Ce matin j’avais envie d’écrire, j’étais en train de me chercher parmi mes phrases quand j’ai lu dans le blog un commentaire disant que j’étais fraîchement débarquée. C’est assez marrant comment pour peu qu’on ait pas vécu toute sa vie au même endroit, on porte partout l’étiquette du débarqué. C’est évidemment pas la première fois que j’entends ça, et ça m’amuse un peu. Surtout quand je suis à Alger. Y a toujours quelqu’un pour vous ramener à vos autres vies, et c’est souvent à des fins péjoratives.
Quand j’ai débarqué en France, les gens étaient étonnés que je parle bien français, me demandaient si ma mère portait le hijab. Si je faisais une faute d’orthographe ils disaient que c’était normal parce que bon c’est pas ma langue maternelle. Un jour j’ai eu un plâtre et une nana a cru que mon père me battait. Quand j’employais des mots qu’ils ne connaissaient pas, ils disaient que c’était normal que j’invente des mots parce que c’était pas ma langue. Ben oui.
Ils sont pas tous comme ça bien sur, mais assez pour se rendre compte que putain des océans nous séparent. J’avais envie de crier hé les amis moi aussi j’ai grandi avec club Dorothée. Moi aussi les aprèm de déprime je prends mon goûter en matant Julien Lepers, moi aussi je hurle quand je connais la réponse. Et des fois je fais même une petite danse tellement je suis fière.
Pendant toutes mes années en France, je suis allée souvent à Alger. Sidi Yahia c’est comme mon petit frère, ça m’a pas choqué quand ça a mué parce que je l’ai vu grandir.
Et quand j’ai commencé à bosser ici, c’était pas un retour, juste une suite.
Mais quand même si un jour je dis à mes collègues non merci pas de sandwich garantita pour moi, ils me disent c’est parce que oh la la t’es zaama française et snob. Non c’est juste que oh la la je dois perdre trois kilos avant Ramdane (le mois du clubbing où il faut voir et être vu).
Un jour un type m’a demandé si je connaissais Didouche Mourad. Le mec? Non la rue. T’es sérieux ?
La lutte quotidienne contre les étiquettes, c’est un truc fatigant. Remettre les choses et les gens à leur place sans être agressive, ni niaise, ni faire la fille qui se justifie. Des fois tu laisses passer. Une fois en France un type qu’avait jamais vu un passeport de toute sa vie m’affirmait avec certitude qu’en Algérie on coupait la main à toutes les femmes qui les cachaient pas.
C’est un point de non retour, faut juste leur sourire à ceux là. Si t’es dans un bon jour tu peux leur faire un doigt, qu’ils voient bien ta main. Fatal Bazooka n’existait pas encore, sinon j’aurais pu lui dire de parler à ma main.
Ces trucs là m’ont jamais vraiment embêté, parce que même si j’ai des liens avec la France, c’est pas mon pays. Mais je me mettais à la place des …. Comment on les appelle ? Les immigrés ? Oui ceux qui sont nés en France de parents immigrés, et qui sont français, qui connaissent que ça, au même titre que le type qu’avait jamais vu un passeport, et qui subissent toutes ces conneries. Et bien d’autres. Moi aussi je serais devenue une racaille, tellement j’aurais souffert qu’on m’enlève quotidiennement toute identité. Ou je serais devenue une femme très forte. Tellement j’aurais eu la rage. Quand le pays d’origine de tes parents est sans cesse dénigré et que tes papiers ne suffisent pas pour t’identifier, vas te construire une vie légère avec ça.
Et voilà que sur ce blog, léger, je lis que suis fraîchement débarquée. Fraîche oui, grâce aux lingettes Air Algérie. Débarquée c’était en 84 mon ami.
Mamzelle Namous