la collectionneuse, eric rohmer

 

 

Sujet réccurent des saisons, universalisable à souhait, un peu honteux mais irrésistible, tournant autour de cette question drôle et terrible: vais-je me marier un jour? 

Comme si on pouvait, raisonnablement, le savoir et répondre à cette interrogation.

Face à cet avenir incertain, deux types de comportements:

– Les gens qui attendent. Qui rêvent, qui se surprennent  pour la première fois à tiquer quand ils cochent « célibataire» sur un document administratif. Qui regardent les couples tantôt avec bienveillance, tantôt avec mépris ( ce sont des choses qu’elles arrivent), mais qui attendent. Qui se réveillent parfois en pleine nuit avec des palpitations de cette peur de finir seul, et qui le lendemain chopent des battements de coeur à la rencontre d’une très belle personne.

 

– Les gens qui prennent les choses en main. L’amour, le grand, le magnifique n’est pas venu? Eh bien tant pis, l’essentiel dans la vie c’est de se reveiller tôt le matin,  construire, se marier, fonder, alors trouvons une personne raisonnablement acceptable pour concrétiser ce projet.

Ils la trouvent (c’est facile en général), ils prennent la décision comme on souscrit à un crédit immobilier ( c’est long, c’est un peu chiant, quand on entend le banquier parler de 30 ans de crédit, on frémit un peu mais on le fait quand même parce que c’est the right thing to do), et envoient maman-papa closer le deal.

En six mois, c’est dans la boite.

 

Ma mère, comme beaucoup, m’a éduqué pour que je fasse partie de la première catégorie de gens. Et mes cernes en témoignent, j’y arrive très bien.

Toute ma vie, fallait pas me presser, finir mes études, continuer mes études même quand elles étaient finies, devenir et rester financièrement indépendante.

 

Maintenant que tout ça est plus ou moins réalisé ( moins que plus), elle cherche à me fourguer dans la deuxième catégorie. On en a déjà parlé. Ne sommes-nous pas toujours en train de parler de ça, d’ailleurs?

 

Moi, je lui répète qu’il faut donner une chance à la vie. Qu’on est pas obligé de tout faire avant un âge donné,  que ça n’a pas de sens. Qu’il faut croire au destin, aux astres. Que c’est aussi ça croire en Dieu.

Je me crois convaicante quand je mentionne Dieu, mais elle se contente d’ hôcher les sourcils.

A l’appui de mes  sincères fabulations, je lui rappelle cette histoire vraie, qui à force d’être racontée par mes soins, devient une légende urbaine.

Ca l’émeut et elle me lâche quinze jours.

 

« C’est l’histoire d’un pote (qu’elle connait, donc ça aide), la petite trentaine, vivant la vie comme elle allait, qui un jour rencontre une fille en soirée, à Alger. La petite trentaine aussi.

Ils discutent un peu, ils sont tous les deux coincés dans des vies temporaires, dans des pays différents, ambitionnent une profession ailleurs.

Ils ne resteront pas en contact.

 

(A ce stade du récit, je me dis que ma façon de raconter rappelle un peu une chanson pourrie de Miche Fugain, mais on va faire comme si on avait rien entendu).

 

Quelques années plus tard, la booooooonne trentaine, ils se recroisent, par hasard, à l’autre bout du monde ( enfin, à l’autre bout de la méditerannée), dans une rame de métro.

Comme par enchantement.

Ils se dirent bonjour,  se donnèrent rendez-vous, s’aimèrent d’amour, et se marièrent. »

 

Pas pressés, faisant confiance à la vie, tout simplement.

C’est pour des histoires comme ça qu’on vit.

 

Quand j’eus finis de raconter, la larme à l’oeil et la chair dans la poule, ma mère m’a balancé que c’était boorrrrriiiinggg* comme histoire.

Mais, à son oeil qui souriait tout au long,  je sais qu’elle en pensait plus.

 

 

 

Mamzelle Namous

 

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*Désolée, je fais pas les broken english