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Archive du mois : octobre 2011

Ma vie ne ressemble pas à un film français

Un samedi, c’est un jour que t’as pas encore compris. C’est le week-end mais pas vraiment.

 Tu te réveilles avec le bruit des travaux des voisins, ils sont en train de construire un château sous ta fenêtre, et tu les regardes. Ta mère-grand est allée vérifier le permis de construire. R+2. La semaine dernière, ils ont entamé le troisième étage et paraît que c’est pas fini.
Ta mère-grand pense à aller se plaindre à la mairie, pour cause de vol illégal de soleil. Mais à la mairie, ils sont pas encore dotés du service « réclamations ». Enfin si, mais pour déposer un dossier, il te faut l’extrait de l’acte de naissance de ton futur petit fils, et tu le retrouves pas.
Alors , ta mère-grand, elle a dit  » On va prendre une photo et l’envoyer aux journaux ».
Elle vit dans sa bulle. Le voisin dans son monde. Toi dans le bruit, et bientôt dans l’obscurité.

 Le samedi, tu le continues dans un état proche de la déprime. Tu passes ta journée à répéter « daket rouhi ». Qui veut dire « c’est étroit à l’intérieur de moi ». Tu te plains à ton mec, il sait pas quoi te dire, tu raccroches.
 T’as bien envie de sortir, mais tu sais pas où. Une  copine te propose l’aroma café, t’aimes pas trop mais t’y vas. C’est fermé, t’es à pied, y a nulle part où aller dans le quartier. T’as pas envie de te taper la route que tu fais déjà toute la semaine.  Tu finis dans une pizzeria, à faire comprendre au serveur que tu veux pas de pizza, juste un chocolat chaud.
 Ta copine, c’est une journaliste qui écrit aussi des livres et qui fait des films. Elle recèle d’histoires intellectuelles. Vous avez déjà voyagé ensemble, et vous pourriez passer des heures (enfin une heure) à parler de littérature soviétique et de guerre des diamants en Afrique Noire.
 Mais vous parlez que de garçons, et vos aventures se ressemblent. Ca vous passionne.
A côté de vous, deux jeunes filles parlent de garçons aussi, de textos bizarres, de messages ambigus, vous vous moquez d’elles.
 Vous décidez de rentrer à la maison à pied, à discutailler entre filles, vous longez une espèce de parc, c’est joli, mais vous marchez étrangement. Vous avez peur qu’un type vous colle la main aux fesses. Parce que ça vous est déjà arrivé quatre fois en 15 ans, alors maintenant quand vous marchez, vous guettez les mains des autres et la position de vos fesses. Vous tirez sur le bas de  votre gilet, mais ça sert à rien.  C’est jamais les jeans tailles basse collé serré qui roucoulent du cul  qui se font choper.
 Quand tu retournes chez toi, le samedi après-midi te replonge dans l’ambiance  écolière, à la veille du début de semaine. Les devoirs à faire, les leçons d’histoire à apprendre, la flemme, l’ambiance morne de la maison, le rien à la télé, le rien à manger. Et les parents qui ressassent d’aller travailler.
 Alors que là t’as  rien à faire, à part attendre  le temps passer. Ton frère est en pleine négociation avec les parents pour le nombre d’invités à son mariage. Quand certains noms fusent, les voix montent très vite.
En Algérie ce sont les parents qui se marient, les intéressés sont des invités comme les autres.
 Je trouve une photo de travail de mon père, à la sortie d’une conférence, avec tous ses collègues, et je la montre à mon frère en lui disant  » voilà à quoi va ressembler ton album de mariage mon chou ».
Ca le fait pas rire.
Comme tout le monde, il a toujours répété que son mariage serait intime et lui ressemblerait.
Comme tout le monde, il cèdera et distribuera des sourires figés à une centaine d’inconnus et fera des gesticulations devant un photographe bizarroïde.
 Le samedi soir, moi je vais me coucher avec un film français, le genre de Claude Chabrol , pour rester dans l’ambiance, et donner de la consistance à mon ennui.
 Alors quand la semaine commence, je m’ennuie toujours,  mais j’en fais tout un cinéma français.  Je prends la gestuelle d’Isabelle Huppert,  je me teins les cheveux au henné, je marche au ralentis, je file gentiment  mes collants en coton,  je mets trop de mascara et je joue le vide, en en faisant un paquet.
Je vais manger seule, je m’arrête dans l’une des plus belles bijouteries pour mater les diamants. Le vendeur me présente le modèle « Kate ». Très à la mode en Algérie.  Je demande  » Moss? » , d’un ton timbre. « Non, la princesse« .
« Ah trop cliché pour moi…. »
Je hausse le sourcil quand il me présente le prix, alors que ma tête hurle  » whaaaaaaaaaaaat », je sors de là.
Je voudrais marcher en regardant les  merveilleux nuages, mais je me souviens que j’ai peur de la main aux fesses.
Alors je marche vite, je traverse de l’autre coté quand il n’y a plus de trottoir, je refais ça plusieurs fois. C’est éprouvant.
Un type en voiture me crie  » wesh orangina!!« . Je comprends pas. Je rentre à la maison, ma mère me dit que mes cheveux ont étrangement viré orange. Qu’il faut arrêter de faire le  henné comme ça, toute seule n’importe comment.
 Je décide d’arrêter les films français. Jusqu’au samedi soir.  Et je me tape la belle gueule de Louis Garrel. Ensuite je cherche à Alger un homme comme lui, je trouve pas, je vire rouge, je bois de l’orangina,  et les autres choses manquent……..
Mamzelle Namous

Peut-on parler des jolis garçons?

