Venez on parle des élections, c’est un sujet sérieux, prometteur, et j’ambitionne de devenir blogueuse politique. Ca fait  plus classe, et ça me permettrait d’être invitée dans tout plein d’endroits high society.   Quand on parle politique,  paraît qu’on peut raconter n’importe quoi, faire des raccords d’idées un peu farfelus, suffit  d’y mettre la voix et le tour est joué. 

 

 

 

L’autre jour, je déjeunais dans une pizzeria avec une amie, elle me racontait qu’elle avait du « retard« ( oui ce retard-là) et je  posais les questions  d’usage conséquentes à cette annonce : combien de jours? ça t’est déjà arrivé? zagitiha? ( t‘as fait les bêtises?). 



Elle me répondait avec panique et désarroi, quand nous avons été interrompues par un inconnu qui déjeunait à côté.
Il était en train de lire  le journal et a jugé utile de  nous montrer la double page qui parlait de  l’alliance entre islamistes aux prochaines élections.
Comme si c’était pas déjà assez la merde dans nos vies, fallait qu’il en rajoute. Ses yeux criaient DANGER DANGER, et lui répétait  » il faut voter , il faut voter, il faut voter, il faut VOTER ». 

-oui, oui mec, t’inquiète…… 

-Bon, alors, tu vas acheter un test de grossesse? 
– je sais pas, putain je regrette toutes les fois où on l’a fait sans capote. 

Le type nous oublie cinq minutes et revient à la charge avec un laïus sur l’importance du vote.  Ma copine lui dit qu’elle est kabyle, elle vote pas, c’est un principe pour elle.   Moi, comme j’ai pas de personnalité, j’ dis que suis d’accord avec lui.  L’hypothétique futur bébé non-désiré de mon amie  me donne des coups de pied.

Avec le mec d’à côté, on est d’accord pour dire que même si on entend beaucoup  et à chaque élection que les dés sont pipés et que ça sert à rien de voter parce que les jeux sont faits sans nous, ça devrait pas nous empêcher de jouer le jeu.

On a une voix, on la pose, et si au pire elle sert à rien , ça reste une façon de montrer à ceux tout là-haut qu’on est là, merde.  Quand on est jeune ( car oui nous sommes jeunes et beaux), se résigner c’est la méga-loose, qu’on se dit.

 

Aller manifester un samedi matin ça sert à rien non plus si on croit dur comme fer à notre impuissance et que casser la voix c’est inutile , pourtant c’est encouragé par ceux-là mêmes qui appellent au boycott des votes.

 

L’inconnu  me dit qu’il va voter blanc ou FLN. Je dis que je  ne sais pas encore. Mon amie attend ses règles.

On est tous un peu dans la naïveté à ce moment-là.

 

Après ça, on repart au boulot , et là aussi ça parle des élections, mais juste  pour savoir si on travaille ou pas le jour du vote. Y en a qui disent que oui et qui demandent la date du second tour, y en a qui prévoient de longs week-end électoraux.

Quelques noms de partis fusent, on se moque de certaines affiches électorales ( au moins on aura beaucoup ri!),  on a peur un peu des islamistes, on essaie de se disputer mais on n’y connaît tellement rien que c’en est impossible, et on tous d’accord pour dire qu’on a mieux suivi la campagne française que l’algérienne.

On a  un peu honte, alors on se rassure en nous disant que c’est à cause des médias, et qu’en plus, en France c’est une élection présidentielle , c’est naturel que ça intéresse plus les foules.

On est cons mais on se sent mieux.

 

Mon amie, elle, ne se sent pas mieux, elle voudrait aller acheter un test de grossesse pour être fixée mais elle n’ose pas. Rapport au fait qu’elle soit une jeune fille. Je lui dis que c’est pas écrit sur sa tête et que le pharmacien  il s’en fout, pourvu qu’il remplisse sa caisse.

Elle hésite. J’essaie de politiser en pensées saugrenues  »nan mais qui voudrait voter dans un pays avec tant d’auto-interdits et d’hypocrisies, franchement…  « .Elle me donne un coup de pied, je ferme ma gueule.   Jusqu’au 10 mai.

 

Mamzelle Namous