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Archive du mois : février 2012

Le Dîner de Monsieur l’Ambassadeur

Y a une dizaine de jours environ, je reçois un appel d’une amie journaliste qui me demande si elle peut donner mon numéro à une collègue. J’imagine que je vais faire la Une d’El Watan et je dis ouiiii bien sûr, ne me pose plus ce genre de questions, donne mon numéro à la presse entière. 

Le soir, alors que je n’ai reçu aucun appel, je demande à mon amie de quoi il s’agit.

Elle me dit  » je sais pas trop, je crois que c’est pour un dîner à l’ambassade des Etats-Unis, ils veulent inviter des blogueurs, elle va leur donner ton numéro« .

 

 

A partir de ce moment là, je n’ai plus fermé l’oeil. Un dîner à l’ambassade des Etats-Unis, plus chic y a pas.

En l’espace de trente secondes, j’ai réfléchi à chez quelle coiffeuse j’allais aller, et comment j’allais m’habiller.

J’ai visualisé ma silhouette, le pantalon que je voulais porter exigeait la perte de trois kilos. J’avais donc  besoin de temps.

Le reste de ma tenue incluait une virée au magasin mardi gras de sidi yaya.

 

Je n’étais pas prête, je n’avais reçu aucun appel téléphonique, mais je m’y voyais déjà :

Moi entrant à l’ambassade, moi discutant avec l’ambassadeur « oh you think that my blog iz amazing? Rrreally? thankk you, i love so much amerrica« .

Ouais j’ai un accent de merde. Et je vis dans une bulle enchantée où, bien évidemment, je serai assise à la table de l’ambassadeur et de son épouse.

Même les lumières je les ai imaginé.

 

Quelques jours plus tard, toujours aucun appel. Par prévision, je me suis mise au régime, et j’ai manqué de faire un emprunt bancaire.

Je suis allée chez mardi gras, y avait les escarpins que j’allais porter au dîner.  (Ceux que madame l’ambachadrice allait complimenter d’un  » oh they’re so pretty! »

Moi, éclatante de beauté : « They come frrom marrdi grras, in sidi yaya,  do you know sidi yaya? »

« Of course, who doesn’t!« .

Et là on aurait éclaté d’un rire gras et chic).

 

Donc,  je vois les escarpins, je les essaie, je jubile. Je demande le prix, par formalité.

Le vendeur tique un peu, il me dit que  » kayan moussa3da« . Merci, mais elles coûtent combien d’abord?

-Vous savez mademoiselle c’est une grande marque française.

(Z’avez remarqué comme tous les vendeurs adorent l’argument « c’est français« , ou encore mieux  » ça vient directement d’Italie« .)

 

Ouais ok mec, crache le morceau.

-60.000. 

 

Je tombe.

Bon ok c’est des Yves St Laurent, mais ça fait au moins deux ans que je les vois prendre la poussière dans ce magasin. Ca devrait pas être aussi cher.

 

-Bessah n3awnek mademoiselle, machi machkel. En plus jawek bien bezef. Wellah Kharjou 3lik.

( Ca coute 600 euros mais je vais te faire un prix ma biche, et pour bien t’arnaquer, je te dis que ces chaussures je ne veux les vendre qu’à toi tellement même ton ventre il est beau quand tu les portes).

 

Je demande si son offre de marchandage inclut, en préliminaire, une division du prix par deux. Parce que là, c’est pas possible. Mon père il est pas ambassadeur des Etats-Unis.

 

Je les enlève, avec toute la délicatesse qu’elles suggèrent et je remets mes chaussures pourries. Je me dis que je trouverai ailleurs, mais c’est un leurre.

 

Deux jours passent,  aucun appel, aucun kilo de perdu, et aucune chaussure à mon pied. Je commence à espérer que ce dîner soit en Avril, ça me laissera le temps de maigrir et de m’enrichir.

 

Je garde toujours mon téléphone à côté de moi pour ne rien rater, et au petit matin,  si je vois qu’un numéro  inconnu m’a appelé à 3h du mat, je rappelle, on ne sait jamais.

Même les bipeurs je les rappelle.

Bref, je suis une makhlou3a. ( je propose comme traduction excitée de la vie).

 

J’ai même dit à mon  grand frère qu’il devrait obligatoirement se libérer le jour du dîner pour faire mon chauffeur.  Il m’a demandé quand était prévu  le dîner. Je sais paaaaaaas.

Je lui raconte comment je me prépare, il se fout de ma gueule.

 

Le dernier week-end passe. Toujours pas d’appel, mais j’oublie pas.

 

 

Ce matin, je me dirige vers le boulot, je gambade, mon téléphone sonne, c’est mon grand-frère:  dis Mina, je suis en train de lire le journal, ton dîner c’était pas hier soir? Parce que y a un truc qui ressemble un peu à ce que tu m’as raconté. 


-Quoi???


– Hier, à la résidence de l’ambassade des Etats-Unis, Hillary Clinton, en visite à Alger, a rencontré des représentants de la société civile, triés sur le volet, parmi les jeunes activant dans les réseaux sociaux. 


-Noooooo rien à voir, c’est autre chose. 


-Non Mina je pense que c’est ça, blog/réseau social, c’est la même idée. En plus pile à l’endroit où ton dîner était prévu, ça peut être que ça.


-Mais pourquoi personne ne m’a appelé? Je suis pas assez triée sur le volet moi c’est ça??