« Les jolis garçons », c’est un titre de livre que je n’ai pas lu, que j’ignore de quoi il parle. Mais l’expression, elle me suit. C’est à cause du mot joli, probablement un de mes mots préférés, et un trop petit mot pour toute la joliesse qu’il exprime.

 

C’est aussi à cause des hommes. Certains, quand ils vous regardent, ils vous envoient du joli à pleine vue, et ça vous en met plein la vie. Du coup, les filles détournent, baissent le regard, s’embrouillent de timide, et ne savent plus quoi dire.

 

Les jolis garçons, ce sont ces hommes qui ont de l’espiègle dans les yeux. Qui du coup, même s’ils sont grands, vous rabattent dans l’enfance, avec les petits gars qui vous faisaient chavirer dans la cour de récréé.

 

Quand ça m’arrive, je veux me revivre, et je traîne dans le quartier où j’ai grandi. Un jour, j’ai voulu entrer dans mon école primaire. C’était en plein mois de ramadan, les gosses étaient déjà sortis.

Je dis au gardien que j’étais là avant et que j’aimerais juste y faire un petit tour. Il me demande «  Kriti wella Kariti? » (t’étais élève ou maîtresse?)….. 

Euh…. Non mais mec, tu m’as vu moi et ma fraîcheur juvénile? On a l’air d’avoir 50 ans?

 

C’était plus petit que dans mes souvenirs évidemment, mais s’asseoir sur un banc en pleine cour,  c’était comme regarder des bribes de passé. Repenser aux garçons qui courent après les filles, aux petits tabliers que l’on portait tous, à nos petits manteaux, aux bisous volés, aux joues rougissantes.

Je souriais comme une demeurée, et le gardien m’a chassé.

Quand je suis rentrée à la maison, toute heureuse d’être allée dans mon école primaire, ma soeur m’a sorti « wech tu te la joues pied noir qui fait son come-back? » 

 

Voilà, les jolis garçons, ce sont ceux qui vous donnent envie d’envisager l’enfance.

Vous les rencontrez deux, trois fois dans votre vie. Si vous êtes conne, vous partez sans rien dire, sans rien demander. Avec la conviction que le fait des choses qui vous a réuni vous fera vous recroiser encore.

Vous êtes conne quoi……

 

Ou pas.

 

Dans le monde, il y a des villes majestueuses, qui crient au romantisme. Et il y a des villes comme Alger, qui crie au loup. Mais qui derrière des portes, recèle des surprises, d’autant plus surprenantes, que rien ne les présage ou ne les projette. Des surprises, telles des apparitions, dont la disparition ne nous surprendrait même pas.

 

C’est pourquoi j’aime Alger, pour cet étonnement là. Au  milieu de l’ennui, du gris de la ville, du noir, des gens qu’on n’aime pas, il y a des coups de théâtre dans des détours.

 

Ce sont les jolis garçons. Ce sont les caprices qu’ici on aime bien.

 

 

 

 

Mamzelle Namous 




p.s : je viens de lire le résumé du livre, qui donne envie d’être lu! Si je le trouve, je le laisserai sur un banc tiens, et je dirai où, pour qu’on puisse jouer (enfin) au passe-livre (book crossing, , livre-libre, kitab hor……). 

