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Il parait qu’il faut écrire quand on est encore dans la tristesse pure. Comme dans un chagrin d’amour, pour décrire exactement ce qu’on ressent. Après, on ne fait que se souvenir. On dit que parfois il faut écrire sans recul, mais c’est pas facile, parce qu’on a tendance à prendre du recul tout de suite, à petit-analyser, à comparer.

 

Le samedi matin, j’étais à Paris, mais propulsée à Alger, il y a un million d’années. Les matins après les nuits sanglantes, la ville morte, les rues vides. Tout lugubre, tout marron, tout enroué dans la gorge et le ventre.

La veille, les évènements se succédaient à Paris, les morts se comptaient et les seuls mots horrible, putain venaient. Ce n’était presque pas réel, ça le pouvait pas. On a même trouvé le moyen de faire de l’humour noir après quelques heures, parce que c’est ce qu’on faisait en Algérie, on expirait par le rire. On vidait nos poitrines et ventres de cette horreur.

 

Mais le lendemain, on a commencé à voir les photos des personnes disparues, un grand frère, une petite soeur, un ami, et ça a pris une tournure tellement plus bouleversante. Les nombres et les adjectifs avaient un visage, des vies, des anecdotes. Quelqu’un a écrit qu’il fallait raconter l’histoire des victimes, et non des terroristes. Ce quelqu’un a raison. C’est peut-être ce qui nous a manqué dans les années 90, il y avait les récits des abominations, des témoignages, quelques photos , mais pas encore les réseaux sociaux pour faire entrer autant de visages et de vies dans nos larmes.

 

Sur ces réseaux sociaux, au lieu de jouer ( encore!) à « nos morts sont plus morts que les vôtres » ( personne ne gagne à ce jeu!), au lieu de ressasser sur la solidarité sélective avec dépit et amertume, regardez plutôt les visages. Ils n’ont pas de frontières, ils viennent se nicher dans les tréfonds de nos ventres, et c’est là, l’humanité.

 

mamzelle namous