Cette image qui représente le blog, celle de la femme qui se maquille, c’est une œuvre de Farid Benyaa. D’ailleurs si vous cliquez dessus, vous tombez sur le site de sa galerie. C’est pas de la pub, mais une façon de dire « hé ho c’est à moi », autrement appelé le copyright.
Je l’ai trouvé en flânant sur internet, et j’ai demandé l’autorisation. Parce que je suis quelqu’un de correct, et aussi j’avais peur d’aller en prison.
Depuis, avec Farid on est potes, enfin on s’est envoyé deux mails. Un jour, j’ai reçu une invit pour assister à un récital de poésie dans sa galerie. Et j’ai voulu y aller, juste pour pouvoir dire « Le samedi, moi je vais écouter de la poésie dans une galerie d’art, et toi tu fais quoi ? ».
Donc j’embarque ma sœur, et on y va. On met une heure pour trouver l’endroit, et une fois sur place, je n’ai qu’une seule envie, celle de manger.
Pendant que je me gare, je dis à ma sœur d’entrer dans la galerie pour voir s’ils ont de la bouffe. Elle en ressort en décrétant qu’on va se faire chier, et qu’on ferait mieux d’aller faire des rimes chez mc kiki.
Je me laisse facilement convaincre, parce que bon c’est vrai, les poèmes c’est bien mais à 2h du mat les nuits de chagrin d’amour ; et le samedi aprèm c’est fait pour aller manger des panini poulet mariné-supplément fromage-avec barquette de frites s’il vous plait.
Nous voilà donc en train de manger, les mains huileuses, et les seules rimes qui se déploient sont ketchup-hrissa-mayo ; coca-zéro. Notez toute la profonde mixité et l’ambivalence de ces vers. Ils traduisent bien le paradoxe humain et quelque chose d’infiniment rattaché à la culture algérienne.
A la sortie, on croise ce qu’on a cru être un clodo, criant à tue-tête, sur l’herbe. C’est pas très clair ce qu’il raconte, mais y a quelque chose qui intrigue. Alors on y prête une oreille, et on distingue quelques mots.
Le type scandait un poème de Charles Baudelaire » Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, Mais enivrez-vous, Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé , dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise, Mais enivrez-vous, Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé , dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; Enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
On a tous des textes qu’on lit les soirs de cœur lourd où l’on n’arrive pas à dormir, et par une certaine magie, y en a qui vous veillent et sauvent. On ne sait pas trop de quoi, mais être sauvé par un livre, par une chanson, par un film, ça a quelque chose de profondément sensé.
Celui qu’hurlait cet homme étaient un de ceux que j’ai du prendre dans le cœur.
Cet après-midi là, la poésie était venue à nous dans toute sa brutalité.
Ceci dit, s’enivrer de poésie peut-être dangereux pour votre santé et celle de votre entourage. Parce que vous risquez de mourir de solitude ou d’assommer vos amis.
En ces temps lourds, la douceur à l’état brut est peut-être la source d’ivresse qui rime encore à quelque chose.
Mamzelle Namous
bayamiloudidz
le 29 juin 2011 à 23 h 13 minEncore une fois Bravo ma poétesse contemporaine préférée !
Heureusement que la poésie est là ! et heureusement que vos billets sont là :) à consommer sans modération.
Au fait chez Benya il y'a de très belles sculptures et de très jolies installations.
Un de ses portraits que j'adore c'est » La RÉVOLTÉE ».
mina namous
le 29 juin 2011 à 23 h 23 minbeaucoup sont très touchantes oui, mais à mes yeux la plus belle, reste la mariée qui se maquille.
Merci pour ce que tu dis..
Anonymous
le 30 juin 2011 à 0 h 17 minJ'ai beaucoup aimé ! Bravo !
dernierultimatum
le 30 juin 2011 à 12 h 45 minVotre galeriste a oublié de mettre de l'eau-de-vie dans ses vers… l'ivresse, la vraie, la plus étourdissante, donc éminemment véridique… est à ce prix ! Et toutes les modérations recommandées à son sujet sont proscrites !
LaCanette
le 30 juin 2011 à 12 h 53 minOn ne parle donc pas que de sexe ici ?!?
