Récemment, j’ai recroisé une personne que je n’avais pas vu depuis quelques années, et après les embrassades, les t’as pas changé, toi non plus, c’est fou de se croiser ici, comment ça, ça va ça va, j’ai eu droit à la fameuse question à laquelle on ne s’attend pas du tout quand on est célibataire : Alooooors tu t’es mariée?
-Non.
-Noooon??? Mais comment ça se fait ? Pourquoi?

 

Face à l’inédit de ces interrogations, je n’ai évidemment pas su comment réagir, et je n’avais pas de super réponse à donner.  A part « bah la vie, tout ça ».
-Non mais t’as bien dû avoir des occasions.

 

Ah, « l’occasion », mot qui revient souvent dans le vocabulaire associé au mariage et aux rencontres. Et parfois suivi de « t’as raté des occasions, c’est dommage ».

L’homme, ou l’histoire, peut donc être une occasion, que vous saurez saisir, si vous êtes smart, ou que vous laisserez passer, si vous êtes conne. Ou pire, inconsciente. Et dans 30 ans, avec vos cheveux blancs et votre gin tonic, vous penserez amèrement à toutes ces occasions ratées. Trop occupée à faire d’autres plans.

 

Comme pour les voitures ou les ordinateurs, les occasions, il y en a des belles qui ont pu vous passer sous le nez. Parce que l’acheteuse à côté faisait une meilleure offre, ou que le produit n’est pas resté sur le marché assez longtemps pour que vous lui sautiez dessus et l’agrippiez de force. Peut-être que vous aviez tenté, que vous y aviez mis du cœur et du rouge à lèvres, mais que ça n’a pas suffi.
Et puis les occasions, il y en a aussi des moyennes et des pourries. Et ça, bon Dieu, vous en avez vu passer. Des trop cher pour ce que c’était. Des qui correspondent pas à l’annonce. Des qui fonctionnent vraiment mal. Mais même celles-là, vous auriez pu leur donner une chance merde.

 

C’est vrai, j’ai peut-être parfois été trop sévère. Toutes ces idées et occasions ratées m’ont alors traversé l’esprit quand cette personne m’a posé la question.
En vrac, j’ai pensé à :

 

– Ce mec qu’on avait surnommé avec des amies « the good guy », parce que c’était un bon garçon, gentil, bien élevé, mignon. Il avait, comme on dit, « tout pour lui ». A notre premier rendez-vous, je me suis faite chier comme un rat mort. Je n’avais rien à lui dire. Quand je suis rentrée à la maison et que j’ai raconté à ma grand-mère, elle m’a dit « hada, les filles idirou s’hour pour l’avoir et toi zaama tu t’ennuies»  ( les filles pourraient faire de la magie noire  pour le pécho, et toi tu te la joues.. allez file dans ta chambre). 

Il faut me comprendre, la veille j’avais rencontré un homme merveilleux. Mais ce n’était pas une occasion, c’était une vaste escroquerie, et je savais que j’allais me tromper, mais j’ai fermé les yeux et ouvert grand mon coeur. (bouhhhh… je l’ai payé cher après, vous inquiétez pas).

Bon, j’ai quand eu même des doutes sur ce « good guy », alors, sans grande motivation, je l’ai revu, car comme a coutume de le dire une amie, il faut donner sa chance au produit. Le test ne s’est pas révélé concluant.
Mais quand j’ai montré sa photo à ma grand-mère, elle a trouvé qu’il n’avait pas une bonne tête. Ouf, pas de regrets.

 

– Autre grande occasion ratée: un parkingeur à Hydra. Oui oui, c’est sérieux. L’amour n’a pas de limites. Les rencontres non plus, surtout chez les parkingeurs.
Je le voyais assez régulièrement, il avait une collection d’oiseaux et jamais de monnaie. Malin, aime les oiseaux, a  donc une âme un peu poète, et probablement plus riche que moi dans quelques années. Sourire ravageur tant qu’il ferme sa bouche. Yeux brillants et rieurs. Moi j’dis que ça suffit.  Surtout quand on a dépassé 28 ans (l’âge du «hadak houwa, ma bka walouuuuu») ( c’est bon c’est le moment ma poule, y a plus rien à attendre là, y a plus qu’ààà)

( et encore 28 ans je suis généreuse, j’ai entendu cette sentence s’appliquer à des femmes bien plus jeunes, et à des jeunes hommes aussi. Ce qui est bien avec cette pression du mariage, c’est qu’elle pèse aussi sur les mecs maintenant. Egalité des sexes, suppression des discriminations, mariage pour tous, voilà de vraies avancées sociétales, merci Bouteflika.).