Bonjour je m’appelle Mina, j’habite Alger et je n’ai pas de voiture





Si toi aussi tu cherches une voiture depuis X temps, ce texte est pour toi. 
Si t’as 20 ans, de longs cheveux soyeux, une frange et que tes parents t’ont acheté une voiture quand t’as eu ton permis, passe ton chemin. Tu m’énerves à chaque fois que je te vois, alors de de grâce, barre toi! 
Alors voilà, jadis, mes parents m’ont prêté une petite voiture. C’était pas l’état de l’art, mais c’était cool, on s’amusait bien. Elle s’arrêtait sans raison, je lui gueulais dessus. Je lui chantais des chansons. Elle m’étouffait, je lui faisais prendre l’air.  Elle perdait de l’huile, je l’engraissais.
C’était comme un mauvais petit copain, au moins elle était là.
Pis un jour, elle est partie. J’ai pas compris. C’était la nuit, quelqu’un est venu et il l’a pris.
Mes parents m’ont expliqué que la voiture n’était pas à eux, qu’il fallait la restituer. Qu’on savait bien que ce jour finirait par arriver, et que vite ils m’en achèteraient une bien à moi.
C’était il y a bientôt un an.
Bientôt un an de « qui m’emmène le matin?« , de « ah oui j’adorerais t’accompagner à cette soirée privée avec des marines  à l’ambassade des Etats-Unis mais j’ai pas de voiture« , de « tu peux venir me chercher? », « tu peux me raccompagner? ». 
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA!
Bientôt un an de « attends je vais demander à mon père s’il peut me déposer« .
Cette dernière phrase, là, c’est un aller direct vers  » Salut, je m’appelle Mina et j’ai 15 ans ».
Chaque samedi ( parce que je choisis le samedi pour être particulièrment chiante), je me pointe devant mes parents à l’heure du déjeuner et je déblatère sur mon malheur de jeune fille moderne, sdf de la voiture.
Au début ils étaient encourageants, ils me disaient de patienter juste un peu, qu’une bonne affaire se profilait.
Au bout de quelques mois, le discours a changé, ils m’ont dit qu’ils voulaient du neuf. « c’est mieux d’acheter une voiture neuve, c’est connu ». 
Ensuite mon frère nous a dit qu’il allait se marier, et là j’ai compris que pour la voiture neuve c’était mort cette année.
Le samedi d’après, re-pointage tout de même « Alors kech tonobil? »
Là, leur face a commencé à  changer  » si tu veux une voiture, commence par chercher toi-même ».
Ok.
J’ai pris le numéro de toutes les « A vendre » vues sur la route. J’ai gentiment demandé le prix.
Les vendeurs ils m’ont dit  » Mmmm on m’a donnée 800000″.
Quoi? Mais votre prix?
« On m’a donné 800000 ».
Ah ok, je savais pas que je participais d’emblée à des enchères.
En plus que j’ai jamais rien capté aux prix.
Ensuite j’ai jamais compris pourquoi, en Algérie, la voiture d’occaz est aussi chère que la neuve.
Tout le monde a une explication logique là dessus , histoire d’interdiction de crédit, d’offre et de demande, bla bla bla.
Mais ça m’énerve, alors je comprends pas.
Au fil des semaines, j’ai tout de même sélectionné quelques bonnes affaires.
La 2Chevaux vintage à 200000 dinars. Je m’y voyais déjà.  La Swift de 2006 j’en faisais déjà des films dans ma tête. La dizaine de Peugeot 206 aussi.
Tout cela fut classé sans suite par la haute autorité parentale, la très respectée HAP.
Quelques semaines encore plus tard, le discours a encore changé. Des phrases telles que  » prends le bus » sont apparues dans le vocabulaire de la HAP.
On a aussi pu entendre  » tu veux une voiture? achète là toute seule ».
Mes arguments, tel mon désespoir, se sont faits enfantins. « Mais Rania, son père il lui a acheté une voiture elle! »
« Mabrouk 3liha », qu’ils m’ont dit.
Khraaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa! (ça j’ai pas dit, je l’ai juste crié tellement fort dans ma tête que je suis sourde).
Mon anniversaire est passé, des milliers de samedi aussi, la même rengaine toujours.
Je pense à une fugue, ma grand-mère songe à un vol. Nous repensons à l’époque où j’avais entre 15 et 20 ans, et qu’à part Volkswagen, aucune marque n’avait grâce à mes yeux. J’étais snob, garce, j’y croyais.
Aujourd’hui, je prendrais même du chinois. En voiture, pas en homme, je suis encore snob du mec.
Samedi dernier, je dis rien. Je retiens, j’avale mes mots, je ravale ma salive, je fais tourner ma langue, je chope un ulcère. Mon frère nous parle de la somme minimale que coutera son mariage.
Vous savez que traditionnellement ce sont les parents qui prennent en charge ce genre de frais. 
Je m’étrangle.
On me tire de mon silence en me demandant  » Et toi Mina il faut que tu commence à penser à tes robes pour le mariage de ton frère ».
AAAAAAAAAAA JE VAIS VOUS RUINER!!!!!!!
Je les regarde avec ce regard que-je-crois-mystérieux-et-profond-mais-qu’en-fait-est-ridicule-et-qu’on-dirait-plutôt-que-je-louche. Le regard que prennent les gens qui voient défiler la phrase ridicule  » La vengeance est un plat qui se mange froid ».
C’était le récit  de Mina, jeune fille de plus de 25 ans qui a perdu la tête. L’année prochaine elle vous racontera comment elle s’est mariée avec un chinois petit, myope et moche, et en plus pauvre. 



Mamzelle Namous

C’est pas Moi, c’est Elle

the sartorialist
Vous savez, il y a des matins dans la vie où vous vous levez dans un éclat de rire.  Où un sourire vous suit gentiment toute la journée , où vous traînez un visage radieux malgré vous. C’est rare, mais ça arrive.
Ce matin là, vous ressortez le recourbe cils et vous êtes la reine du monde.
J’appelle ça les journées où votre vie vous rattrape, où votre visage se reconnaît.
J’appelle ça les jours amoureux. Ceux où vous vous surprenez à regarder les arbres, tiens.
J’en ai eu quelques un comme ça ces dernières années. Et là très dernièrement.
C’est un réveil doux, où l’on rêve encore, avec étirement, avec enjambées. Quand BAM on entend quelque chose qui se fracasse. Merde, j’ai oublié que je dormais avec l’ordi sur mon lit.
On ramasse, tout va bien, la tête continue son sourire.
C’était un jour, où dans la voiture, au milieu des bouchons et de la chaleur, je regardais deux gosses dans la voiture devant moi. Ils collaient leur nez au pare brise arrière et jouaient timidement. Pas le genre de gosse qui vous fait la grimace quand il vous voit ( ou un doigt tiens, ça arrive aussi). Le genre un peu gêné et espiègle dans les yeux, qu’on a envie de prendre en photo.
Le genre qu’on a envie d’imiter aussi, et qui nous rappelle toutes les fois où, avant 10 ans, on a fait ça.
Je les salue quand ma voiture les double, et j’ai peur de me prendre un vent. Mais non ils sont gentils, ils me font un signe aussi.
Là je sais, à mon émotion ridicule, que mon enfance me cherche aujourd’hui.
C’était ce jour même où j’ai fait un road trip forcé avec une fille que je n’aime pas beaucoup. Les filles qui ne s’aiment pas savent se réunir autour de deux sujets de conversation : les cheveux et les garçons.
Les filles qui s’aiment aussi d’ailleurs.
On s’est éclatées à se raconter nos histoires de lit, de boutiques de lingeries tenues par des barbus où du coup t’oses pas trop regarder. Quand tu chopes timidement un modèle, le barbu te dit «  non non celui là ne t’ira pas, fais moi confiance, prends plutôt un bonnet C« .
Et t’as envie de t’enfuir. Alors que le mec il a toujours grave raison sous sa barbe.
On s’aime toujours pas avec la fille, mais on se fait moins de grimaces.
C’était ce jour aussi, lorsque je suis rentrée à la maison, et que ma mère m’a embarqué pour aller visiter un appart. « On cherche un logement maman?« 
-« Non mais ça fait passer le temps, et on sait jamais qu’un jour on veuille te foutre dehors » 