-Mais non c’est pas grave, ils ont sûrement invité ceux qui causent politique…



La rue paisible dans laquelle je marchais se rappellera longtemps de mon  » PUTAIN DE MEEERDE ».

Je maudis toutes les fois où je n’ai pas parlé de ce putain de printemps arabe.

 

Je garde toutefois l’espoir que ce n’est pas de ce dîner-là qu’il s’agissait, parce que ça serait trop bête.

C’est peut-être deux choses différentes un dîner à l’ambassade des Etats-Unis avec des blogueurs algériens, et une réception à la résidence de l’ambassade des Etats-Unis avec des algériens qui s’activent dans les réseaux sociaux.

 

……

 

Non c’est la même chose putain.

Avec Hillary Clinton en plus.

Oui, je suis aussi une makhlou3a d’Hillary.

 

Bon, je vais aller  chez mardi gras, ça me remontera le moral.

 

 

 

Mamzelle Namous


Le Désespoir de la Vieille

J’avais pas fait attention, parce que je consulte jamais le crédit de mon téléphone. J’appelle, j’envoie des centaines de textos, j’appelle, et j’attends le bip de fin.

Et puis sur facebook j’ai vu un truc, j’ai pas compris tout de suite. J’ai essayé sur mon tél : « votre crédit est de 56.30 dinars ( merde c’est bientôt la fin). Voter est un acte de citoyenneté et de responsabilité ».

 

J’aime  pas quand la citoyenneté elle s’invite toute seule  dans mon téléphone. J’aime pas, c’est incongru et stupide. Ca ressemble au martelage des mauvaises pub  qui croient qu’à force de répéter, on va gober (si juvabien, c’est juvamine).

Ca ressemble à rien, c’est pas de la politique, c’est pas de la sensibilisation. C’est un geste de désespoir.

On devrait être sensibles au désespoir, en tant que personnes.

Les vieux qui sermonnent sur la citoyenneté et la responsabilité, ça s’apparente à du grand foutage de gueule. Ca vaccine contre l’espoir, ça donne envie de leur jeter la balle en pleine figure.


Ca m’a évoqué ce texte de Baudelaire, l’amour en moins :


«   La petite vieille ratatinée se sentit toute réjouie en voyant ce joli enfant à qui chacun faisait fête, à qui tout le monde voulait plaire; ce joli être, si fragile comme elle, la petite vieille, et, comme elle aussi, sans dents et sans cheveux. 

 

   Et elle s’approcha de lui, voulant lui faire des risettes et des mines agréables. 

   Mais l’enfant épouvanté se débattait sous les caresses de la bonne femme décrépite, et remplissait la maison de ses glapissements. 

 

   Alors la bonne vieille se retira dans sa solitude éternelle, et elle pleurait dans un coin, se disant: – « Ah! pour nous, malheureuses vieilles femelles, l’âge est passé de plaire, même aux innocents; et nous faisons horreur aux petits enfants que nous voulons aimer!«  

 

 

Mamzelle Namous

Mon oeil et tes Fesses

G. Doré

Ici Alger, vendredi de grand ensoleillement. Une belle journée, une jolie soirée au rond-point.
(Le rond-point comme le nouveau resto qui a ouvert aux glycines, à côté du Carthage et qui fait donc le rond-point…pas top comme nom mais chouette resto). Mille idées fusent dans ma tête pour le  blog. Je demande à une amie si elle a des suggestions.

Elle en a eu des bonnes, beaucoup incluaient le sex. Avant le mariage ( quoi?), et pire, après le mariage (raplapla).

 

J’ai pensé à ce qui me préoccupait en ce moment, comme le traitement par les médias de l’anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures.

Non, on s’en fout.

 

Cette semaine ( et les cinquantes semaines précédentes), le truc qui m’emmerde, ce sont les gens qui pètent plus haut que leur cul.

Large et intéressant concept. On a tous en nous cette propension à péter plus haut que notre cul. C’est facile, donné à tous, et moins vous êtes intéressant, plus vous pouvez péter haut.

Mais, comme pour les vrais pets, il  faut savoir se retenir. Sinon on atteint le ridicule. Et comme on ne sait pas sentir ses propres pets,  on ne s’en rend pas compte.

 

Les personnes en face de vous, polies, pleines de grâce et de classe, ne vont pas vous faire des remarques sur les énormités que vous lâchez, alors vous allez croire qu’elles n’ont rien senti. Qu’elles sont connes du nez. Moues du nif.  Et vous allez continuer.

 

 

On devrait peut-être vous dire « non mais redescends sur terre, tes fesses t’attendent », sur un ton drôle et souriant, pour ne froisser personne. Mais il est parfois difficile de  faire de remarques cinglantes tout en restant une personne charmante.

 

C’est universel cette action de péter plus haut que son cul. Surtout si on a les fesses qui tombent.

Mais en Algérie, il me semble ( il me semble, il me semble) que c’est assez accentué.  Rapport à la vie qu’on mène, aux murs qu’on se prend, à l’impuissance qui en découle, à l’étouffement.

En sortent  parfois les complexes, l’envie ( la mauvaise, pas le « besoin de rien, enviiiie de toi« ), l’horrible jalousie automatique.

Et par réflexe, y en a qui développent la surenchère, le « je suis mieux que toi et j’essaie de te le montrer toutes les cinq minutes par des phrases que je crois subtiles« , et autres comportements déviants.