 

Revenons au parkingeur. Je le croisais, il me croisait, on se souriait. Des vrais préliminaires chauds bouillants. Un jour, il est passé par ma soeur ( le mec respectueux ), pour lui demander si j’étais célibataire.
Et cette conne, elle a rien trouvé d’autre à dire que  « oh tu sais elle est un peu plus âgée que toi… »
Et lui de répondre «  ah ok. mala khlass ».
Le mec s’est contenté de cette réponse. Il ne voulait plus de moi. J’en pleure encore, et je ne parle plus à ma soeur depuis.

 

-Une autre belle occasion ratée : un type qui ne m’a jamais rappelé. 
Ah non pour le coup c’est pas vraiment ma faute.

Enfin, si je l’avais pas harcelé, il aurait peut-être pas eu peur, et je serais présentement en train de chercher une crèche pour notre deuxième enfant là. Parce qu’on ne serait pas vraiment satisfait de celle à laquelle allait notre premier, pas du tout conforme à nos attentes de jeunes parents désireux d’éduquer leur enfant dans l’épanouissement de soi, l’éveil artistique et autres valeurs merveilleuses.

Ç’aurait bien chiant à chercher ça, je suis bien contente de pas en être là.

 

-Ah pas plus tard que l’été dernier, je suis encore passée à côté d’une occasion en orrrr.
J’accompagnais ma mère chez son coiffeur ( qu’on connait depuis… toujours). Il lui faisait son brushing, bla bla bli bla bla blou, et à un moment je les entends  baisser un peu la voix. Je crois entendre certains mots, et je comprends qu’ils parlent de moi. Et que ça cause mariage. Je crois que j’étais tellement désespérée que j’attendais vraiment que le gars me dise qu’il avait quelqu’un à me présenter. Le fils de kech cliente. Beau grand et riche, super intelligent qui se prend pas au sérieux, avec un humour anglais et des blagues algériennes, et un appartement parisien.
La base quoi.  Genre le fils caché de Sellal, ou de toute autre personnalité ayant des biens acquis à l’étranger.

 

A la fin du brushing, il s’approche de moi et commence en effet à me parler de « quelqu’un ». Boum bada boum. Il emploie certains mots magiques : «  chirurgien pédiatrique » ou «  pédiatre chirurgien » ( je pensais que c’était pareil mais une amie médecin m’a expliqué que non, qu’il y en a un qui est beaucoup beaucoup mieux que l’autre, mais je sais plus lequel c’est). Il ajoute que c’est un ami à lui, et me donne son âge. 15 ans de plus que moi.
Même ma mère a fait une grimace.
« si tu veux je lui donne ton numéro, il t’appelle, et vous discutez ».
« euh oui ok ».

L’occasion de merde quoi. Vous imaginez l’appel téléphonique. « Bonjour je suis machin, l’ami de Nabil, le coiffeur » .
Je préfère encore chercher une crèche qu’avoir à répondre à ça.

 

Bon, machin, le pédiatre chirurgien ami du coiffeur n’a jamais appelé. L’occasion ne s’est pas présentée, donc ça rentre pas dans la catégorie « pertes».
Quelques mois plus tard, j’ai revu le coiffeur, qui m’a relancé « si tu veux je te donne son numéro, et toi tu l’appelles ».

-Non non ça ira merci.

 

( je tiens tout de même à préciser que je n’ai rien contre la différence d’âge, si l’occasion est encore bien fraîche. 
Non, parce que moi, j’ai dépassé 28 ans, mais je le suis encore, promis, juré, craché. Si vous connaissez quelqu’un, vous pouvez lui filer mon mail…. C’est indiqué en haut, là, dans la rubrique contact.  Merci 3likom). 
 

 
Donc toutes ces occasions, et d’autres encore me sont passées par la tête quand la question m’a été posé. J’aurais pu raconter tout ça. Ma bêtise, ma fainéantise, mon envie de me plonger corps et âme dans des histoires destinées à mourir, mon amour du présent, de l’amour pur qui n’attend rien, qui n’a pas de but. Mais je n’ai pas trouvé les mots, et j’ai juste hoché les épaules.
Mes épaules ont alors reçu une petite tape amicale, un regard plein d’encouragement et un « kelchi bel mektoub de toute façon» ( tout n’est que destin ). Tout de même suivi d’un « mais ne sois pas trop difficile,  tu sais l’homme parfait n’existe pas ».
-Oui c’est vrai. Après tout, c’est comme les crèches.
-Hein?
-Non rien.

 

 

 

 

Mamzelle Namous