J’adore les agents immobiliers et leur j’ai-réponse-à-tout.  Si vous dites que la fenêtre donne sur une vue pourrie, il est capable de vous sortir « Non mais plus personne ne regarde par la fenêtre aujourd’hui ma p’tite dame ». 
Alors on est allés voir l’appart où ma mère compte me jeter un jour. Et je ne sais pas ce qui s’est passé, mais j’ai fait un bond dans le temps. J’ai la certitude d’avoir grandi dans cet appart, ou d’y avoir passé des heures et des heures, avant mes 10 ans.
L’agent immobilier nous dit qu’il a été construit au début des années 2000.
Je le crois pas, je crie  » On achèèèèèèèèèèète« !
Ca n’évoque pourtant rien de particulier à ma mère, mais ça me rappelle tellement quelque chose des années 80.
Ou des photos de mes parents dans le années 70. Quelque chose dans ma mémoire en tout cas.
En sortant de l’immeuble, j’eus la sensation d’un regroupement de vie.
On achètera pas, parce que « machi affaire », mais ça me conforte de savoir qu’il y a là, partout, des endroits inconnus ancrés dans notre mémoire.
Je me souviens qu’un jour j’ai beaucoup trop aimé cette phrase de Ionesco, « Le fait d’être habité par une nostalgie incompréhensible  serait tout de même le signe qu’il y a un ailleurs« , sans vraiment la comprendre.
Je me souviens avoir beaucoup dit, à une époque, que nous sommes originaires de la mémoire de nos parents.
J’y ajoute évidemment, allègrement, la mémoire de notre enfance.
Et il y a des jours, à la vue d’un endroit, ou d’un homme tiens, où votre enfance vous coure après. Alors mieux vaut n’avoir d’autre choix que de courir avec elle, de tourner autour des arbres, jusqu’en avoir les joues rosies, et le visage qui éclate de rire.
Mamzelle Namous

Libérez les Boissons!

Alors toute à l’heure je parlais au téléphone avec ma sœur, qu’est partie loin. Elle marchait dans une grande et belle avenue, café caramélisé starbucks à la main, elle gambadait, heureuse et ensoleillée.

Elle me dit «  Et toi tu fais quoi ? ». Moi ma chérie je marche dans les rues du quartier, je vais m’acheter à manger. Tu veux entendre ma commande, ça va te faire rêver : Bonjour, complet poulet sans salade s’il vous plait, hrissa-mayonnaise oui, merci .
Ca te donne pas envie de revenir à Alger ? Nos matins sont légèrement frisquets, je prends un foulard d’automne avec moi. La journée, peu à peu, devient moite et chaude. L’humidité ravage nos cheveux et nos teints.
Il y a de l’humidité là où tu es ?
« Non non mes cheveux tiennent bien ». La boucle, meilleure indice du taux d’humidité.
Je lui dis que notre mère m’a harcelé pour qu’on installe Skype, et ce fut chose faite la veille. Qu’on l’a attendu mais qu’elle ne s’est pas connectée. Que maman n’a pas voulu me laisser aller dormir , qu’elle a voulu garder l’ordi, qu’il a fallu lui montrer comment ça marchait Skype. Comment ça marche Windows aussi.
« Ah oui hier soir je suis allée au ciné. Ensuite dans un resto super bon, y avait un acteur américain hyper connu mais je connais pas son nom. Tu sais celui avec les cheveux gris ».
Aaaaaaaaaaaaaaaaa ijzeBdebzebfbzfiezabfhzbfz Georges Clooney ? bkdezdegbuedg éyuegé ue Richard Gere? hkedhzihdezgezigdzeiu Robert Redford ?jlkzjzoemhmferzhfm!izjfzmfz!mémkremk!!!!!
« Je sais plus,  passons ».
Je t’envoie des photos d’acteurs toute à l’heure et tu me diras si tu le reconnais. Comme ils font dans les films avec les suspects.
« C’est bon Mina, t’as pas de vie ou quoi ? »
Bien sur que j’ai pas de vie, mon meilleur ami est le tenancier du fast food.
Je lui demande si elle compte venir à Alger pour ses vacances en novembre. Ca coïncide avec la fête du mouton, et ça serait bien qu’on se retrouve tous.
« Euh… »
Je joue la sentimentale, je lui rappelle l’aïd de l’an dernier. On avait un joli petit mouton, qu’on avait appelé Georges mon mouton. Sa peau ressemblait à nos boucles, et chaque jour on le vaporisait de parfum. Un mouton c’est moche et ça pue, mais on s’y attache.
Dans un scénario européen, on aurait tout fait pour sauver Georges mon mouton de la mort, mais l’algérien, après une demi-douzaine d’aïd, autant de moutons, devient blasé de la tendresse moutonnière.
Ainsi va la vie.
Alors le jour fatal, on a filmé. On a eu la chance d’avoir un vétérinaire en guise de debah (abatteur) qui nous a tout expliqué, qui nous a fait participer, et qu’à la fin on a voulu draguer.
Mais il avait des mains pleines de sang, nous des gandoura ( robes de maison) et ma mère se plaignait que le foie de Georges mon mouton soit trop petit.
On a donc évité le coup du « Je fais une étude sur les vétérinaires algériens de moins de 35 ans, j’aimerais beaucoup avoir ton témoignage de professionnel, tu peux peut-être me laisser ton numéro ? Ah t’es chez mobilis, c’est super, moi aussi ! »