 

Ca sent le gaz, ça pue, c’est triste.

 

Y a un autre truc qui est marquant aussi, ce sont les personnes qui par  une peur surréaliste du mauvais oeil, ne vous racontent rien de leurs événements heureux, font l’impasse sur leur projets professionnels,  ne disent jamais qu’elles vont bien.

Ok, le mauvais oeil  et les superstitions légitimes existent ( oui?), mais ne pas me dire que tu vas passer un entretien la semaine prochaine par crainte que mes super pouvoirs ne se déclenchent et provoquent ta perte,  c’est me surestimer un petit peu, non?

Ou m’inviter à la dernière minute à ton mariage, histoire que mon envie maladive ne gâche pas, par la force surnaturelle qui est  en moi,  les préparatifs de ta fête.

 

 

Parfois, ces deux comportements coexistent chez une personne, c’est le jackpot! Elle roule du cul, elle roucoule même, elle s’y croit tellement qu’elle quitte la surface de la terre. Vous la regardez s’envoler, ça vous fait rire, mais au fond vous ne savez pas grand chose d’elle.

 

On a tous au moins un phénomène comme ça dans notre entourage ( certains ont en dix). Prions pour ces âmes égarées dans un nuage toxique, et mettons en oeuvre nos pouvoirs pour les enfoncer encore plus  sauver.

 

 

 

Mamzelle Namous

de Bonne Foi

Un jour, j’avais 14 ans, c’était étroit à l’intérieur de moi, comme on dit en arabe.

Ma grand-mère m’a dit « bois de l’eau de bir zem zem« , et elle a ouvert le placard magique rempli de petites fioles de l’eau bénite.

Je me  souviens qu’on m’avait dit que les puits étaient vides depuis bien longtemps, que c’était de l’arnaque.

J’ai dit besmellah, trois gorgées, arrière-goût de plastique, sourire de la grand-mère.

 

Elle m’a amené deux énormes volets du Coran pour les mettre sous mon lit. Quand elle a quitté la chambre, j’ai lu.

Y a des trucs qui font froid dans le dos, j’ai imaginé celles qui soufflent sur les noeuds et j’ai frissonné.

J’ai repris du début, c’est tour à tour d’une grande douceur et parfois agressif. Alors je pense « wow« , et la page d’après est une réponse adoucissante à mon « wow« . Du coup, ça fait de nouveau froid dans le dos.

Ensuite j’ai rien compris, trop de personnages, comme dans les romans américains.

 

Je suis allée à la fin du livre lire la prière du traducteur. C’est Cheikh Boubakeur qui racontait son entreprise de traduction du Coran. Entre autres choses, il demandait à Dieu de l’excuser d’avoir douté, de s’être perdu parfois.  Il évoque les penchants avilissants, les imperfections, l’orgueil, le ressentiment, et le désespoir qui peut en découler.

J’ai trouvé ça courageux, intensément humain et réconfortant.

 

 

Il a écrit :  » Je confesse que ma nature et les circonstances de mon existence m’ont souvent éloigné de toi, au grand préjudice de mon âme pourtant attachée à la vérité, à la charité, à tout ce qui se rapproche de toi « .

Ca c’est Byzance !

 

Le comportement inverse (la mère-la-morale qui place allah dans ses phrases toutes les cinq secondes et qui cause du mal  ou du tort autour d’elle toutes les cinq minutes) est tant répandu que la simple lecture de cette évidence m’a fait grandir à l’intérieur de moi.

Mamzelle Namous

 

Doux Délires

En Algérie, on en fait beaucoup autour du mariage, c’est une fin en soi, un objectif, la réalisation des rêves de trois générations de femmes.

Celles qui ne se marient pas deviennent jalouses, envieuses, et hassadates.

Celles qui y arrivent ( parce qu’on « arrive » à se marier),  ont ce privilège suprême d’être « au moins » mariées.

 

Eh ben vous savez quoi, depuis quelques semaines, je suis prise du syndrome « moi aussi je veux me marier », je dis à mon mec ( celui qui ressemble à la femme de columbo) « faudra bien y penser un jour« , je me demande ce que je deviendrai si je marie jamais, je suis prise d’angoisses et d’insomnies, et parfois je crache du sang.

Nan, c’est pas vrai.

Mais presque.

 

Tout ça pour de mauvaises raisons, cette envie. Comme beaucoup.
Alors je rationalise, je me regarde dans la glace et je liste toutes les mauvaises raisons qui guident à l’envie de mariage et je les chasse!

Scénarios et cas de figure: ( si vous vous reconnaissez dans plus de trois des exemples ci-dessous, fuyez!)

 

1.  Je veux me marier parce que j’angoisse trop de devenir comme ma voisine de bureau. Celle qu’a 40 ans, pas de vergetures pasque pas d’enfants, pas de cheveu blanc pasque pas d’enfant, et qui se casse en Espagne trois fois par an, pasque pas d’enfants.

Parfois  quand je marche avec elle, et qu’on croise des petits, une tristesse infinie prend son regard et tous les regrets du monde lui tombent sur la tête. Ses épaules deviennent lourdes, et voir ça, ça me fait mal.

Du coup, je veux jamais avoir ce regard là. Jamais.

