Début de semaine ensoleillé sur Alger. Je voulais vous parler du journal El Watan week end qui a dit quelques mots sur Mamzelle Namous dans son édition du vendredi, vous raconter comment j’ai tellement frimé dans l’ascenseur que j’ai raté mon étage, comment j’ai soulé mes amis qui s’en foutent un peu, comment j’ai cherché le journal chez les buralistes pour le montrer à ma grand-mère , mais je l’ai pas encore trouvé donc je peux pas scanner le passage, et frimer ici même. Ne pouvant donc pas en parler aujourd’hui, je reviendrai bientôt sur les mots très gentils que le journal a écrit sur ce blog. Un peu trop gentils d’ailleurs, mais ça c’est parce que je couche avec le rédacteur. Du calme, je plaisante.
Je couche avec personne, comme toutes les célibataires algériennes.
Alors je vais parler d’autre chose. Ces derniers jours si on parle d’autre chose que de la Tunisie, on se fait limite insulter. « Comment t’oses déconner alors que chez nos voisins c’est la révolution, non mais t’as aucune conscience politique ou quoi ? » « Non j’en ai pas ».
Tout le monde parle de la Tunisie, et même le khedar [1] à coté de chez moi, il m’a déclaré solennellement « Je suis un tunisien ». Moi je pensais qu’il faisait un remix de Kennedy et son « Ich bin ein Berliner » et j’ai applaudi. En fait non c’est juste vraiment un tunisien. Et je me suis foutue un peu la honte. Ensuite il s’est baissé pour me sortir des courgettes, et j’ai eu la chance de voir qu’il avait des poils au cul. Y a des matins comme ça où la chance s’abat sur toi.
Tout le monde sur son Facebook il a mis le drapeau rouge, tout le monde il a suivi où est allé Ben Ali, tout le monde en Algérie il a voulu faire pareil, mais tout le monde a préféré rester à la maison faire un gâteau au chocolat. Faut bien célébrer la baisse des prix.
Et même en brassant du vent et des œufs, les gens ils ont continué à livrer des analyses sur les prochaines élections.
Et ce matin, en arrivant au travail, mon patron me demande « Mademoiselle Namous, vous avez entendu parler de ce qui s’est passé en Tunisie ». Euh…. Parce qu’à moins d’être au Club Med de Djerba, tout le monde sait ce qui s’y passe mon coco.
Mais là où je travaille, tout le monde croit détenir le scoop et répandre la nouvelle.
A midi, voulant respirer, je vais déjeuner avec ma maman en terrasse (oui en Algérie en Janvier, on a chaud, je peux au moins frimer sur ça). Resto bondé, on invite une dame attendant une table à se joindre à nous. Je me dis que ça va être bonjour timide et sourires gênés tout au plus. C’était oublier qu’on est à Alger et que les gens adorent parler. Même avec des inconnus. Et voilà la dame qui n’arrête pas de parler et de prêcher sa bonne parole:
« Le temps passe vraiment trop vite. Avant les gens ils avaient une éducation. Les jeunes d’aujourd’hui c’est n’importe quoi. Avant les gens ils prenaient le temps de vivre, aujourd’hui on fait plus rien. Vous avez vu ce qui se passe en Tunisie ? » « Non quoi ? » « Là bas ils ont des gens civilisés, ici on a rien du tout, on est tous corrompus ».
Pendant que je sirotais mon coca, la nana s’arrête et me dit « Madmoiselle je peux vous donner un conseil ? ». Moi je pensais qu’elle allait me dire que mon gilet gris n’allait pas bien avec mon haut beige, un truc du genre. Mais non. « Il faut pas boire du coca, c’est de l’acide, vous allez tomber malade, avoir de l’arthrose et vous allez souffrir ».
Ok la folle, ta gueule ! Mais comme je voulais pas lui prouver que les jeunes aujourd’hui c’est n’importe quoi, j’ai reposé mon coca. Et j’essayais de m’empêcher de rire, pour pas montrer que j’avais pas d’éducation.
Je me souviens qu’à 18 ans je portais des lunettes et je lisais des livres, parce que j’étais persuadée que lire m’aiderait dans la vie.
Depuis, je ne porte plus de lunettes, je vis comme une fonctionnaire et le seul livre que je lis est le livre des faces. Mais j’ai en mémoire un bouquin sur l’histoire cubaine, et une pensée d’Hemingway. Impossible de la retrouver, mais en substance, il nous disait de ses potes révolutionnaires, Castro & Co, luttant pour renverser un pouvoir dictateur, qu’ils le prendraient ce pouvoir, et qu’ils seraient pires que ceux qu’ils remplacent [2].
Alors amis fans de mojitos et de cigarillos, si vous vous levez un jour, rappelez vous que l’ivresse révolutionnaire, c’est à consommer avec modération.
Mamzelle Namous