On a raccroché en rigolant, et en attendant mon sandwich, j’ai eu  une énième discussion avec une inconnue sur « L’Algérie ».
On a tous eu cette conversation. Ca commence gentiment, et ça inclut souvent  » L’Algérie rahet fiha, ya hassra, djazair bekri ». Même si les interlocuteurs ont 25 ans.
Ca tourne autour de « on ne vit plus », »on ne sort plus », « L’Algérie c’est devenu n’importe quoi » , » Y a nulle part où aller »,  » On étouffe ».
« La circulatiiiiiiiiiiioooooooooooooon ».
Y a des périodes d’ailleurs où je ne peux plus parler d’autre chose que de la circulation.
Et même la circulation « c’est voulu! »
Ca va vers autrui : « Les gens ne respectent plus rien » , « ness heblou ».
Et à un moment, l’une des deux personnes dit quelque chose qui va faire sourciller l’autre. Aujourd’hui, j’ai sorti   » Et vous avez vu, ILS ferment les bars et les débits d’alcool« .
Silence gêné de l’inconnue. Je me sens obligée d’ajouter  » Non mais même si on les fréquente pas, ça nous concerne tous ». 
Blanc………………………
« Non mais c’est par principe ». 
Blanc qui lave plus blanc………………………………..
« Non mais c’est une question de liberté. Aujourd’hui c’est les bars, demain ça sera les chocolateries. Ou les fast food tiens ». 
Mon complet poulet sonne le glas de cette descente aux enfers.
Je sors de là, j’envoie un texto à ma soeur  » Ne viens pas pour l’aïd, c’est moi qui viens, bisou ».
Mamzelle Namous

Love sweet Love

On ne parle pas beaucoup d’amour ici. C’est un mot qui se chuchote et qui s’écrit à peine.
On évoque la rencontre, on attend le mariage, on discute des questions associées.
Un jour, j’assistais à une discussion entre deux filles. L’une parlait de « son ami ». L’autre demandait « Alors vous pensez au mariage ? ».
« Non, pas du tout ».
« Alors pourquoi vous restez ensemble ? ».

Cette fameuse question, lorsque vous y avez droit pour la première fois, un « euh….» s’éclipse de votre bouche, et s’installe dans votre tête.
Que répondre à ça. Certains disent « on apprend à se connaître ». Mais la réplique a sa date d’expiration. 
Alors on dit qu’on s’aime, qu’on ne se projette pas dans l’avenir, qu’on est encore jeunes pour penser à tout ça.
Et on le dit souvent, tant la question du « alorskech officialisation ? » est récurrente, sur le ton de la plaisanterie  (la plaisanterie qui dure, qui dure) ou celui sérieux des gens tristement sérieux

Il n’y a pas de notion du présent. Ici le présent n’est qu’un prélude. A une khotba (demande en mariage), à un crédit immobilier, au premier fils.

Au début, la question vous fait rire. Vous vous en fichez, vous êtes libre, heureux, l’amour s’installe doucement dans votre vie.  Vous vous moquez de ces gens et de leurs réflexes avec vos copains. Vous êtes différent de la masse. Vous avez 30 ans, mais merde vous êtes encore jeune, aucune ride ne se lit sur votre visage, vous avez toute votre vie pour un crédit et des mioches à aller chercher à la crèche locale.

Après quelques mois, cette question «  mais t’as envie de te marier avec elle/lui ? », rentre dans votre quotidien et sort de la bouche des potes avec qui vous en déconniez avant (cf. paragraphe précédent). Alors forcément,  votre sourire radieux (faisons nous plaisir, lançons nous des fleurs) s’irrite un peu.
Vous expliquez aux gens qu’entre vous et l’amour de votre vie, c’est la vie au présent.  Que votre relation n’a pas besoin de ce support qu’est le projet d’avenir.

Les gens, ils gobent pas ça. Ils sont dans une bulle de pâte d’amande en forme de poire.

Au bout de deux ans, vous êtes la pute de service. Vous appartenez à la catégorie de filles avec qui le mec joue, mais qu’il n’épouse pas. Les histoires de «  Chafia est sortie pendant des années avec Chafik. Ils étaient fous amoureux, ils sortaient, ils faisaient tout ensemble. Mais il a fini par épouser Chafika, la très jeune et très sage fille du commissaire ».

Votre mère  qui a toujours eu peur que vous deveniez une Chafia, vous répète que sortir avec des garçons c’est bien. Perdre son temps avec eux, c’est moins bien. 
Et votre meilleure amie commence à tenir le même discours.

Le temps… si frêle. Si insignifiant. Tous ces parents qui s’agitent pour inscrire leur gosse de 5 ans et demi à l’école, sinon après il sera toujours en retard sur son âge.
Tous ces mauvais choix qu’on s’oblige à assumer au risque de perdre encore une année.
Les choses qu’on croit devoir réaliser avant 30 ans.
C’est dur l’amour entre deux êtres humains. C’est dur le couple dans certains pays. Le temps présent est tout ce qui existe, et qu’on cherche pourtant à fuir à coups de bonds dans l’avenir. 