 

2. Mauvaise raison number two, directement liée à la première: je veux me marier pour avoir une jolie petite fille, en faire mon mini-moi, lui faire des bisoux sur le nez et l’entendre rire.

Ouais, parce que chez nous, avoir des enfants sans avoir de mari, c’est pas trop possible.

J’ai demandé, histoire d’être sûre. Mais je crois que dans certains moments de désespoir, mes parents ont tellement envie d’être grands-parents, qu’un jour la pilule pourrait passer.

 

Enfin non, ça passera jamais.

 

3.  Autre motif souvent plaidé et hautement compréhensible: je veux me marier parce que vivre avec mes parents me donne des angoisses et parfois  la nuit je me réveille et je crie, tellement j’en ai marre de ma vie.

J’ai 30 ans, plus aucun bouton, un blackberry et des sacs en cuir, qu’est ce que je fous encore chez mes parents?

 

Parfois la seule échappatoire c’est l’homme. Souvent même.

Toujours en fait.

 

 

4. J’ai 24 ans, j’ai rencontré l’homme, je l’ai aimé, il m’a aimé, on a fait l’amour. C’était ma première fois. Maintenant j’ai des regrets. Parfois la nuit je me réveille et je pleure l’enfance qui s’en est allée, je regarde le Coran posé sur ma table de chevet et j’ai la conviction d’être une mécréante qui vit dans le pêché. Je culpabilise, j’ai des cernes, les points noirs reviennent, de ma vie que vais-je faire.

J’ai jeté la honte sur ma famille, et si un jour ils s’en rendaient compte?

Le seul moyen pour que j’aille mieux est de réintégrer le halal dans ma vie.  Je dois épouser l’homme qui m’a consommé.

 

5. Cinquième bad reason et non des moindres : ma meilleure amie va se marier dans quelques mois, ma cousine vient de se fiancer, ma voisine de palier aussi, ma soeur vient d’être makhtouba, les mamans sont en folie, les tantes en pâmoison,  tout le monde ne parle que de couturières et de bagues en diamant.

Et  je me rends compte que  moi aussi je parle beaucoup de ça.

Pour faire plaisir, j’ai accompagné toutes ces jeunes filles essayer des robes et choisir une bague.

Je me dis que c’est pas vraiment une corvée finalement. C’est même plutôt agréable.

En fait, je me suis carrément amusée.

Du coup, je réalise que :

Moi aussi je veux une bague en émeraude sertie de diamants ! 

Moi aussi je veux une robe blanche et je veux hésiter pendant des jours et des jours sur laquelle choisir, celle en dentelle de calais ou celle en drapé romain. 

Moi aussi je veux que la couturière vienne me poser elle-même le voile le jour de mon mariage, parce que sinon il risque d’être mal mis et c’est un vrai problème. 

Moi aussi je veux que le coiffeur et la maquilleuse débarquent et s’occupent de moi, rien que de moi. 


Et moi aussi je veux plein de cadeaux, je veux choisir des meubles en bois et des canapés en cuir beige fumé chez mobilier de france, et jouer à la grande. 

 

 

En réalité, je me fais chier, même quand je dors je me fais chier. Mes rêves sont ennuyeux, et des préparatifs glamour ne me  feraient pas de mal.

 

6. J’ai réalisé qu’avec mon boulot pas mal mais passable, mon salaire moyen, j’évoluerai certainement mais je ne serai jamais très riche. Et ça c’est pas possible.
Alors je me dis qu’épouser un homme riche, ça m’aiderait à devenir celle que j’ai toujours voulu être.

 

Non ça c’est une bonne raison en fait, on l’efface.

 

 

6.  Vous êtes avec un mec, ça va, ça se passe bien lhamdouleh, vous vous aimez gentiment, sans plus.  Il a ses défauts, vous le trouvez un peu moche certains jours, mais bon vous êtes avec lui depuis onze mois tout de même.

Et puis, vous savez très bien que l’homme parfait n’existe pas, votre mère vous répète que personne ne peut vous correspondre parfaitement, qu’il faut faire des compromis. Que c’est ça être adulte.

 

Etre adulte, ça craint.

 

Vos copines vous disent que vous ne trouverez jamais quelqu’un d’autre ( les connasses), que le marché du célibat est en crise de 1929, que ce mec il est bien, il est gentil, bien éduqué, il a fait des études, il vient d’une famille bien. Les critères super sexy en somme.

 

Alors vous l’épousez.

 

Chaque nuit, la nostalgie d’une vie que nous n’avez jamais vécu vous rongera.

 

 

7. Vous venez d’une famille du 18 ème siècle, chez vous on ne se marie pas, on fait des alliances. 

On vous présente quelqu’un, on vous fait comprendre que c’est lui.

Ne pleurez pas trop, vous n’êtes pas moins bien lotie qu’une autre. Le mariage c’est comme jouer à la loterie de toute façon, on sait jamais sur quel mari on va tomber  ( qu’on le connaisse depuis dix ans ou depuis dix jours).

 

Pleurez pas, votre voisine, elle, doit épouser son cousin. Beurk.

 

8. Vous êtes quelque chose que vous n’auriez jamais dû être : une femme divorcée. 

Vous n’avez pas de prénom, vous êtes juste la femme divorcée.

Plus qu’une condition,  c’est une identité.

 

Le seul moyen de sortir de cet enfer des autres est d’avoir un nouveau nom : la femme remariée.

