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Archive du mois : juin 2011

Ivresse

Cette image qui représente le blog, celle de la femme qui se maquille, c’est une œuvre de Farid Benyaa. D’ailleurs si vous cliquez dessus, vous tombez sur le site de sa galerie. C’est pas de la pub, mais une façon de dire «  hé ho c’est à moi », autrement appelé le copyright.
Je l’ai trouvé en flânant sur internet, et j’ai demandé l’autorisation. Parce que je suis quelqu’un de correct, et aussi j’avais peur d’aller en prison.
Depuis, avec Farid on est potes, enfin on s’est envoyé deux mails. Un jour, j’ai reçu une invit pour assister à un récital de poésie dans sa galerie. Et j’ai voulu y aller, juste pour pouvoir dire « Le samedi, moi je vais écouter de la poésie dans une galerie d’art, et toi tu fais quoi ? ».
Donc j’embarque ma sœur, et on y va. On met une heure pour trouver l’endroit, et une fois sur place, je n’ai qu’une seule envie, celle de manger.
Pendant que je me gare, je dis à ma sœur d’entrer dans la galerie pour voir s’ils ont de la bouffe. Elle en ressort en décrétant qu’on va se faire chier, et qu’on ferait mieux d’aller  faire des rimes chez mc kiki.
Je me laisse facilement convaincre, parce que bon c’est vrai, les poèmes c’est bien mais  à  2h du mat les nuits de chagrin d’amour ; et le samedi aprèm c’est fait pour aller manger des panini poulet mariné-supplément fromage-avec barquette de frites s’il vous plait.
Nous voilà donc en train de manger, les mains huileuses, et les seules rimes qui se déploient sont ketchup-hrissa-mayo ; coca-zéro. Notez toute la profonde mixité et l’ambivalence de ces vers. Ils traduisent bien le paradoxe humain et quelque chose d’infiniment rattaché à la culture algérienne.
A la sortie, on croise ce qu’on a cru être un clodo, criant à tue-tête, sur l’herbe. C’est pas très clair ce qu’il raconte, mais y a quelque chose qui intrigue. Alors on y prête une oreille, et on distingue quelques mots.
Le type scandait un poème de Charles Baudelaire »  Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, Mais enivrez-vous, Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé , dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
On a tous des textes qu’on lit les soirs de cœur lourd où l’on n’arrive pas à dormir, et par une certaine magie, y en a qui vous veillent et sauvent. On ne sait pas trop de quoi, mais être sauvé par un livre, par une chanson, par un film, ça a quelque chose de profondément sensé.
Celui qu’hurlait cet homme étaient un de ceux que j’ai du prendre dans le cœur.
Cet après-midi là, la poésie était venue à nous dans toute sa brutalité.
Ceci dit, s’enivrer de poésie peut-être dangereux pour votre santé et celle de votre entourage. Parce que vous risquez de mourir de solitude ou d’assommer vos amis.
En ces temps lourds, la douceur à l’état brut est peut-être la source d’ivresse qui rime encore à quelque chose.
Mamzelle Namous

After Dark

Alors c’est la Gay Pride samedi 25 juin à Paris, ça vous dit qu’on fasse la même chose ici?
Lieu? Ca commence place du 1er mai et ça finit au Paradis. Vous savez ce joli quartier aux jardins fleuris, au voisinage très sympathique. 
La tenue? Libre, toutes les fringues que vous n’osez pas mettre habituellement, parce que trop courtes, parce que « qu’est ce qu’ils vont dire les gens », parce que certains matins vous êtes fatigués à l’idée d’être dévisagés toute la journée.
Les participants? Ceux qui ne croient pas qu’être homo est une maladie ou une mode ( oui oui y en a encore), ceux qui répliquent pas beurk quand on dit lesbienne ( oui ça existe aussi). 
Pourquoi? La liberté n’est pas qu’ailleurs. Elle est en chacun de nous. (Je sais, ça fait un peu cliché publicitaire pour une marque de protège-slips, mais bon à force de s’immuniser du slip, on chope un balai). 

J’y serai? Non, je danse au bal des faux-culs ce jour là.
La date? Un jour, peut-être…

En attendant? La Shame Pride fait rage.

