Mais dans la rue, la femme ne fume pas.
La femme fume parfois de plus en plus dans sa voiture, la main baissée, la fumée qui ne part pas en fumée. Elle est rigolote dans sa discrétion.
Quelque fois, la femme fume ostentatoirement dans sa bagnole, la clope en l’air, et le refrain « j’emmerde les p’tits cons » lui va bien.
Quand j’étais petite, au lycée, je voyais ceux qui fumaient comme des êtres cool et affranchis.
Oui, comme beaucoup de gens, j’étais con.
Aujourd’hui, l’attitude des nanas cool, au travail, me fait sourire. J’ai autour de moi des femmes qui ont cette je-fais-ce-que-je-veux attitude , qui crient fort dans les couloirs quand un coup de gueule leur passe par la tête, qui portent des jupes qui virent à la transparence et des chemisiers qui ne chemisent pas grand chose.
Quand je prends l’escalier de secours pour m’enfuir souvent parfois du bureau , je les vois, assises sur un petit bout de crasse, les belles jambes trop pliées, à cloper ( en cachette des regards hostiles d’autrui).
Mais autrui, cet autre qui ne nous comprendra jamais, il peut arriver qu’il passe aussi par là. Alors les femmes, elle sursautent quand une porte claque. Y a des mégots partout, c’est pas joli.
Quand je vais aux toilettes, j’y croise des filles qui fument. Autrui, cet autre dont on se cache est donc définitivement un genre masculin?
Mais ils s’en foutent les mecs qu’on fume ou pas, non? Eux, qui allument leurs clopes assis sur des canapés moelleux face aux grandes fenêtres et au ciel , une tasse de café à la main. Ils ne demandent que ça, de la jolie compagnie féminine, non?
Mais de qui se cache-t-on? Du jugement malveillant d’un inconnu dont on se moque vraiment au fond. Mais on fait tout de même cet effort de discrétion parce que « j’ai pas envie de me faire remarquer« , « tu sais comment sont les gens, khtina menhoum, je préfère être tranquille« .
Parce que certaines images peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes , pour des raisons floues et archaïques , on filtre méticuleusement les endroits où on peut cloper. Les critères sont tout aussi flous que les motifs de cette sélection , et par habitude on se prête au jeu. On joue le drôle de cache-cache de la rue et des espaces fermés, on ménage autrui, on se dérange.
Pas très cool tout ça.
On n’hésite pas à aller acheter son paquet, parce que le vendeur on se fout de ce qu’il pense. Le serveur aussi. L’inconnu du resto aussi.
Mais dans la rue, on évite parce qu’ on ne sait jamais ce qui peut arriver. Et cette foule de collègues qu’on croise tous les jours, on ne peut pas lui imposer ça. Ca ne se fait pas.
Ces drôles de calculs et de réflexes sont devenus coutumiers.