 

 

9. Vous avez trouvé le jackpot, votre prétendant a les papiers français. 

Alléluia! A vous Paris, la place Vendôme, les soirées à l’opéra, le faubourg st honoré.

 

Souvent, un homme qui dit  » papiers français« , au lieu de « je suis français en fait » ou « j’ai aussi la nationalité française oui« , ne vous emmènera jamais à l’opéra. Le seul opéra qu’il connaisse c’est le supermarché du bois des cars.

 

 

10. J’ai un mec, le même depuis trois ans, on s’adore, on s’aime d’amour. La vie est belle. Bon il a pas de boulot, mais je l’aime trop, je ne peux plus attendre.

Bon on n’a pas de logement, mais on va trouver, et en attendant on va habiter chez ses parents. C’est provisoire.

 

Moi non plus j’ai pas de boulot, mais je m’inquiète pas, les sites d’emploi sont bardés d’offres de travail, je commencerai à chercher après le mariage.

Et on achètera une voiture quand les crédits auto seront de nouveau autorisés.

Une fois qu’on sera mariés, un nuage va nous jeter de la poudre magique et tous ces soucis matériels vont se résoudre. J’en suis sûre. 

 

Ouais, ma fille, moi aussi j’en suis sûre.

 

11. Vous avez 25 ans et vous chantez un peu trop souvent  « j’ai la guitare qui me démange , alors je gratte un petit peu, ça me soulage et ça s’arrange mais ça n’est pas très sérieux« .

 

 

Mamzelle Namous

Bons Baisers d’Afrique

 

Pays lointain, année éloignée.

Pays noir, période de jeunesse.

Nous nous éloignons de la capitale étouffée et humide pour rejoindre la mer. Nous passons par des petits villages, parfois on s’arrête. On achète des conneries qui rouilleront avec les années, on regarde les gens, les marchands, on négocie bêtement, on rit.

 

C’est joli l’Afrique.

 

On longe la côte, le chemin est toujours agréable, nous n’avons pas peur de nous faire arrêter ou voler.

 

Il faut une heure pour arriver à destination. La destination, ce sont de belles « cabanes » aménagées qui font face à des plages vides.

Plus loin il y a le village et ses habitants « locaux », mais c’est plus loin.

 

La mer c’est l’atlantique, les grandes vagues et le danger. Notre hôte siffle lorsqu’on s’éloigne trop du bord.

Ces étendues impeuplées représentent mon idée du luxe.

 

On nous présente les autres invités, ce sont des libanais, des marocains, des français qui vivent dans ce pays. Ils sont plutôt riches, ils ont, comme on dit, « la belle vie ».

Le visage de certaines personnes s’illumine quand on leur dit qu’on est algérien. L’un d’eux, français, s’écrie « Ah moi aussi!! »

Euh……..

Vous souriez poliment : « Ah oui? »

« Ouiiii je suis né à Oran, dans le quartier X! Oh comme ça me manque…… tu connais la rue Y? J’allais à l’école là bas!……………. Dis-moi elle existe encore la petite pâtisserie? »

 

La personne en face de moi a l’accent qu’aurait pu avoir le fils de Richard Anconina et de Biyouna.

La caricature n’est pas une utopie, ma soeur et moi étouffons un éclat de rire.

 

Ca parle de couscous et de petits gâteaux, ça parle fort, ça ressemble à tous ces clichés qu’on croyait fantasmés.

 

Ca fait bizarre de les entendre dire  » mon pays » quand ils parlent de l’Algérie.

Euh…. Y a pas un souci là?

Vous avez 19 ans, ils en ont 50, vous fermez votre gueule. Vous les entendez radoter sur leur envie de revenir, pour un voyage, et vous pensez  » ben venez, y a des promos en ce moment« .

On trouve ça un peu fantaisiste cette difficulté à revenir.

 

Je les regarde, le mode de vie qu’ils ont choisi ressemble à celui qu’on s’imagine d’une certaine Algérie française. Vivre dans un pays d’Afrique, avec des privilèges, des moyens, répéter « je suis chez moi », devoir partir quand on n’a plus le choix.

 

Je leur en veux un peu pour ça.

 

Les jours passent, les masques tombent peu à peu, les intonations retrouvent leur naturel.

Vous les regardez bien, il y a du sang qui coule de leur langue quand ils disent « Algérie ».

C’est quelque chose au niveau de la lettre « i », quelque chose qui tremble, et qui crée une fêlure.

 

Quand il n’est pas crié pour mieux se cacher, le mot « algérie » sort difficilement, il y a un effort, un ravalement de la gorge.

 

Les jours passent, les vraies histoires ne se partagent pas mais transparaissent dans l’être. Les gens en face de moi n’ont rien demandé à personne, ils sont nés en Algérie, y ont grandi, avaient forcément une conscience de la différence, mais c’était leur vie.

 

On  a parfois du mal à croire en leur innocence. A séparer l’attachement au mode de vie ou à la vie.

C’est troublant ce gouffre de l’identité où la seule réelle origine semble être la mémoire.

Je les plains pour ça. Je les observe, ils parlent de ce présent  pays d’Afrique Noire comme leur pays, encore une fois.

Je me dis qu’après l’Algérie, ils n’ont pas pu rester en France et vivre comme des français en France, il fallait la mer et l’idée de la distinction. Sans vouloir être étranger.

Mais je me dis que j’ai peut-être tort, qu’est ce que j’en sais de la vie des gens, je n’ai même pas 20 ans.