On parler aussi d'alcool !!! Pire, d'ivresse !
Mamzelle, vous allez à nouveau déclencher les foudres de certains de vos comparses :-)
Pour de vrai, c'est beau tout ce que tu dis encore. J'adore Baudelaire, et ces vers là encore plus. C'est vrai que certains textes nous frappent en plein cœur et nous font revivre, ou du moins nous empêchent de sombrer trop profondément…
Mais comme tu le dis si bien, attention, la poésie n'est pas sans danger !
mina
le 30 juin 2011 à 13 h 31 minoui, des pensées aussi….
Anonymous
le 30 juin 2011 à 15 h 17 minMERCI!
je te lis depuis un moment, ce dernier post m'a touché coulé. J'ai adoré la douceur à l'état brut, faillait la trouver, brava.
je finis en te reremerciant, et te dis: « putain c'est vachement bien quand même »
Raf
Anonymous
le 30 juin 2011 à 20 h 53 minwaaaaa, j'adhère.
mina
le 30 juin 2011 à 21 h 03 minhi hi merci raf, pour cet étonnant « putain c'est vachement bien quand bien quand même ». Oui cette douceur à l'état brut, telle qu'on la recherche.
On la trouve parfois, dans la douceur de vivre, dans la bienveillance des autres, dans l'honnêteté et la tendresse qu'on peut avoir envers nous-même.
Anonymous, j'adore que tu adhères!
Homo Erectus
le 30 juin 2011 à 21 h 09 minLe Spleen de Paris (Petits poèmes en prose) est un des livres qui m'a fait aimer la poésie.. Mais comme poète du vin et de l'ivresse, Baudelaire joue petit par rapport à Khayyam ou Hafez..
Layminus
le 30 juin 2011 à 21 h 16 minPour me faire passer pour quelqu'un qui s'y connais en « Baudelaire », voici un texte qui me tiens à coeur :
« Dans une terre grasse et pleine d'escargots
Je veux creuser moi-même une fosse profonde,
Où je puisse à loisir étaler mes vieux os
Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.
Je hais les testaments et je hais les tombeaux ;
Plutôt que d'implorer une larme du monde,
Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux
A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.
– O vers! noirs compagnons sans oreille et sans yeux,
Voyez venir à vous un mort libre et joyeux ;
Philosophes viveurs, fils de la pourriture,
A travers ma ruine allez donc sans remords,
Et dites-moi s'il est encore quelque torture
Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts ? »
Le mort joyeux-Les fleures du mal.
Homo Erectus
le 30 juin 2011 à 21 h 51 minMon fils je suis fier de toi.. Et maintenant que nos clodos déclament du Baudelaire à la sortie des fast food, le prochain qui me dit que les Algériens sont des analphabètes, je lui balance le dernier CD de Cheba Kheira sur la tronche..
Chatnoir
le 30 juin 2011 à 23 h 13 minJe viens de parcourir les milliards (exagération méditerranéenne) de com's sur ton article.
Mina, ça y est, tu as le ministère du vice et la vertu aux fesses. Tant pis, fallait que ça arrive un jour avec tes conneries.
J'ai préféré celui qui te reproche le nom de ton blog : jeune vie algéroise… Avec un blog comme ça et une photo comme ci, le seul sacrilège que tu aurais pu t'autoriser ma fille, c'est d'ajouter une pistache à ta recette de dziriates… eh ouais, normalement « jeune vie algéroise » ça doit parler de recettes de sifiria et des tenues tradjissionnelles… non mais hé ho, où on va la!
Zut, j'écris pas dans le bon article, tant pis je continue. Réponse en poésie à ce que je vois… Baudelaire? Mouais
A mon avis, y a plus à propos : cet homo/alcolo de Abu Nouas, en pleine séance d' »abreuvage » réclamant plus de vin de celle qui lui reproche sa débauche.