Mamzelle Namous

le cœur au ventre

Dans la vie il faut parfois être sérieux et parler de choses sérieuses avec des mots sérieux. Comme le fait religieux et  la morale dans la civilisation arabo-musulmanne.

En ce moment, me préoccupe le mariage, parce que c’est l’épidémie de la saison, et parce que ça semble déterminer notre existence. Depuis  l’enfance.

 

Un jour que j’avais 13 ans, mes premières règles (ouais désolée pour les détails sanglants), et des douleurs atroces, et que je me plaignais dans tous les sens, ma tante me sort  » Tu verras, tu auras moins mal quand tu te marieras ». 

Hein?  En quoi le fait d’enfiler une robe blanche Jean-Paul Gaultier (je pensais que j’allais devenir très riche), de me faire passer la bague au doigt et de signer un papier allait-il avoir un impact sur ce qui se passe là dans mon ventre? C’est l’effet corset?

Regard salace de ma tante « Non mais un jour tu comprendras.  »

 

Un jour je comprendrai que le rapport intime de l’intimité atténue les douleurs. Chez certaines femmes. Enfin je dis ça, mais moi j’en sais rien, j’ai juste lu ça dans un magazine féminin.

 

Un autre jour que j’avais un peu mûri (j’avais quand même 15 ans et demi) , qu’avec des amies on parlait de la nuit de noces, et que l’une d’entre elles disait que c’était le sujet préféré des filles, que c’était un truc qui les faisait rêver,  j’ai senti qu’un truc clochait. Chez elles ou chez moi.

Pourquoi attendre de signer un contrat pour passer à l’acte? Etait-ce pour ça que le tout le monde voulait se marier le plus tôt possible? Et si une fois passé la corde au cou, le mec est un mauvais coup? Et si une fois mariés, le mec est un vrai connard qui saute sur tout ce qui bouge? Si vous divorcez au bout de six mois?

 

Quel est le sens de la légitimité du sex?

 

J’étais d’accord pour attendre. Parce que de toute façon avec la tête que j’avais, j’étais condamnée à la vertu. Mais pour attendre le grand amour, pas le mari.

Attendre l’homme que tu aimes avec le cœur au ventre. Avec qui toute ta vie prend son sens.

NB : si vous connaissez un type qui ressemble à cette description, filez lui mon mail).

 

Le mariage lui n’est que la contractualisation du sens des choses.

 

Et moi, ce qui se passe là dans mon ventre, ça ne regarde ni le droit, ni la religion, ni le maire. Sauf si, attendez, il ressemble à quoi le maire d’Alger?

 

Alors voilà j’ai grandi, et je grandis, avec cette idée.

 

Encore un autre jour où j’avais un peu vieilli (c’était hier), je suis allée chez l’esthéticienne. Il fait beau, les jambes sont de sortie, faut bien arracher le poilou. Offerte à ses mains, je lui demande de passer au poilou du minou (ouais ouais désolée pour les détails poilants).

Elle me demande  » Tu  es mariée? »

-Euh non…

-« Qu’est ce que tu t’en fous alors? »

Je replonge dans mes 13 ans, je ne comprends pas, je voudrais être méchante mais elle a de la cire et je suis nue, alors je ne dis rien.

 

Elle ajoute  » Non non mais c’est bien de le faire dès maintenant, comme ça quand tu te marieras, ça sera plus facile. »

-Ouais ouais justement c’est pour ça que je suis venue, parce que ce matin je pensais au jour de mes noces, et  j’ai décidé d’investir à l’avance dans le business du poil.


Allongée face à elle, je pense à la vertu, à la pudeur, à la pureté. Des valeurs dépassées par des symbolismes symboliques. Des valeurs rabaissées et salies. Mais certainement pas par le fait amoureux.

 

 

Mamzelle Namous


Les Prêcheurs

Vendredi, jour du seigneur.

Ce jour où tout est fermé plusieures heures pour cause de prière. La dernière fois que t’as prié t’avais 15 ans et c’était la veille de tes compos, mais tu te souviens pas que ça durait aussi longtemps. C’est à cause des prêches qui vont avec. Dans ton quartier y a un commercant qui fait le rebelle et qui ferme que 10 minutes, le temps de la prière. Tout le reste c’est de la politique, il dit à ses clients. Tout le monde le trouve bien léger mais aussi bien serviable.
En attendant le déjeuner, tu t’installes devant la télé. Y a des gens intelligents qui parlent de Strauss-Khan, et t’essayes de retenir par coeur les phrases d’une belle blonde philosophe, pour les ressortir plus tard. Elle dit que cette histoire nous a emprisonné, et un tas d’autres choses profondes.