 

Quelques temps plus tard, des circonstances de guerre ont tout bousculé dans ce pays. J’ai pu voir la réaction  des ces français. Certains ont retrouvé Paris dès le premier coup de feu.

D’autres sont restés, à rassurer leurs amis en leur disant « mais c’est mon pays, je ne vais pas le quitter car ça va mal« .

Il y a eu ceux qui ont été contraints au départ, la mort de la vie dans l’âme.

 

Tous ces départs comme l’histoire qui s’entête contre eux. Ce chez-soi qui ne veut plus de vous.

 

J’en connais qui cherchent encore des pays d’accueil à l’image, je crois, des colonies.Je les ai fréquenté peu de temps mais quelque chose en moi a gardé leur empreinte.

 

Je me permets parfois de croire que la préservation d’un certain mode de vie est leur unique destinée, puis je repense à leurs voix et à leurs visages. Tout est blessé en eux, ils sont une image sanguine d’êtres desséchés et déconstitués. Je suis triste pour eux. Triste pour les mots qui n’arrivent pas à sortir, pour ce qu’on assume pas, pour nos yeux qui pleurent de l’intérieur.

 

Je comprends leur joie quand ils rencontrent des algériens. Bien que nous ne venons pas du même monde, nous venons de de la même douleur.

 

 

Mamzelle Namous

 

 

Amel et les Autres

Aujourd’hui c’est la folie, je ne sais pas ce qui se passe, mais j’ai ouvert le journal. Quinze ans que c’était pas arrivé.
J’ai pris Liberté, j’ai lu une interview de Plantu. Entre autres choses, il disait ça :

« J’avais déjà compris, grâce à Dilem, la liberté dont il disposait. Je l’ai toujours dit, depuis plusieurs années en France : il y a des dessins que Dilem a fait dans Liberté que je ne me permettrais pas de faire dans Le Monde. Non pas que dans Le Monde, il existe une forme de censure, mais parce qu’il y a une autre approche de l’humour et de la sensibilité des lecteurs. Pendant la guerre civile, Dilem a fait des dessins drôles sur des tragédies. 

Moi, je me l’interdis. C’est une question de mentalité. De toute façon, mes lecteurs n’apprécieraient pas que je fasse un dessin drôle au lendemain d’un massacre en Algérie. Ce n’est pas dans la mentalité et l’humour français. Donc, chacun doit vivre avec sa mentalité et respecter ses lecteurs. Moi, j’étais très impressionné de travailler ici à Liberté car je ne voulais surtout pas décevoir les lecteurs de Liberté.« 

 

 

Ca m’a rappelé une discussion que j’ai eu il y a quelques jours, avec des amis, sur notre perception des années du terrorisme.

 

Je crois qu’au début, comme j’étais petite, je comprenais pas trop ce qui se passait. Quand j’entendais des horreurs, je me disais que c’était pas possible que des humains puissent commettre des choses pareilles, que c’étaient surement des extraterrestres.

C’est ainsi que je me suis mise à croire aux extraterrestres.

 

Ensuite, quand j’ai compris qu’on pouvait s’endormir ou se quitter sans plus jamais se revoir, je vivais dans une terreur constante.  On se disait «  salut, à demain« , mais on pensait  » moi aussi je t’aime« .

 

Je me souviens, qu’une fois, je dormais seule avec ma mère dans une maison de vacances,  et en plein milieu de la nuit, dans la chambre, j’ai  été réveillée par une bande d’hommes qui parlaient en arabe classique.

L’heure était arrivée.

Me suis pissée dessus.

 

 

C’était le réveil qu’était en mode radio.

 

 

 

Et puis au collège j’ai rencontré Amel. Amel est devenue ma meilleure amie très vite. Elle faisait des blagues sur tout, et je riais tellement que je me retrouvais souvent par terre.

Non mais vraiment par terre.

Amel faisait des blagues sur les terroristes. J’ai peut-être été sceptique les premières fois, mais j’ai vite rejoint ses éclats de rire. C’a été une libération.

Le fait de partager nos craintes,  les phrases de certaines personnes pour nous rassurer ( non mais si les terroristes débarquent, ton seul salut est de te faire tuer en premier, pour ne pas voir les autres mourir….. ouais superrrrr tu parles d’un réconfort).

Nos fausses frousses en attendant le frère qu’est allé acheter le pain, nos putain de vraies frayeurs sur les routes nationales.

 

 

Je me disais souvent qu’Amel avait sauvé ma vie, j’admirais son aptitude à rire de tout, et sa capacité à nous contaminer. Dans nos éclats de rire, et les larmes qui coulaient, c’est un peu du drame qui nous quittait.

Il n’y avait pas que la peur qui pouvait contracter nos ventres, il y avait désormais, aussi, nos vies pliées de rire dans les escaliers du lycée Descartes.

 

Alors bien sûr de ces années là, on garde en mémoire ce qui nous a le plus endolori, la ville vidée des lendemains de drame.

Et la souffrance comme un vent qui nous prenait tous.

 

 

Quelques années plus tard, en 99,  on était trop jeunes pour voter, trop jeunes pour vraiment comprendre.  On voulait juste bien dormir la nuit, ne plus avoir peur de la une des journaux, ou d’être interrompus, en plein milieu d’un film sur tf1, par un flash info « nouveau massacre sanglant en Algérie« .