Ou à coups de ressassements du passé parfois aussi….

Se lier au présent avec une personne, en prenant son temps, c’est vivre sa vie sans déranger le futur qui arrive. Sans se ranger irrémédiablement. 
C’est l’amour qui prend votre vie, avec courage, avec douleur. Alors c’est risqué, ça dérange ceux qui vous veulent du bien, et ceux qui veillent à votre mal.  

C’est trop d’individualismes pour entrer dans nos traditions.

Alors que vous ne dérangez personne, vous serez rangés dans des cases de petits esprits. La vieille fille, la salope, celui qui ne veut pas s’engager, celle qui a raté des occasions en or, celui qui a fait un mauvais mariage.

On vous prêtera volontiers de l’amertume aussi.

Alors que votre fenêtre abrite des baisers salés et des baisers sucrés, vous vous surprenez parfois à vous laisser prendre par les lèvres amères des autres.  Et à vous poser des questions sans goût.

Mais un nuage de bisounours balaie ces questions, et vous laissez l’amertume pendre aux langues de ceux qui en  ont le temps.

Mamzelle Namous

Ecoute la Mer!

L’autre fois,  en un jour joli de vendredi , on s’est tous levés tôt pour aller à la plage, en famille. Au complet. Le truc qui n’est pas arrivé depuis 1999.

Le père, la mère, les frères et les soeurs, la grand-mère, la tante qui traîne toujours dans les pattes. 
Wow wow ce serait le bonheur….. 
On était debout à 9h, on a enfilé nos maillots, on s’est disputés sur le nombre de serviettes à prendre, on a cherché les paréos et les crèmes solaires, on s’est gueulés dessus parce que Machine avait fini l’huile de monoï. 
On a pas voulu prendre de petit dej’ pour garder le ventre plat ( enfin les filles, enfin moi quoi).
Quatre heures et cinq sacs de plage plus tard, on a grimpé dans la voiture. Manquait plus que les thermos. 
Ah mais si on en avait un. 
Encore un peu , et on embarquait la pastèque, mais on est des gens classes tout de même. 
Dans la voiture, les enfants ( moyenne d’âge 23 ans) se sont pris la tête car personne ne voulait s’asseoir au milieu, et tout ce chahut a énervé les parents. Des cris se sont entendus. On a évité la distribution de gifles, on est des grands enfants quand même. 
On allait enfin démarrer, quand ma mamie a hurlé qu’elle avait oublié son téléphone, elle a couru vers la maison, et on l’a attendu une demi-heure.
En l’attendant, les enfants ont voulu descendre de la voiture, mais les parents  ont eu peur qu’on se disperse trop, qu’on revienne jamais et nous ont contraint à rester assis.
Le père voulait pas gâcher la clim, alors on avait chaud, et la mère l’a traité de radin. L’ambiance a chauffé, et les enfants se sont faits tout petits. 
Sur la route, on a chanté (yeah yeah yeah) , on a dansé ( là je crois que j’ai vu passer une claque), on a draguouillé les mecs ( on reste discrètes, l’enfant sait avoir des  réflexes d’ado). 
Une fois arrivés à la plage, les enfants se sont mis d’accord pour rester sages et ne pas éveiller la bête qui sommeille en chacun des parents. Nous les avons donc laissé choisir le coin le plus pourri, bien entouré de familles.
Vous savez planter un parasol vous? Parce que nous, vraisemblablement, non. On dira que c’est à cause du vent, et des débats sur le positionnement idéal de la chose. 
Moi je regardais ailleurs, j’ai pas pu aider. 
La chose s’est envolée au moins cinq fois, a failli éborgner plusieurs personnes, et on a dû la tenir avec les mains à la fin. 
On a couru comme des sous-dev vers l’eau mais  y avait des méduses . Et les enfants ( les vrais, les moins de 10 ans, pas nous) s’amusaient à les attraper avec leurs seaux. C’était très mignon. 
Mais complètement inconscient, les parents sont fous de laisser faire ça. 
Cette dernière phrase est de ma mamie. 
Du coup nous, on avait tellement peur, que mêmes les algues, on les prenait pour des méduses. Et on est restés sur le sable, à boire du thé, manger du chocolat fondu, et des melons baignés dans de la vodka (ça c’était dans mes rêves et les suggestions non suivies de mamie). 
On s’est racontés nos petites aventures de mer. Comment Machin est resté balafré pendant TOUTE UNE ANNÉE après qu’une méduse l’ait chopé. 
Comment Machine a été piqué par une araignée de mer en 1990 et a dû se faire OPÉRER aux URGENCES.
Ensuite, c’est de la surenchère évidemment. 

Ca s’est fini par la tante qui a croisé un ours de mer au large de l’atlantique.

« C’est pour ça que t’as une sale gueule ? », on lui a demandé ( dans nos rêves). 
Au bout d’un moment, le soleil qui tapait fort, la faim , la fatigue ont conduit les enfants à faire ce qu’ils font de mieux : pleurnicher pour rentrer à la maison. 
Cette après-midi là, on a oublié qu’on avait tous au moins 18 ans. 
Nous sommes rentrés à la maison, grillés par tant de soleil, ressemblant à des sablés à la cerise. 