J’ai bien essayé de les replacer après avec mes parents, mais les mots sortaient pas de la même façon. Sur elle c’était du genre  » La portée médiatique de cette affaire nous a contraint à nous plonger dans une indécence, d’une portée quasiment métaphyisque, nous a étalé la vulagrité de la vie publique et alors que lui dort dans une prison dorée, nos sens sont vautrés et nos pensées enchaînées« .

Sur moi, ça donnait « L’affaire strauss-khan bezaf ! ».*

Les deux se valent mais crédibité intellectuelle zéro. J’ai tenté de me racheter avec l’histoire de la bactérie tueuse dans les légumes, en disant  » J’avais raison de jamais manger de légumes, hi hi hi! « .  Mes goûts d’enfants confortés, leur regard apitoyé.
Pendant que je parle comme si j’étais une blonde (et non plus LA blonde), ma mère veut que j’écoute l’Imam à la télé. Il dit parfois des choses sensées d’après elle. Mais je m’endors en me disant que jamais je ne  laisserais mes chaussures à l’entrée d’une mosquée. Ca me rappelle la seule fois où je suis entrée en pareil lieu et que le type nous avait lavé le visage avec de l’eau bénite et que j’avais pensé ensuite que c’était le meilleur démaquillant au monde. Depuis je collectionne les flacons d’eau de bir zem zem** et ma peau est éclatante de santé. Peut-être que ça se voit aussi de l’intérieur et que c’est comme une prière en somme.

 

Ma mère me redemande pourquoi je ne fais pas la prière. Je lui réponds qu’il me manque le temps où les gens commençaient à flipper et à prier à  45 ans, allaient à la Mecque à 70 ans, n’en revenaient parfois jamais. Soit ils  crevaient étouffés par les prières des autres, soit ils devenaient marchands d’or.
Aujourd’hui le gars de 25  ans rêve d’y aller, parle en plaçant des références à Dieu toutes les cinq minutes, fait un crédit sur 10 ans pour acheter un mouton, envisage d’arrêter de boire un jour et prétend vendre du rêve . Tout fout le camp.

Regard affolé de ma mère.

Vendredi, nuit du seigneur, beaucoup de restos sont fermés. Le choix est donc limité et tu files chez l’indien de Cheraga avec tes potes. La Mecque de l’arnaque. De la bouteille d’eau d’ifri qu’on t’impose, du bol de riz tellement hors de prix que tu te dis qu’il  est sûrement béni d’un dieu indou, des deux morceaux de poulet qui se battent en duel dans un bain marron-jauni qui ressemble vaguement à du curry. A la fin tu te demandes si la table à côté vient pas de se faire servir le reste de ta sauce.
 A la libération, le mauvais goût se paie cher.
Tes amis veulent aller en boite mais tout le monde a la turista. Chacun dans ses chiottes pense au lendemain qui l’attend. Le samedi où tu dois régler toutes les choses matérielles de ta vie. Moi je vais aller à ma banque juste pour faire semblant qu’il se passe quelques chose sur mon compte.

 Le samedi où tu maudis le mec, qui y a 2 ans a bougé le  week-end jeudi/vendredi. Tout ça pour être à l’heure internationale. Fallait peut-être y penser en 62 à l’international.  Tout fout le camp.

Après bénédictions et malédictions, tu vas à la mairie retirer un papier hyper important pour faire un autre papier qui te permettra de t’inscrire à la piscine municipale. La mairie n’est pas équipée d’ordi, elle marche aux registres ( gros grands cahiers, souvenez vous), grosses chaises en cuir dignes des réunions FLN (souvenez vous, c’était y a pas si longtemps), la machine administrative est si lente que je crois qu’on a remonté le temps. 62 est encore là, rien n’a pas foutu le camp.

Prions pour ce pays. Nos âmes peuvent attendre.

