La vie est belle, il fait beau, on met des jupes qui volent au vent, les garçons matent les cuissots. Tout le monde est content.
Et y a des jours où y a tellement de vent, les jours où t’as décidé qu’un peu de marche te ferait du bien, où t’as pas réfléchi à l’incompatibilité équationnelle jupe courte + vent = strip tease offert aux riverains de said Hamdine.
Parce qu’ils le méritent bien avec tous ces travaux sur l’autoroute. Ils méritaient bien que tu leur livres à 9 h du matin l’un des secrets les mieux gardés de la terre : les filles, mêmes grandes, ça met des culottes pour enfants de moins de six ans.
Y a un garçon qu’est venu te dire que t’étais ravissante (un adjectif très prisé du dragueur de rue hein ![1]), et quand tu lui fais ta grimace qu’on dirait que t’as 5 ans, il t’a reproché de pas lui dire merci.
Ils en méritent quand même pas autant les gens de Said Hamdine, y a des limites à la générosité intercommunale.
Puis tu arrives à ton travail, et là l’humanité se divise en deux catégories :
-Les gens bronzés
-Les gens blancs.
Les blancs sont les massakins, qui pour une raison ou une autre (pas le temps, pas l’argent, pas la carte, pas la voiture, pas la sociabilité) ne vont pas à la plage.
Et comme leur blancheur leur donne un goût amer, lorsqu’ils voient une jeune fille dorée par le soleil, ils n’hésitent pas à sortir de leur bouche aigre-pas-douce, des énormités du genre« Bouh hada ça se voit c’est pas un bronzage de plage. Bayna t’étais à la piscine ou dans le jardin ta3 darkoum ».
Et la fille ne comprend rien à sa vie parmi ces gens.
(C’est pas à moi qu’on a dit ça. Je fais partie des blancs. J’ai essayé de bronzer dans le jardin, mais entre les arbres, ma mère qui insistait pour que je mettre de la protection solaire SPF 300 comme si j’avais 4 ans, l’ouvrier de la maison en construction d’en face [2] qui matait, j’ai pas trop pu).
La matinée au bureau consiste à observer la vie passer. Et une vie, ça passe doucement jusqu’à midi.
La pause de midi est l’occasion d’aller dans l’une des rues les plus chics de Hydra, manger un mini-cheeseburger à 160 dinars et prétendre que ça te suffit. Mais tu prends aussi des frites. Et à la caisse tu les déclares pas, parce que t’es une bad girl de la frite.
Tu sors, la peur au ventre que le caissier te chope et t’humilie, tu marches un peu et t’entends un homme derrière t’appeler « mademoiselle mademoiselle », des images du cachot d’El Harrach défilent dans ta tête. Tu maudis ta radinerie.
Le mec te rattrape :
– Bonjour Mademoiselle, je ne veux pas vous déranger. Je suis un habitant du quartier, et vraiment je suis très très intéressée par vous………. Pourquoi vous rigolez ? Enfin vous rigolez c’est bon signe…… Non arrêtez de rire, je vais me vexer…… Je vous plais pas ?
Plusieurs leçons à tirer :
Quand on habite à Hydra, on le dit, même quand c’est pas la peine.
Un homme qui dit très très sérieusement qu’il est très très intéressé par votre personne, alors qu’il vous a aperçu à la sortie d’un fast food, qui s’étonne que vous explosiez de rire comme une gosse de 6 ans , ça vous donne la frite.
Il méritait bien un « merci » ce mec là, mais je suis une radine, il l’aura pas.
Mamzelle Namous