 

 

 

Et il y a quelques jours, j’ai donc repensé à Amel et à ses plaisanteries tordues sur les « terro ». Comme une arme magique qui sauvait un peu notre adolescence.

 

Cet humour algérien, dont on parle souvent,  il n’est pas noir.

Il a la couleur des arcs-en-ciel.  Mais de ceux, trop vifs, qu’on ne voit jamais en vrai.

 

 

 

 

 

Mamzelle Namous


Un Lundi au Soleil

C’est chiant quand on est tous ému par les mêmes choses, prenez la neige et gardez la. Comme beaucoup, j’overdose du beau du blanc, des exclamations. Même dans le blasé, on est communs.

Comme tout le monde, j’ai dis  que je veux pas aller travailler lundi, je me suis habituée à la couette que je traîne autour de moi. Comme tout le monde, ce matin je me suis levée, j’ai mis cinq couches de fringues comme si je vivais en Europe de l’est, et je suis sortie prendre le bus.

Je l’ai attendu, je l’ai pas vu. Je suis descendu un peu plus bas, on sait jamais, il n’est pas venu. Je suis remontée, j’ai eu très froid, j’ai senti que tous les automobilistes se foutaient de ma gueule.

J’ai même cru que certains repassaient  juste pour se moquer de moi.

A 8h, le bus était toujours pas là, et comme j’étais la seule à attendre, j’ai pleuré un petit peu, je sentais plus mon nez tellement le froid, je savais même pas si je devais me moucher. Ca, c’est le pire.

 

Je suis retournée chez moi, ma mère a ri, moi j’ai pleuré. Ma grand-mère m’a demandé pourquoi j’avais pas fait du stop, que toutes les étudiantes faisaient ça en son temps.

J’ai dit que je n’étais plus étudiante, faudrait peut-être qu’ils s’en souviennent un jour.

Elle a suggéré que je reste à la maison. J’ai pensé à comment j’allais justifier une absence encore. C’est qu’ils déconnent pas à la charika, ils vérifient, ils font marcher les pointeuses,  ils font leurs comptes d’épicier et ils raflent le fric.

Ma grand-mère a dit qu’elle allait me conduire, j’ai regardé les infos en l’attendant. Ils ont parlé de la neige, de la vague de froid, du gouvernement français qui n’a pas sablé équitablement le territoire, des parisiens heureux de jouer face à la tour eiffel . Ca a duré 15 minutes.

Ensuite,  pendant une minute et trente secondes ( j’ai compté), ils ont mentionné Guéant et sa connerie sur les civilisations. J’ai pleuré la sienne.

Ca divertit les infos, mais ça donne envie de chialer.

 

Ma grand-mère m’a emmené, dans une voiture qu’elle seule sait conduire. Le genre de bagnole qu’a vu la première neige en Algérie.

Elle a dit les choses que tout le monde dit , surtout les vieilles:  « ils auraient pu dégager les routes quand même ».

Les routes étaient dégagées.

 

« Avance connasse ». Elle parlait à une autre vieille.

 

« Dégage yekhi cavi yekhi« , a propos d’un mec qui avait deux autocollants sur sa voiture:  un apple ( quoi de plus commun), et une effigie che guevara.

Yekhi cavi yekhi. Y a des gens qu’ont rien compris à la vie.

Ma grand-mère a ajouté  » si Ernesto voyait ça…. », sur un ton: Ernesto je l’ai connu. Je l’ai tellement bien connu  que je peux pas te raconter. 

J’ai regardé la neige fondre.

 

Je suis arrivée au boulot, on m’a demandé de justifier mon retard, je réfléchis en ce moment à la réponse adéquate à cette requête.

J’ai passé mon badge sur la pointeuse, un truc jaune a clignoté, ma journée a commencé.

 

J’ai écouté des femmes me raconter ce qu’elles avaient cuisiné pour le mouled, j’ai souri en disant que ça devait sûrement être très bon. Un jour , dans quelques années, je serai de celles qui demandent  » derti sauce blanche wella sauce rouge?« .

Un jour, pas encore.

J’ai écouté des jeunes femmes me raconter les prouesses de leurs gosses dans la neige, j’ai fait semblant de rire et j’ai eu envie de fuir. Quand elles disent «  La3kouba lik les enfants« , je serre les poings.

Un jour, je serai de celles qui répondent nchallah.

Et  un autre jour encore plus tard, je dirai « amine« , et je les serrerai dans mes bras en remerciement d’un si bon présage.

 

Un jour, quand ma famille arrêtera de me prendre pour une étudiante.

 

Il n’est même pas 11h et ma voix est déjà rayée par les politesses d’un usage que je m’impose, sans vraiment savoir pourquoi.

 

Il est presque 11h, c’est déjà presque l’heure de se préparer pour aller à la cantine. Il y a du couscous aujourd’hui.

Ne me demandez pas quelle sauce.

 

 

 

Mamzelle Namous






p.s i love you : demain je passe à la radio, sur c’est tout show, chaîne 3, à 9h. Faites péter les postes, les téléphones, les écouteurs, les satellites, les transmissions! 