Mamzelle Namous

*C’est trop
**Eau sacrée, bénite,  de la Mecque

La Mort Heureuzzz

Avec l’été les moustiques. Ca pique, ça gratte, ça met de la pommade, ça fait chier sa race. On veut leur peau.

Après eux, ton petit frère qui les chasse à coups de coussin  et ton grand frère qui  les attrape à coups de main. Ca marche une fois sur deux. L’autre fois c’est toi qui t’es pris la baffe ou le coussin dans la face.

Avec eux ton père qui rentre tout content d’avoir acheté un appareil à électrocuter les moustiques. Ambiance chaise électrique au dîner. Ambiance shoah chez les Namous.

 

Avec l’été il  y a mieux. Y a la plage, y a les amours de vacances et l’espoir d’en choper un (de mec, pas de moustique). Je suis passée pro en la matière.

 

Imaginez une plage vide au matin qui se lève. C’est magnifique ce silence. Les éboueurs ne sont pas encore passés, ils ne passeront qu’une fois sur trois. Ce matin là quelques sachets s’envolent avec le vent, quelques melons sont emportés par les vagues.

Dans le décor il y a moi, levée de mon insomnie, un livre à la main. La Chute de Camus.

Et assez près un homme, qui lit un livre aussi. On peut imaginer que c’est un Dostoïevski, ou « Comment gagner au poker » de Bruel. C’est au choix.

 

Deux êtres seuls sur une plage ; le moment nous rend beaux. Mes neurones se mettent en place pour trouver une stratégie d’attrapage. Y a beaucoup de vent, je pourrais faire semblant de me noyer, mais s’il ne vient pas, est-ce que ça vaut le coup de risquer sa vie pour l’image de l’éventuel homme de sa vie ? Un neurone s’électrochoque contre un autre en essayant de répondre à cette question.

 

Qu’aurait fait Gabrielle Solis (alias Eva Longoria) dans cette situation ? Sortir de l’eau, le buste en avant, le cul dandinant, les cheveux au vent.

Ca a l’air facile, je tente la marche séduction massive. Mon maillot colle en haut et baille en bas. Je n’arrive pas à savoir si mes sourcils sont bien en place, mon nez n’a pas l’air net, mes pieds font des pas de géants, et le vent plaque mes cheveux à gauche. Et mes mains, ça se met où des mains d’habitude ?

 

J’arrive à ma serviette, et prends un miroir pour vérifier l’état de l’intérieur de mon nez. Le geste le plus classieux de l’histoire. C’est à ce moment là qu’il me regarde, je le sens, je le sais.

 

M’en fous, j’abandonne pas. Je mange un biscuit major, je me mets de la crème solaire qui sent bon  et je fonce le voir mon bouquin en main. « Bonjour, désolée de t’importuner. Voilà je viens de finir mon livre, et je trouve ça sympa de le donner à la première personne croisée. Tiens ».

Ca s’appelle de la drague à l’intello. Ca s’appelle être une naze aussi. C’est au choix.

Il me sourit, mon cœur fond, mon nez coule, et grâce au vent je me prends un sachet dans la face.

Il rigole comme rigolerait un prince (pas celui de Machiavel, un de Monaco). Ma dignité s’électrocute au contact de mon sang.

Il prend le livre et s’en va.

 

Non je n’avais pas noté mon numéro dedans…

Non je n’avais pas fini de le lire….C’est quoi la chute alors ?

 

Trente minutes plus tard, ma cousine arrive à la plage. Elle m’essuie la trace de chocolat sur ma lèvre et les résidus de crème solaire. Je ressemblais donc à un albinos qui aurait rencontré un pot de Nutella. J’ai l’égo d’un moustique bafoué en plein vol.

 

J’ai raconté mon coup de la foudre à ma cousine, on l’a surnommé « le lecteur ».

Plus tard cet été, on l’a revu. A la lumière de la foule ordinaire, on l’a rebaptisé « Hannibal Lecteur ».

 

L’intensité du soleil ce jour là,  la plage, cet étranger, la folie, ma sottise et Camus ont eu ma peau.

