Demain c’est la journée internationale de la femme. Rien que ça.
Mon dernier 8 mars mémorable à Alger j’avais 15 ans, j’avais fait un brushing à moins de 500 dinars chez Omar et j’étais allée à une fête de femmes en plein aprèm à sidi fredj. Et je m’étais bien fait chier. Le lendemain au lycée, un type m’avait balancé « saha saha mina bssahtek lbrushing ». Le truc que tu détestes quand t’es ado, te faire remarquer avec ce genre de trucs. Comme quand t’as des chaussures neuves et que tout le quartier te capte.
Ca me rappelle une fois où quelques mois après mon arrivée en France, je voulais dire bssahtek à une fille avec une nouvelle coupe de cheveux, et j’étais navrée de constater qu’y avait pas traduction pour ça. Spontanément, j’avais dit « bonne coupe », et cette conne elle avait dit merci. Alors que c’est pas le propos. En plus qu’elle était moche sa coiffe.
Demain journée internationale de la femme je disais. J’avais oublié qu’en Algérie c’était a big of deal ce truc, après-midi férié pour les femmes, cérémonies ici et là, fêtes dansantes, coiffeurs complets, esthéticiennes hystériques, boutiques comblées. La ville ressemble à une mizenpli géante.
D’accord, tant que je peux passer l’aprèm au fond de mon lit à regarder des séries, ça me dérange pas. Les femmes que je croise ne me donnent pas envie de les célébrer, pas demain en tout cas. J’ai demandé à mon père si je pouvais avoir un cadeau pour l’occasion, une voiture par exemple, il a dit non. Le jour où j’en ai une, je me fais ma propre fête, la journée où tu peux avoir une vie.
Parce que si t’as pas de voiture, si tu kiffes pas le bus, si t’as pas de taxi en speed dial sur ton tel, si tes amis en ont marre de faire des détours pour jouer tes chauffeurs, si ton père fait semblant de dormir quand il te voit arriver avec tes grands chevaux, eh ben t’as intérêt à aimer les séries américaines. Et toutes, tellement tu passes du temps à la maison. Je rate tellement d’évènements que cette nuit j’ai rêvé des filles de Gossip Girl.
Eh oui, la vie est dure pour nous autres sdf de la voiture. Plus de vie sociale, plus de bavardages avec les flics. Ce week-end mon frère a eu pitié de moi et dans un élan de générosité m’a prêté sa voiture pour une aprèm. J’ai fait un accident, pas parce que je suis une femme, juste parce que je conduis pas très bien. Garée à un emplacement de taxi, sommée par des mouvements de bras des taxieurs en furie de me casser, je démarre en trombe, je rentre dans une voiture. Ensuite j’ai plus rien vu. Pas évanouie, aveuglée. En trois secondes, tout le quartier était là pour mater le spectacle. J’ai touché le maire ou quoi? Même pas. Maintenant mon frère me déteste, et quand je lui ai proposé de payer pour la casse, il a même pas refusé. Y a plus de valeurs.
J’ai soudain eu une sympathie particulière pour les filles qui sortent avec des mecs juste parce qu’ils ont des voitures. Chauffeur whith benefits, on appelle ça.
Et aussi la même sympathie pour les filles qui se marient juste pour quitter le domicile familial, et partager la voiture conjugale.
Des aimants les filles. C’est comme ça qu’on les appelait au lycée, tellement le métal les attirait.
Y a l’aimant de luxe, qui choisit son mec en fonction du prix de sa caisse. Et y a l’aimant de base, plus modeste, une maruti lui suffit.
Et y a l’aimante, celle qui regarde pas ça. Celle qui chantonne baby you can drive my car…tu tu tu tu…and maybe i love you…
Mamzelle Namous