L’autre jour, une copine m’a dit « Y a la soutenance de ma sœur à bab ezzouar, t’es invitée.».
Ah ouais ? Merde Cool !
La fac de bab ezzouar, je la connais bien , pour cause de soutenance de plusieurs amis.
Parce qu’en Algérie, quand on soutient sa licence, son master ou son magistère, c’est la fête au village.
La famille au grand complet se la ramène, les amis, les amis de la famille. Les mamans préparent des mhajeb[1] , commandent des gâteaux orientaux, et rivalisent de services à thé ou café.
Quand mon frère a soutenu, on a dû empêcher ma mère de sortir les verres en cristal.
Pendant que l’étudiant présente le truc dont tout le monde se fout, une armada de cousines/copines s’affairent dans une salle à coté pour préparer les festivités.
Les profs ont droit à une table d’honneur, on dresse des nappes, on félicite toute la famille de l’étudiant, on coupe un grand fraisier aux bananes et aux ananas.
Y a même des gens qui engagent un caméraman professionnel pour filmer ce grand moment où votre rejeton crache sa science.
Bref, ça ressemble étrangement à un mauvais mariage.
Tout ça pour célébrer quelques piètres années d’études et un diplôme qui ne servira probablement à rien.
Ce n’est pas le pire. En Algérie, parfois, quand votre rejeton a son bac (à 10, 05 de moyenne), vous vous sentez l’obligation d’en faire des tonnes. Des gens viennent de loin vous rendre visite pour vous féliciter, vous louez une salle des fêtes pour faire une fête, le gosse reçoit des cadeaux, de l’argent, vous entendez des youyous. Bref, ça ne ressemble à rien.
Tout ça pour que quelques semaines plus tard, il ne puisse pas s’inscrire à la fac qu’il veut, et qu’il passe son été à déprimer sur le fauteuil.
Quelques années plus tard, il entrera à la charika watanya. Et la mère, pour célébrer ça, lui fera du beghrir[2] .
Une fois, à Paris, je suis allée à une soutenance de thèse de doctorat d’un pote. Eh ben à sa « collation » (comme ils disent les français), y avait du jus d’orange d’une marque discount, des petits pains au chocolat et des gobelets en plastique. C’est tout.
Et les profs trainaient dans la salle comme tout le monde.
Y avait un marocain dans la pièce, on s’est regardés, on s’est compris.
Alors de retour à Alger, j’avais espéré que ma mère fasse la même chose pour mon frère, un truc simple et soft.
Au final, on a eu une tarte aux fraises plus grande que la malle de la voiture, la famille de notre plombier était là, et mon frère s’est vu offrir un énorme bouquet de fleurs, comme s’il avait été élu mister bab ezzouar.
Moi tout ce que je voulais c’était draguer le beau chercheur en botanique que j’avais repéré, mais ma mère m’a demandé de servir le thé aux gens.
On en a bu beaucoup du thé durant les mois qui ont suivi cette soutenance, quand mon frère est entré dans le monde merveilleux du chômage.
Adieu fleurs, fraises, glamour et douces feuilles de menthe. Bonjour stress du téléphone qui ne sonne pas, mail de réponse qui n’arrive pas, barbe qu’on a plus besoin de raser, original du diplôme qui ne se délivre pas encore, secrétaire de la fac qui ne répond pas, et employeur qui ne vient décidément pas.
Youyouyouyou !
Mamzelle Namous