C’est un joli matin d’octobre.
Un matin pour tomber amoureux.
Le soleil jauni quitte nos vies, et nos jambes blanchissent derrière de l’opaque.
L’Algérie est un mauvais pays pour la rencontre amoureuse. Il faut penser à où se voir, où créer ce qui n’existe pas encore, où partager son intimité.
Que dire à ses parents.
Quand on est jeune, très jeune, on ment volontiers à ses parents. Pour aller en boite, pour zoner après les cours, pour avoir de mauvaises fréquentations.
Quand on a 33 ans, on a beau être gestionnaire de crise à la banque mondiale, la vie chez les parents vous gèle dans cet état adolescent.
Alors on ment, on invente, on fait des grands dessins avec les mains.
Tout plein de copains et de copines refont surface dans nos scénarios.
On est à plusieurs endroits en même temps.
On devient mytho, parano.
Pour vivre sa tranquillité.
Les parents, eux, ils l’ont vu, dès votre premier rendez vous, cet œil qui pétille tellement plus que d’habitude.
Ils ont tout compris à votre gorge qui déblatérait, sans trêve, le bonheur qui s’immisçait.
Mais dans votre état de grâce, vous avez fait l’ado, vous vous pensiez dans votre bulle.
L’Algérie est un mauvais pays pour la vie amoureuse. Votre premier baiser ne s’imagine pas sur un quai de gare.
Tout, avec l’autre, se vit à l’abri des autres.
La ville, pourtant si propice, devient l’ennemie.
On se terre, on se cache, on étouffe, on s’éloigne.
Pour vivre son bonheur.
Quelques chanceux ont les conditions idéales, et le drame algérien est qu’ils mesurent bien cette chance.
On comprend pourquoi, ici, les gens veulent autant se marier. Pour se connaître vraiment.
Et c’est d’un triste….. Pourtant on finit par céder à ce prisme.
C’est ainsi que je me suis fiancée la semaine dernière.
Non je déconne, je suis encore dans mon état de garce enfantine.
Ma grand-mère me fait des crêpes chaque matin, et je glousse quand un motard me drague.
C’est vrai, l’autre fois, j’étais en voiture avec deux grandes amies qui ont des boulots du style responsable de la gestion de crise à la banque mondiale, et plusieurs motos nous côtoyaient sur la route. Elles portaient des hommes aux allures fortes, et aux combis cuir.
Nos yeux ont eu le torticolis et nos cuisses ont fait ouille ouille ouille.
L’un d’eux, allumé par nos regards de grâce et notre garce naturelle, s’est approché dangereusement.
On a découvert chez lui le regard le plus doux du monde. Et on a pouffé.
Il a ouvert la bouche pour nous dire « Allah Ibarek » (on traduit ça comment ?). Et plouf, notre émoi est redescendu.
J’en connais des superbes gens de 33 ans qui continuent à vivre leur vie, à leur allure, et non à travers les prismes sociaux. Et c’est de ces gens là qu’on tombe amoureux, un joli matin.
Mamzelle Namous