دَعْ عَنْكَ لَوْمي فإنّ اللّوْمَ إغْرَاءُ ودَاوني بالّتي كانَتْ هيَ الدّاءُ
Traduction :
Cesse de me blâmer, tes blâmes ne sont qu'incitations
Guéris moi plutôt par ce qui a été la cause de mon mal.
poème sublime qu'il termine par un fameux vers :
فقلْ لمنْ يدَّعِي في العلمِ فلسفة ً حفِظْتَ شَيئًا ، وغابَتْ عنك أشياءُ
qu'on pourrait traduire vulgairement par :
Dis à celui qui ramène sa science
ok, t'as l'air d'avoir pigé un truc, mais des tas de machins t'ont échappé.
mina
le 30 juin 2011 à 23 h 26 min« Dis à celui qui ramène sa science
ok, t'as l'air d'avoir pigé un truc, mais des tas de machins t'ont échappé. »
ah les gens qui ramènent leur science, des fois même le truc leur échappe. Qu'ils gardent leur science pour leurs vices à eux, le monde n'en sera que plus doux!
j'adore ton com, du début à la fin.
Baudelaire, c'est pas pour la vinasserie que je l'aime et qu'il est là, c'est pour…. bouh c'est trop fou et con à écrire!
Et oui, les pires coms des derniers billets etaient bien ceux du type me reprochant le nom et l'image du blog, ah ces gens ils ont pas compris que la morale ça se donne pas, ça se garde pour soi.
Homo Erectus
le 30 juin 2011 à 23 h 42 min« Baudelaire, c'est pas pour la vinasserie que je l'aime et qu'il est là, c'est pour…. bouh c'est trop fou et con à écrire! ».. Ben dis-le nous quand même.. une folie ou une connerie c'est toujours bon à écrire.. non ?
Anonymous
le 1 juillet 2011 à 1 h 22 minhttp://www.zelig.ch/
isa
le 1 juillet 2011 à 8 h 28 minJoli texte de Baudelaise que je ne connaissais pas !
Merci pour cette découverte.
Layminus
le 1 juillet 2011 à 15 h 15 minVoici un autre texte de Baudelaire que je récitais souvent à l'une de mes amourettes…ça m'est revenu en lisant ton billet, specially dedicated à toi minouch…à toi aussi papa:
« Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun. »
Homo Erectus
le 1 juillet 2011 à 23 h 43 minMerci Lay… J'espère que ce poème a eu un petit effet sur ton amoureuse !
Anonymous
le 2 juillet 2011 à 0 h 34 minahah! malaise!
Mohamed
le 3 juillet 2011 à 17 h 36 minomar el khayyam était plus alchimiste qu'alcolo
Anonymous
le 3 juillet 2011 à 21 h 03 minvous etes tous des malades
Anonymous
le 6 juillet 2011 à 18 h 50 minDjamel kheraya ellahhhhh yerahmou adorait les vers de cheik el Nejar
– ya sakké sa3ate el zhou tahyé ekkoloube ou t3aleje méne kwahe el ch'okke ébhalé
-ya sakké sahebe lahwa akklou mesloube metwela3e bel r’yame wel kasse el malé
Pour la traduction chacun se démerde …
Ya men3ache
Homo Erectus
le 6 juillet 2011 à 22 h 49 minchabba ! ça ressemble à « koub ya saki » de Guerrouabi…
Anonymous
le 7 juillet 2011 à 11 h 59 minAbsolument Homo Erectus , ça ressemble à « koube ya saki », mais de cheikh Ben Ali et non de Guerrouabi qui l'a au passage, il faut le reconnaitre, admirablement interprétée.
erja ! erja! ou hadi fi khater Homo Erectus sec !
« Lefjere habe nssemou 3ale el r’yade , tbesseme berde el sbahe ou sgha letyarou la terta ya sakki koube ou ara rabé ghafare »
Yamen3ache
Homo Erectus
le 7 juillet 2011 à 15 h 07 mineh oui kho, c'est ça le « problème » avec les grands du chaabi, ils s'approprient tellement bien le texte qu'ils chantent qu'on en oublie qu'il a été écrit par d'autres…
Samarcande
le 24 septembre 2013 à 18 h 05 minQuand je vous lis j ai comme l impression que c est un homme qui écrit …….ça n a rien de péjoratif !!!!!!!!c est comme avec yasmina kadra !!??!!?? Et merci encor qui que vous soyez !!!