir trop entendu, et trop dis, je suis lassée.
Faut-il parler du réveillon ? Oui oui oui ! Comme beaucoup d’algériens, je suis une makhlou3a[1] du réveillon, j’aime ça, j’adore ça. Le jour J, alors qu’une fête des plus glamourous se préparait, j’ai pointé chez ma coiffeuse de quartier. Celle qu’on aime pour le brushing cheveux  raides méga raides brulés étirés, mais à qui on demanderait jamais au grand jamais de nous couper les pointes.
Donc je me pointe chez elle, beaucoup de nénettes bien sûr, celles qui se coiffent, celles qui s’épilent, celles qui se poilent. J’attends mon tour en apprenant dans un magazine que Johnny et Sylvie ont eu un fils et qu’il s’apelorio David, le scoop, ça fait plaisir.
Ca parlote dans le salon, et une nana commence l’étalage des convictions «Bouh nos enfants ils connaissent pas achoura, et ils fêtent le réveillon,  la galette de rois, la st valentin et même halloween». Moi, sympa, je lui réponds «Vous vous rendez compte, on fête même nos anniversaires, honteux, je vous dis, honteux !». Le regard noir de la nana m’a fait froid dans le dos. Mais c’était rien à coté de ce que j’ai lu dans le journal, Joe Dassin est mort ! Mortifiée j’étais d’apprendre ça. Les nanas m’ont demandé pourquoi je pleurais, j’ai dit que c’était à cause des pinces à bigoudis. Et la coiffeuse m’a répondu «Faut chouffrir pour être belle madmoiselle».
 De l’autre coté du rideau, y a la partie esthétique et maquillage, des filles y entrent, des monstres en sortent. Faut-il  être Shrek pour être belle ?
Pendant que je lis dans une revue que la chanson « Poupée de cire poupée de son » vient de sortir, la coiffeuse m’enlève mes bigoudis. J’ai dans l’esprit des cheveux ondulés et soyeux, j’ai dans l’esprit une coiffure comme celle des filles dans les séries télé. Dans le miroir je vois Sheila.
Dans le miroir je vois mes larmes et la sale tronche de la coiffeuse.
Dans le miroir je vois la nana qui a demandé une épilation chatounette en cœur mettre son hijab. Et la coiffeuse de me murmurer « tu sais elle est pas mariée ».
« Tu sais, je m’en fous, c’est quoi cette coiffe ? ». Elle continue « T’as vu, wellah c’est n’importe quoi le hijab hada, allah yahdina[2] ». Je demande si y a une chance pour que mes cheveux reprennent une forme normale d’ici quelques heures. Elle m’entend pas, elle est à fond, elle me dit que le proprio de la boutique de vêtements masculins de la rue a une sex tape avec la hijabia qui vient de sortir. L’esthéticienne entend et nous dit qu’elle a cette sex tape sur son phone et  nous la montre.
Dans le miroir je viens de perdre tout résidu d’innocence.
Je sors, 300 dinars, merci, au revoir. Ressembler à un caniche, ça n’a pas de prix.
Je rentre chez moi, ma petite sœur a déjà descendu une bouteille dort.
Je vous passe les détails de la soirée parce que franchement j’ai tout oublié y a rien de spécial à raconter !
Quand je reprends le boulot, j’ai envie de pleurer. Mes collègues  parlent de la hausse des prix. Moi sympa je parle aussi «Et vous avez vu le prix de la bûche ? Honteux, je vous dis, honteux ! ». Regard bizarre. Ils parlaient plus de l’huile et du sucre. Chacun ses goûts après tout. Moi je demande jamais les prix dans une épicerie, parce qu’ils sont pas affichés sur le produit, mais sur ta tête. Alors j’essaie de  pas faire celle qui sait pas et qu’on peut arnaquer. Quand l’addition semble trop sucrée, je demande le détail et le vendeur me regarde comme si je le trahissais « Kifach, madirilich confiance, ana khouk[3] ! ». Ok ok mec, arnaque moi, je dirai rien.
Dans les magasins de fringue, quand tu demandes le prix, on te répond automatiquement « 3000 dinars (c’est un exemple) mais on vous aide madmoiselle». Là t’es contente, t’y crois, t’es à fond, tu aimes l’entraide algérienne, et tu reçois une remise de 150 dinars.
Ok…. 150 dinars c’est la somme que demandent les mendiants de Sidi Yaya, mais merci quand même. Tu voudrai bien négocier encore, mais t’es fatiguée et ta position de caniche (oui, après trois lavages mes cheveux ne sont toujours pas redescendus) ne te le permet pas.
Oui, on aime gratter un peu quand c’est possible. Mais moi au moins j’arrête la pratique aux frontières nationales. Ce qui n’est pas le cas de mes parents, qui en France ou ailleurs, aiment négocier les prix. Ca les fait rire, et quand les vendeuses comprennent que c’est une blague, ça les fait rire aussi. Et tout le monde rit, et parle de l’Algérie.
Sauf moi, pétrifiée de honte, cachée dans une cabine d’essayage.
Dans le miroir j’ai le regard de mes 10 ans et je pleure. Je sais que dans quelques années je ferai comme mes parents. Je demande déjà qu’on baisse le son de la musique dans certains restos.
Dans le miroir, le mimétisme avec mes parents est inévitable.
Je pleure, je ris, bonne année.
Mamzelle Namous

[1] Que celui qui sait vraiment traduire ce mot parle maintenant
[2] Nonobstant son voile, cette fille est une salope. C’est comme ça qu’elle a dit la coiffeuse
[3] Vendeur outré de la confiance que j’ai pas mis à l’intérieur de lui.