Quatre inondations dans la salle de  bains plus tard, la bonne humeur était revenue et on a fait ce qu’on fait de mieux aussi , on s’est moqués de nous.
Le lendemain, on s’est tous levé très tôt pour aller à l’aéroport. Accompagner notre soeur qui va poursuivre sa vie sous de lointains cieux.
Sur la route, on a joué à « Qui peut draguer le plus de mecs en voiture« . C’est ma soeur qui a gagné le plus de sourires, parce que c’est la plus belle. Et que j’étais trop rouge.
Sur place, on a beaucoup ri, beaucoup trop. Mais ça n’a pas pu empêcher les larmes d’au revoir.
On s’est quittés plein de mélancolie.
Le lendemain de son arrivée, ma soeur m’appelle. Elle meublait son nouvel appart, et me dit  » Minaaa, je suis allée faire des courses,  un vendeur m’a arnaqué! « 
Moi  « Ewwww, déjà! Méfie toi, c’est des voleurs là bas, qu’est ce qui s’est passé?« 
Elle:  » Il m’a vendu une lampe de chevet sans ampoule!« 
Euh…………………………. C’est normal non? Attends j’ai un doute, je demande à Maman. 
Moi « Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa c’est normal d’acheter une lampe sans ampoule??« 
Le temps d’un instant, on a oublié qu’on avait toutes deux au moins 20 ans.
Ca nous a ravi cette enfance intouchable.
Ma mère en était dépitée. 
Elle qui nous appelle quatre fois par jour pour s’assurer qu’on mange bien, qu’on travaille bien, qu’on dort un peu au moins.
Ca nous sied bien ce cocon.
J’espère que ma soeur, au loin, continuera de le ressentir.  Parce que la famille, qu’on soit collés comme des sardines dans une bagnole, ou séparés par des « il est quelle heure chez elle déjà?« , c’est un truc qui vit en vous. Un truc increvable.
Et ça c’est le bonheur, wow wow …….

Mamzelle Namous

Joli Matin d’Octobre

C’est un joli matin d’octobre.

Un matin pour tomber amoureux.
Le soleil jauni quitte nos vies, et nos jambes blanchissent derrière de l’opaque.
L’Algérie est un mauvais pays pour la rencontre amoureuse. Il faut penser à où se voir, où créer ce qui n’existe pas encore, où partager son intimité.
Que dire à ses parents.

Kiss Cool

Notre aid de cette année a été bercé par une drôle d’ambiance  (ah oui,  saha aidkoum, mouah mouah mouah, koul am ou ntouma bkheir, saha ou l hna nchallah, t3idou ou ntzidou,  3ayadtou milh? ça s’est bien passé? la famille ça va? rehtou le bled?). 


Fait normal, durant l’aid, tout le monde s’appelle, même les gens qui ne s’appellent jamais, mais vraiment jamais. 
La téléphonie aidienne répond cependant à quelques règles :
-Le plus jeune appelle le plus vieux. Et faut faire viiiiiiiite, sinon une personne plus âgée que toi risque de te téléphoner avant ( genre à 9h du mat le premier jour) et te dire  » Oh tu m’appelles pas pour l »aid? ».
Et là t’as aucune excuse, t’es juste quelqu’un de mal poli.

Règle n°2 : Souhaiter saha aidek sur son mur FB à l’attention générale, ça ne compte pas. C’est trop facile.
– Les gens classes ( comme vous, comme  moi) n’envoient pas de textos groupés. Ils prennent le temps, parce que les gens classes ( nous)  font dans le particularisme.

Si vous n’avez envie d’appeler personne, vous pouvez simplement vous expliquer en disant  « Aucun appel ne passait, réseaux bouchés, catastrophe! »
Oui pendant l’aid, votre sauvagerie annuelle doit être justifiée.
Autre fait normal, durant l’aid, les gens se rendent visite…. beaucoup…… 
La famille, les amis, les collègues fayots, les voisins.
Cette année, même les Kadhafi sont venus nous rendre visite (les Guedafi pour les plus je-veux-montrer-que-je-suis-un-arabisant d’entre vous).
Cette visite nous a  valu quelques messages fort peu sympathiques. Ainsi, entre les textos du style « saha aidkoum, mouah mouah mouah, koul am ou ntouma bkheir, saha ou l hna nchallah, t3idou ou ntzidou,  3ayadtou milh? ça s’est bien passé? la famille ça va? rehtou le bled? », se sont glissés des mots de nos amis étrangers du genre:
« Non mais comment vous avez pu accueillir ces gens? Vous n’avez aucune humanité ou quoi? Non mais y a que l’Algérie pour faire ça, franchement ».
J’ai même une copine qui m’a gueulé dessus, comme si la Mercedes des Kadhafi était venue se garer devant chez moi.
Oui, les kadhafi sont arrivés en Algérie en Mercedes ( ou truc du genre); vous imaginiez quand même qu’ils s’étaient cachés à l’arrière d’un camion….
Et  la diplomatie américaine n’a rien à voir avec cette décision…. rien.
Et oui, bien sur, les algériens ( tous hein, parce qu’y a eu un référendum pour nous demander si on voulait bien de la famille d’un tyran dans notre territoire, et on a répondu à 99, 99% oui, et le gouvernement , comme à son habitude, a juste suivi l’avis du peuple) sont sans humanité.
Contrairement aux autres pays, qui eux, n’ont jamais reçu les Kadhafi chez eux. Jamais de la vie!
Si un jour vous avez croisé la chevelure blonde d’Aicha Kadhafi dans un immeuble haussmannien du 8ème arrondissement de Paris, eh ben…. eh ben… eh ben………. Ah oui c’était avant que le reste du monde ne se rende compte que son père était un monstre.
C’était avant Jésus-Christ.
Du coup, durant l’aid, on a beaucoup parlé de la Libye, chacun y allant de sa petite théorie.
On a beaucoup parlé aussi de la position de l’Algérie dans tout ça. Chacun y allant de sa phrase , « Nos diplomates ne servent à rien », « Aucune prospective », « On est des cons »,  » Non notre ligne de conduite est parfaitement justifiée ».

