Quand j’étais un peu plus jeune, mon père-grand me traînait souvent à des réceptions. J’avais beau exprimer mes réticences, il disait que c’était bien pour me sociabiliser ( mes parents ont tellement peur que je devienne un être sauvage qu’ils se font une obssession de me rendre sociable. Alors que je le suis.
Pas avec tout le monde. Pas tout le temps.
Mais ça m’arrive)
J’étais donc quasiment forcée d’y aller avec lui. A chaque fois, dans la voiture, je le suppliais de ne pas me laisser seule une fois sur place, et il promettait qu’il ne me lâcherait pas.
Une fois sur place, il me refourguait à la première venue et allait rire et discuter avec tout le monde. Parce qu’il sait faire ça, lui.
La personne qui me babysittait m’abandonnait à son tour, et je restais seule dans un coin, à chercher de la contenance avec un verre de coca à la main.
C’était dur la vie.
Mon père-grand, de loin, me faisait signe de sourire et venait me chercher régulièrement pour me présenter à ses amis « voilà Mina, elle vient de réussir sa première année de fac avec 17 de moyenne».
(C’était 10.7 en fait, mais il avait mal compris et je l’avais laissé croire).
Le paroxysme de ma poticherie fut atteint le soir où, je ne sais comment, je me suis retrouvée assise sur l’estrade d’honneur, un peu surélevée. Seule, avec mon verre de coca, mes tentatives de sourire et mes recherches d’air intelligent.
C’était la potiche high attitude, je masterisais.
Plus tard, je me suis rendue compte que boire du champagne aidait beaucoup pour la contenance et la sociabilisation, mais fallait faire ça en cachette et fermer sa gueule durant tout le trajet retour. C’était un peu compliqué à gérer.
Tout ça c’est loin maintenant et je ne pensais pas avoir à revivre des pareilles situations.
Mais voilà qu’il y a quelques semaines, j’ai été invitée, en tant que blogueuse, par l’ambassade britannique pour une réception sur les médias numériques. De terribles souvenirs sont remontés à la surface et je n’ai pas voulu y aller.
Mais ma mère a insisté sous le prétexte éternel de c’est bien de rencontrer des geeeeennnnns!
J’avais peur, mais mon amie Nawel serait aussi de la partie, et à deux, on peut pas être potiches. On y est allées, on s’est bien amusées. Elle a bu du l’ben, moi du coca ( traumatismes du passé). La vie était belle, facile comme tout.
Il y a quelques jours, la même ambassade me convie de nouveau, mais Nawel était absente. J’ai alors crains très fort les relents de poticherie, mais des potes m’ont encouragé, à coups de: « Dans ce genre d’évènements, tu te greffes direct à un groupe et c’est bon», «Tu t’accroches au premier mec mignon et c’est bon», «T’inquiète pas, les gens viendront te parler et ça sera bon».
Préparation digne de Kho Lanta.
J’ai lamentablement échoué: Me voilà enracinée au fond de la salle, à boire du coca, à la recherche d’un bon positionnement pour mes mains.
Devant mon incapacité à me greffer, je me suis rendue compte d’une vérité existentielle éternelle: « potiche un jour, potiche toujours».
Désespoir latent. Mort intérieure.
Avant au moins, j’accompagnais quelqu’un.
Là, je suis seule, seule. Et c’est encore pire quand un chat vient vous demander ce que vous faites et que vous devez répondre que vous êtes blogueuse.
Ca rime avec looseuse, et c’est pas pour rien.
A un moment, je commence à penser à me barrer et à téléphoner à un joli garçon pour le rejoindre. Je fais alors une évaluation mentale du niveau de sexytude de mes sous-vêtements et de l’état de repousse de mes poils ( donc…. si je suis allée chez l’esthéticienne il y a dix jours, je dois encore avoir la peau bien douce, mais faudra quand même éteindre la lumière, on sait jamais qu’un poil ait poussé plus vite que les autres). A cet instant-là de grande concentration, je dois sûrement avoir l’air très intelligent, et j’en suis fière.
Puis je me reprends, je ne peux décemment pas appeler ce mec juste parce que je m’ennuie et que je ne sais pas quoi faire de mes mains.
D’un autre côté, je n’ai plus que quelques jours pour rentabiliser mon épilation….
Pendant que je me perds en réflexions, j’ai un déclic lumineux et repense à ce que m’avait dit Nawel la dernière fois : «Il faut aller là où y a des fumeurs, c’est les plus cool». Même si je ne fume pas, je cours vers la terrasse et je trouve les gens parfaits avec qui sociabiliser ( enfin à ce stade-là pour moi, sociabiliser = ne pas rester seule dans son coin). Bingo!
Après quelques rires et bouchées, je sors de là et je vais chez le joli garçon.
Oui, je l’ai appelé finalement. Ne me jugez pas, j’avais de bonnes raisons : le semi-échec de ma soirée qui m’a rendu à la fois vulnérable et blasée (le meilleur état qui soit), le froid, le vide de ma vie, ma peau douce pour une durée estimée à cinq jours encore, y a pas internet à la maison, sa peau douce.
Et surtout, la nécessité de faire des efforts pour aller vers les autres et créer du lien social. Faut pas faire sa sauvage voyons!
Mamzelle Namous