Un jour, j’avais 14 ans, c’était étroit à l’intérieur de moi, comme on dit en arabe.
Ma grand-mère m’a dit « bois de l’eau de bir zem zem« , et elle a ouvert le placard magique rempli de petites fioles de l’eau bénite.
Je me souviens qu’on m’avait dit que les puits étaient vides depuis bien longtemps, que c’était de l’arnaque.
J’ai dit besmellah, trois gorgées, arrière-goût de plastique, sourire de la grand-mère.
Elle m’a amené deux énormes volets du Coran pour les mettre sous mon lit. Quand elle a quitté la chambre, j’ai lu.
Y a des trucs qui font froid dans le dos, j’ai imaginé celles qui soufflent sur les noeuds et j’ai frissonné.
J’ai repris du début, c’est tour à tour d’une grande douceur et parfois agressif. Alors je pense « wow« , et la page d’après est une réponse adoucissante à mon « wow« . Du coup, ça fait de nouveau froid dans le dos.
Ensuite j’ai rien compris, trop de personnages, comme dans les romans américains.
Je suis allée à la fin du livre lire la prière du traducteur. C’est Cheikh Boubakeur qui racontait son entreprise de traduction du Coran. Entre autres choses, il demandait à Dieu de l’excuser d’avoir douté, de s’être perdu parfois. Il évoque les penchants avilissants, les imperfections, l’orgueil, le ressentiment, et le désespoir qui peut en découler.
J’ai trouvé ça courageux, intensément humain et réconfortant.
Il a écrit : » Je confesse que ma nature et les circonstances de mon existence m’ont souvent éloigné de toi, au grand préjudice de mon âme pourtant attachée à la vérité, à la charité, à tout ce qui se rapproche de toi « .
Ca c’est Byzance !
Le comportement inverse (la mère-la-morale qui place allah dans ses phrases toutes les cinq secondes et qui cause du mal ou du tort autour d’elle toutes les cinq minutes) est tant répandu que la simple lecture de cette évidence m’a fait grandir à l’intérieur de moi.
Mamzelle Namous