C’est l’été, les gens se marient, et nous, bah, on les regarde se marier.
Vous n’avez pas envie d’y aller à tous ces mariages, mais vos parents se chargent de vous rappeler que si vous n’allez nulle part, personne ne viendra à votre fête à vous dans quelques années. Et ça vous imaginez pas.
Y a d’abord eu le mariage de la fille de votre plombier.
Vous ne la connaissez pas, mais vos parents tiennent à garder d’excellentes relations avec le monsieur qui vient déboucher votre lavabo trois fois par an, alors ça ne se discute pas.
La fille du plombier se marie dans une contrée lointaine et inconnue, Sidi Moussa. Vous y arrivez avec vos talons argentés, et vous découvrez ce que toute jeune fille appréhende : la non-mixité des festivités.
Pas même un cousin qui traîne dans la salle avec sa caméra, que des nénettes. Vous auriez su, vous auriez zappé la partie je m’achète un wonderbra. C’est pas ce soir que le célibat finira.
Votre mère aussi est déçue, mais ça ne se voit pas, son visage s’orne automatiquement d’un sourire quand elle entre dans la salle. Vous ne récupérerez votre maman que de longues heures plus tard.
La fille du plombier veut vous faire plaisir, alors vous êtes placées à la table d’honneur (avec la femme de l’électricien), juste en dessous de la clim.
La clim crache des icebergs, vous allez mourir d’une pneumonie, vous pleurez pour de vrai.
Le sourire de la mère se fige un peu et ses pieds vous tapent sous la table. Paraît que ça se fait trop pas de chialer à un mariage. Sauf à faire passer ça pour de l’émotion.
Mais vous n’avez jamais été une bonne actrice.
La mariée porte une perruque blonde et un masque sur le visage. Vous vous prenez en photo avec elle, vous pourrez faire croire à vos amis que vous étiez à Londres et que c’est Barbie chez Madame Tussaud.
La semaine d’après il y a eu le mariage de la fille de l’ex-directeur du protocole de telle administration.
Vous ne la connaissez pas, mais vous étiez dans la même école primaire. Alors pour vos parents, c’est quasiment votre meilleure amie et ça ne se discute toujours pas.
Comme toutes ses copines, ses parents ont choisi la salle d’un grand hôtel, comme ça tout le monde a les mêmes photos de mariage.
Au lieu de vous préparer, vous devenez la domestique de votre mère. C’est le drame quand elle ne retrouve pas le foulard assorti à sa pochette et la maison se transforme en tsunami.
Personne n’est prêt mais votre père attend déjà dans la voiture.
Vous arrivez à salle du Sheraton (ou Hilton/St Georges/Aurassi), et chez les gens huppés, hommes et femmes se mélangent. Si vous y regardez de plus près, ils se mélangent trop, mais cela fera l’objet des commérages du petit-déjeuner post-mariage.
Vous remarquez que toutes les femmes d’un certain âge portent la même écharpe que votre mère autour des épaules. Vous vous retournez pour en rire avec elle, mais son visage s’est déjà figé du sourire automatique.
Les filles de votre âge sont toutes coiffées comme vous, le brushing ondulé. Sauf que sur vous, ça se voit pas. Mais c’est le geste qui compte.
La mariée est radieuse, elle sourit, elle danse, elle pétille, et ça vous émeut. Vous êtes bien la seule. Les commérages ont déjà commencé « Bouh elle danse trop, ça se fait pas pour une mariée » ; « Tu as vu, elle n’arrête pas de rire et de parler, c’est pas bien » ; « Une mariée doit être plus réservée, elle est folle hadi » ; « Tu as vu comme le mari il est moche ».
A la fin, tout le monde repart avec sa petite boîte de gâteaux, et en les mangeant, les mêmes bonnes femmes feront tourner leur mauvaise langue sur le manque de raffinement du makroud.
Les langues de vipères, mascottes de tous vos mariages, iront après se coucher, le ventre lourd. Le lendemain, il y a encore un autre mariage à aller commenter.
C’est l’été, les gens se marient, et nous, bah, on sait ce qui nous attend !
Mamzelle Namous