 

 

Mamzelle Namous

Oh Baby It’s A Wild World

C’est toujours la même rengaine, se lever et affronter le monde extérieur. Et mes mots sont pesés. Alors qu’on aimerait rester dans son confort d’émotions, éviter les remarques, les regards que l’on fait porter, nos contradictions.
Eviter notre être dans la société.
Pourtant il faut bien le faire, on a été éduqué pour ça.
Mais trop c’est trop. La semaine dernière j’ai suggéré à mon patron que je pouvais tout aussi bien faire 90% de mon travail à la maison, qu’internet et le téléphone servaient à ça, éloigner les gens. Et le méchant il a pas voulu. J’ai failli lui faire une démo à l’américaine, avec diapo et tableau démontrant de la hausse de ma productivité si je restais chez moi, mais bon moi je suis algérienne, je me suis tue et je suis allée geindre ailleurs.
Alors je reste dans mon bureau, à manger des bigkat (le kitkat algérien), et à lire des blogs. J’ai récemment découvert celui-ci , et je m’emplis de beauté et d’humour.
Et quand je sors du bureau, c’est le choc. C’est un monde sans dérision, des féminités préfabriquées, des bruits de talons à rendre sourd un castor, et des hommes aux âmes moches.
Et moi dans tout ça j’ai peur de devenir comme ça. Un cœur amer dans un corps de fast-style.
Peut-on à ce point être emmerdé par tous ou est-ce juste des vagues à l’âme post-ado ?
Je demandais une fois à un ami si ça lui arrivait à lui aussi d’en avoir marre de tout le monde, de regretter les jours où on était sympas et sociables avec les autres, et de ne plus avoir envie de faire semblant ?
Il m’a répondu « Il y a des jours où ça ne m’arrive pas ». Et j’ai ri tellement fort que c’était l’évènement du jour dans la boite.  Pourquoi a-t-elle ri ? A cause de ce qu’on a lui dit sur mon kiki?
Alors c’est bon signe qu’il y ait une communauté de tous les sauvages de la Terre. Sauf qu’il y a des jours, j’avoue, où j’entre bien dans le monde. Où je complimente machine sur son écharpe machinalement, où je rigole, où je commère, partage, où j’ai même parfois un sentiment de bonheur et d’appartenance.
Mais la nature revient et me rappelle à ma sauvagerie et tout le monde m’énerve de nouveau. Avec ma mère notre récent jeu est de trouver une personne qui ne me soule pas. A ce jour, on en a compté deux (allez trois). Sur 300 amis facebook (ok, moins !), ça fait cher le compte.
La pire trahison à son état sauvage c’est lorsque des phrases s’échappent de votre bouche et que sur le coup vous y croyez. Ensuite vous avez envie de pleurer votre race d’avoir dit ça et d’être devenu ça.
L’autre jour, ma copine Azyadée (on choisit pas son prénom) m’a invité chez elle pour qu’on parle de son futur mariage et de ses problèmes de couple. Et je me suis entendue dire « Il vaut mieux toujours épouser quelqu’un de son milieu-socio culturel », « Vous avez pensé à l’éducation des enfants ? », « Et votre plan logement ?», « Si ta mère ne l’aime pas, tu devrais pas l’épouser », « Il faut pas se marier pour de mauvaises raisons ».
Ensuite son chien m’a pissé dessus et c’était comme un coup de pied au cul. Un coup de pied à la bien-pensance qui s’immisçait en moi.
Mon authentique ignorance a repris le dessus quand Azyadée nous a montré à Shérazade (mes copines ont des prénoms bizarres oui) et moi ses affaires de mariage. J’ai donc appris qu’il y avait une valise de trousseau qui devait rester jolie et propre. Je sais que la mienne (si valise il y a un jour) sera tachée et cabossée, car ainsi va la vie d’une valise. Que les futurs mariés achètent des draps et peignoirs en soie et satin. Et je me demande pourquoi les jeunes mariés ne dormiraient pas dans du coton.
Ma sauvagerie a aussi repris quand j’ai tué le chien précédemment cité.
Un autre jour j’ai rencontré un garçon qui m’a parlé de sa vie de famille. Le soir venu il couche ses enfants, et au lit avec sa femme, ils boivent du scotch. Et juste cette scène suffit à leur bonheur.
Ne penser qu’à ce genre d’images ça réconcilie avec sa vision du monde. Enfin un peu.
Mamzelle Namous