Billet de Petit

D’habitude, quand les gosses du quartier font trop de bruit, j’ai envie d’ouvrir la fenêtre et de leur jeter des pierres et des cris. Là, au moment d’aller dormir, ma petite soeur s’est écriée « il neiiiiige » et on est tous sortis voir, émerveillés par les flocons et le blanc. Comme les cons dans les films de décembre.Elle a dit « on aura eu de la neige pour noël », j’ai mis quinze secondes à comprendre et j’ai rigolé. Les enfants des voisins sont sortis dans la rue pour jouer, on les entendait « haya haya ndirou bonhomme de neige ». Ma soeur s’est mise à les filmer, une vraie makhlou3a. Y avait une petite fille avec un joli petit manteau rouge qui s’en est pris plein la gueule des boules de neige. Des cris, des rires, des rires. Plus que la neige qui tombe, c’était ça le plus agréable.  C’est toujours un peu émouvant le rire complètement enfantin d’un enfant. Demain, on ira acheter des pétards, des njoum, et des bougies.  On poussera un cri à chaque pétard qui éclate, mais c’est pas grave. Lundi, on fera la bise à 50 bonnes femmes, on serrera 36 mains, et on ne saura plus comment dire  » bonne fête ». En attendant la reprise des mondanités musulmanes, je vous souhaite un happy mouled!  N’oubliez pas de mettre des bougies partout partout, même dans les toilettes!
Mamzelle Namous

Faut-il vernir l’air?

 

Samedi dernier, je suis allée au vernissage d’un livre-revue regroupant des textes et photos portant sur l’Algérie.

Un beau livre, qui s’appelle « esprit bavard », et qui sous-titre Algérie autrement dite, autrement vue.

Vaste programme. Une sorte de revue annuelle, dont le premier exemplaire vient de sortir en version papier.

 

 

C’est l’histoire d’une jolie nana, journaliste, à la longue chevelure bouclée,  qui voulait éditer ça, et qui après un long chemin, y est arrivée.

Durant l’expo, elle a parlé des difficultés rencontrées , mais de l’importance du papier malgré tout.

 

C’est vrai que ça reste exquis ces choses que l’on peut tâter, tourner, retrouver au milieu des cartons, offrir.

 

Le tout se passait dans une librairie très sympa du côté de Telemly, Ta Page. C’était petit, y avait pas de champagne rosé ni de brochettes de fraises dans un coulis de chocolat, mais ce fut sympathique.  La librairie regorge de jolis livres d’ailleurs.

Des gens qu’avaient contribué au magazine étaient là (des écrivains, entre autres), mais ont peu parlé. C’était drôle car en général, quand un livre sort, l’auteur est souvent timide et apeuré, et l’éditeur se fait le vendeur plein d’entrain.

Là, on sentait l’éditrice émue, et peu encline à vraiment parler de sa passion pour ce projet. Qu’elle a porté  pendant plusieurs années pourtant.

 

Ca ne fait rien, car le livre (ou revue, ou book, je sais pas comment appeler ça) se vend lui-même. D’ailleurs, dès que je suis arrivée dans la librairie, j’en ai chopé un exemplaire, je l’ai serré et plus lâché, de peur qu’il n’en reste plus à la fin.

 

Les gens ont peu à peu quitté l’expo, et assez vite on s’est retrouvés entre jeunes gens, beaux, pleins de talents naïfs et de promesses. L’éditrice était dans un coin, appuyée sur une rangée de livres, à regarder autour d’elle, l’air un peu mélancolique.

 

Les grandes personnes  avaient beaucoup parlé, en fait, des difficultés de l’édition, du mal des librairies, des projets qui n’aboutissent pas. De la dureté des choses, en somme.

C’est dommage, car « esprit bavard » qui trônait au milieu de l’espace, méritait un air plus gai, tant le projet est beau.

Parfois, l’optimisme et la satisfaction devraient effacer tout le reste. J’ai l’impression que l’enthousiasme que l’on avait tous, face au livre, ne se diffusait pas assez dans l’air et l’ambiance était teintée d’une petite mélancolie nationale.

 

Alors les jeunes gens se sont assis sur les marches de l’escalier exigu, empêchant le passage, à discuter de filles, de garçons, du photographe mignon, de pourquoi est-elle si triste, de où aller manger ce soir, tu pourras me déposer chez moi après, tu crois qu’on peut voler un livre sans se faire voir? 

 

En sortant, je suis passée à la caisse, esprit bavard coûte 2000 dinars.

J’étais contente de posséder un grand livre.

En rentrant à la maison, je l’ai offert à mon frère. Il aime beaucoup les objets qui se rapportent à Alger, il voue une adoration à la ville,  ne veut vivre nulle part ailleurs et n’a pas été contaminé par le pessimisme ambiant. Il a  bien de la chance!

 

Moi, je suis allée dormir.

 

C’est une très belle revue, bien fournie, une cristallisation artistique de l’Algérie en quelque sorte.

Ce n’est peut-être pas la seule, ce n’était peut-être pas la peine d’aller au vernissage ( d’ailleurs je ne vais à ce genre d’évènments que pour pouvoir frimer le lendemain : ouayyy je suis allée à un ver-ni-châââge hier, trop chic ma vie), mais ça vaut la peine de l’avoir dans sa bibliothèque ( pour se la péter), et surtout, un tel projet littéraire, ça vaut la joie!

 

 

 

 

Mamzelle Namous




p.s i love you : retrouvez toutes les infos, et des photos du vernissage ici 

p.s i love you too : Librairie « Ta Page », 75,boulevard Krim-Belkacem (Télemly)