Plus tard dans la semaine, alors que la vie normale reprenait doucement, qu’on tapait 30 bises par heure pour se souhaiter saha aidkoum, et qu’on parlait des gens qui ont le courage de faire sabrine (jeûner encore six jours pour avoir le forfait illimité accès paradis), des phrases type apocalypse now  sont venues gâcher l’ambiance.

« De toute façon ici ça va barder pire qu’en Libye » ;  » Le pays bouillonne »;  » T’as vu comment ils vont reloger les gens dans des cités de luxe, ça se fait pas, ça va exploser » ; « Allah yestar »; « C’est le retour de la décennie noire »;  » Les attentas de tizi et de cherchell c’était voulu qu’est ce que tu crois » ;  » L’Algérie est foutue ».

Yeah ambiance!!!!!!!
Septembre commençait mal, très mal.
La peur nous prend.
On ne pensait pas que c’était possible, mais le dispositif de sécurité a encore  été renforcé. Le moindre de nos pas semble nous rappeler que nous sommes sur une poudrière.
L »impuissance rencontre l’éventuel inévitable. Et nos gorges se serrent.
Alors, quand le 3 septembre, on a su que des petites manifs étaient prévues pour défendre le port du poum-poum-poum short dans certains coins de la ville nocturne , on était contents qu’il pleuve ce jour là.
Saha aidkoum, restons sages , mouah mouah. 



Mamzelle Namous

Hors série, Crazy Thanks

Il est coutume, chez les blogueuses chics, suite à la parution d’un article chic dans un journal chic, d’écrire « Bienvenue aux lecteurs de …. « .
Ici, bien qu’on soit chics, on fait pas comme tout le monde.
Une chose m’étonne, beaucoup de gens lisent les journaux sérieux…..
Je ne les lis que quatre fois par an.
Et quatre fois par an, en refermant le journal, je clame « Pffff non mais n’importe quoi les journalistes en Algérie », histoire de légitimer  ma paresse de la presse.
Nesrine Sellal m’a contacté par mail la semaine dernière pour me demander si je voulais bien accorder une interview à el watan week end. J’ai dansé la rumba sur mon lit à la lecture de son mail.
Ensuite, je lui ai répondu, l’air détaché  » ouais ouais pourquoi pas…. ».
On s’est retrouvées à la maison de la presse. Et dans mon fantasme, cette maison ressemblait à une belle bâtisse blanche, avec un grand salon, où des journalistes sexy-intello-brumeux se retrouvaient pour boire du scotch, se draguer et discuter de l’avenir de Cuba sans Castro.
Ben en fait, fallait le deviner, la maison de la presse c’est juste l’endroit où y a les bureaux de plein de journaux.
Et ça n’a rien de sexy. Faut laisser une pièce d’identité à l’entrée, et bien sur j’en avais pas. J’ai laissé ma carte chifa (la carte vitale algérienne  récemment créée).
En réalité  j’avais mon permis, mais je voulais frimer avec ma nouvelle carte chifa.
Nesrine, elle , heureusement, était sexy et adorable. Du coup, en confiance, j’ai déblatéré mon lot quotidien  de conneries.
On a beaucoup parlé de notre place dans la société , du chagrin ressenti quand on en arrive à croire qu’on ne fait même plus partie de cette société. Qu’il y a ce cercle, et qu’on flotte autour.
Bla bla blour….
J’ai aussi parlé des liens qui se tissent depuis quelques mois  au sein de « jeune vie algéroise » entre nous.
Bla bla blou….
 Et à la fin, je lui ai dit  » Bon je te fais confiance pour ne pas me faire passer pour une conne ».
« Oui oui mina t’inquiète pas ». 
Je rentre chez moi, le coeur léger, le pas ravi, heureuse de ma journée.
Le lendemain matin, je décuve. J’ai peur que mes conneries se retournent contre moi ( c’est un truc qui arrive souvent avec les conneries).
Au final, l’article est cool, très cool.  Vous pouvez le lire ici. 
Les réactions ont été top, et les statistiques m’ont de nouveau bluffé.
Les messages dans les coms, par mail ( si je vous dis que j’ai reçu 300 mails vous me croyez? Non? Si? Non? Bon ok khlass, un mails reçu), et sur la page fb ont été cool, très cool, vachement cool quand même.
 A nouveau je danse la rumba dans mon lit.
Danser la rumba pour moi c’est simultanément déhancher ses hanches, faire des grands mouvements avec les bras, faire le tcha-tcha-tcha à ses pieds, ouvrir grand la bouche  et se regarder dans le miroir en faisant tout ça. Et se croire dans une balançoire.
Danser la rumba, dans certaines contrées isolées de Cuba ou de mon imaginaire, c’est une façon de remercier les personnes qui viennent vous rendre visite et qui reviennent.
Et vous aimez tellement ça, que bam, vous dansez la rumba.
Mamzelle Namous