Après quelques années en France, je me suis rendue à l’évidence que les français ne draguent pas. D’où la difficulté de faire des rencontres. En Algérie, les hommes n’ont pas ce problème.
Ils ont la langue facile. Évidemment je parle des gars qui vous accostent dans la rue, de la « drague sauvage ». Pas de ceux que vous rencontrez chez des amis et qui comptent vous séduire en vous parlant de leurs projets immobiliers à ouled fayed…
Dans la rue, certaines filles qui n’ont pas froid aux yeux pratiquent aussi la drague sauvage. Ce sont en général celles qui ont froid aux cheveux.
Bien sur, on regorge tous de dizaines d’anecdotes (que dis-je, de centaines) sur les relou qui nous emmerdent.  Il faut saluer l’imagination des garçons, la vulgarité des filles, et se préparer psychologiquement à chaque sortie. Un matin où je sortais très tôt faire imprimer un papier parce que plus d’encre à la maison, même pas ptit déjeunée, j’ai entendu une phrase à mon encontre digne d’un film porno. Pourquoi tant de haine ?
Un jour de printemps ou j’ai dû marcher une minute pour rejoindre ma voiture, et que j’avais une robe même pas très courte, même pas moulante, j’ai récolté un commentaire par mec croisé. Le plus mémorable étant «  Heureusement que je suis marié ». Ah parce que si t’étais pas marié, il se serait passé quoi au juste ?
Ce qui m’étonne surtout c’est le manque de conscience des mecs. Ils sont inchoufables[1] mais ont la certitude qu’ils ont des chances avec n’importe qu’elle fille. Un jour que j’étais à la plage, le matin, seule, tranquille, avec mon maillot Eres (enfin ça aurait pu être un Eres) à bouquiner, je me tourne pour voir l’horizon, et vois un mec d’au moins 50 piges avec une chiée de gosses. Le genre qui bouffe de la pastèque et du pain à la plage. Et là je vois le vieux qui me fait un signe avec son téléphone. Il a cru qu’en gigotant son téléphone, j’allais courir lui donner mon number ?
C’est pas le mec qu’a bien vieilli genre Richard Gere, juste le vieux typique bedonnant dégoutant. Et ce mec là croit sérieusement que tu peux t’intéresser à lui ! Toi qu’as travaillé dur pendant un mois pour avoir le ventre plat (ou presque), qui bosses scrupuleusement sur ton bronzage, qu’as dépensé des sommes faramineuses pour que ta masse de boucles te tape pas la honte quand tu sors de l’eau, qu’as enfin appris à te faire un maquillage de plage, toi qui as une crème pour chaque partie du corps, et qui espère donc pécho du mec à la hauteur de tes investissements corporels.
Et le vieux, tout con, tout content, dans quel monde il vit ?
Quand j’en ai parlé à ma cousine, elle m’a dit qu’il tente le coup parce que certaines filles sont intéressées. Peu importe à quoi il ressemble, ce qu’il est, ce qu’il n’est pas, l’essentiel est qu’il lui paie certains diners, certaines fringues. Pauvres filles désespérées.
Moi j’ai déjà quelqu’un qui me paie tout ça, il s’appelle l’autorisation de découvert bancaire.
Ca peut aussi s’appeler un salaire. Une bourse. Des parents. Des économies. Une allocation chômage. Un braquage de banque.
Et si rien de tout ça, eh ben ma foi, faut se passer de certains luxes. Le naturel, c’est bien aussi ! Un jour j’essaierai. Un jour j’y arriverai.
Tout ça pour dire qu’il faut avoir conscience de ce qu’on est et de ce qu’on vise. Les marges de manœuvre sont larges, mais faudrait quand même que les algériens ouvrent les yeux de temps en temps. C’est pas parce qu’on est célibataires, qu’il y a plus de filles que de garçons, qu’on est toutes matérialistes, qu’on rêve toutes d’un mari, et d’un amant en l’attendant, qu’on est prêtes à accepter n’importe quoi.
D’ailleurs, même le coup de je te drague en te donnant le prix de l’appart que je vais acheter, y en a un peu marre. Dans la vie, y a deux catégories de garçons, ceux qui se vendent en vous parlant de leurs plans épargne-logement, et ceux qui vous vendent du rêve en vous abordant timidement dans un avion, un quai de gare, un petit café, une agence de recherche d’emploi, une boulangerie. Et deux catégories de filles correspondantes, celles qui ont des plans et celles qui ont encore l’envie de rêver.

Mamzelle Namous



[1] Trop moches