Les trois jours de deuil national décrétés après la mort du Roi Abdallah m’ont amené à me poser des questions sur la conception de la mort chez nous.
Celle de l’Etat d’abord. Je veux bien comprendre que ces deuils nationaux soient une tradition arabe, mais ils sont tellement déconnectés de toute réalité et de tout sens des proportions qu’ils en deviennent ridicules. Ils en deviennent surtout presque insultants quand on voit comment l’Etat «traite» les autres morts algériens.
Juste pour le petit exemple complètement anecdotique, durant l’été 2014, quelques jours après qu’on ait eu confirmation de la mort d’un diplomate algérien au Mali (enlevé au sein de l’ambassade et tué par des terroristes), il y a eu un concert au Ministère des affaires étrangères.
C’est qu’ils pouvaient pas l’annuler vous comprenez….c’était sûrement programmé depuis un moment, les invit’ lancées, les musiciens payés…Mais si c’était un Grand Dirigeant Arabe, y aurait eu deuil national et donc aucune manifestation culturelle…
Même si je trouve ça tristement triste, j’en veux pas à l’Etat. On a gardé ce côté kitsh d’arabes qui en font trop, et on est nous-même parfois blasés de la mort par terrorisme, si on nous la vend pas assez bien.
Et si c’est pas de la blasitude, on tombe dans une sorte d’absurdité de ressentis.
Par exemple, après le drame de Charlie Hebdo, certains de mes amis on trouvé que la France en faisait trop. Et depuis cette histoire, dès qu’il se passe quelque chose de grave dans le monde, ils postent des trucs en disant « et là hein vous vous indignez pas bande d’hypocrites? ».
Ils disent pas leur choc ou leur tristesse, ils reprochent juste à la France dans son grand ensemble de pas assez le faire.
Mais ces amis-là en particulier, avant charlie hebdo, je les ai jamais vu ou entendu s’indigner grandement de ce qui se passe au Nigéria ou en Palestine ou ailleurs. Leur émotion est juste cantonnée à de la contre-réaction négative. On assiste donc au grand match des indignations sélectives!
Jamais ils iraient se recueillir silencieusement ou déposer des fleurs devant une ambassade pour montrer leur fraternité au peuple meurtri. Ca les intéresse pas trop de se réunir pour s’émouvoir et se solidariser ensemble. Ca les intéresse juste que les Français réagissent beaucoup à quelque chose qui est arrivé chez eux.
Ils se posent pas non plus la question du contexte d’une indignation ou de l’aspect inédit de cette violence en France.
Ca m’a fait sourire d’ailleurs de lire ou d’entendre des témoignages de jeunes parents français qui disaient qu’ils ne savaient pas comment parler de ça aux enfants, s’il fallait leur raconter, leur expliquer ou le taire. J’ai trouvé ça marrant, parce que – et je suis sûre qu’on est une majorité d’algériens dans ce cas– nos parents à nous ils nous ont rien épargné des années terrorisme. Pour la simple et bonne raison qu’ils n’avaient pas le choix, c’était le quotidien.
J’ me souviens d’une fois où, petite, je parlais de ça avec ma grand-mère, et elle m’avait dit « Si des terroristes débarquent à la maison, la seule chance que tu peux avoir…
( et là, mon espoir s’accrochait à ses prochains mots)…. c’est d’être tuée la première pour pas voir ta famille se faire décimer!»
Ok mamie, merci, c’est super réconfortant!
Et j’étais pas la seule à entendre ça. Mais c’était la vie. C’était aller dormir avec la peur au ventre chaque nuit, dans l’attente qu’on défonce la porte (la peur perdant parfois toute rationalité, mais quand on est enfant…)
C’était les gens qui racontaient qu’ils dormaient avec un bocal d’huile d’olive à côté de leur lit pour faciliter le coup de couteau sur la gorge ( bon, je sais plus qui racontait un truc pareil, mais on voit déjà que l’huile d’olive est vraiment la recette miracle à tout!).
Les prières avant de monter dans une voiture, les alertes à la bombe, les bombes qui nous empêchaient pas de sortir, les inquiétudes dès que votre père passait plus de 5 minutes chez l’épicier. Les barrages sur les routes et votre oncle qui fait des blagues sur ça. Non mais vous inquiétez pas, on les verra tuer les gens dans les voitures devant, vous aurez le temps de vous préparer!
Alors oui, quand on vient aujourd’hui vous pointer du doigt et vous demander gentiment de vous dé-so-li-da-ri-ser des actes de terrorisme, eh bah vous avez envie d’éclater de rire, ou d’éclater tout court.
(Très vicieux d’ailleurs le concept le désolidarisation, qui vous fait tomber en plein dans le panneau de l’amalgame. Oui ce truc qu’on veut à tout prix éviter, mais c’est un autre sujet.)
Vous avez envie de rire aussi quand vous entendez François Hollande dire que la France avait aidé les autres pays quand ils souffraient du terrorisme….J’étais jeune, mais j’ai pas ce souvenir, c’est drôle!
Plein de choses dans différentes réactions vous donnent envie de rire ou de gerber.
Mais la mort d’un être humain, peu importe les circonstances qui l’entourent, ça devrait rester sacré. Et c’est moche d’amoindrir une mort juste parce qu’ailleurs ils sont encore plus morts.
Mamzelle Namous
anissa
le 27 janvier 2015 à 19 h 48 minBravo tout simplement pour ce texte!!
Mina Namous
le 27 janvier 2015 à 19 h 49 minMerci Anissa :)
Salim
le 27 janvier 2015 à 21 h 14 minConstat très perspicace. Il faudrait aussi ajouter que pendant que le monde arabe se lamente et pleure la more du despote wahhabite, l’occident nous caresse dans le sens du poil en clamant haut et fort que l’humanité a perdu un grand féministe.
Rasta
le 28 janvier 2015 à 2 h 44 minHollande qui dit que la France a aidé les pays qu’ont souffert du terrorisme, ça donne pas envie de rire. Et là j’envie un peu ta façon de prendre les choses avec légèreté, parce que moi ça me donne la rage. Et c’est aussi la faute de notre diplomatie qui se contente d’être ravie de pas avoir à se dédouaner aux yeux du monde des frasques terroristes. Pour une fois que y a un attentat et que tout le monde s’accorde à dire que c’est les tangos qui l’ont fait, ça nous suffit.
Et puis ces dernières chroniques t’es devenue arabe, au lieu d’algéroise, c’est la France qui te fait ça ?
moh Alger
le 28 janvier 2015 à 8 h 31 minmon commentaire précédent colle parfaitement ici:
« Mais qui est notre ami en fait ??? l’Arabie saoudite où tout est « hram » (par exemple la femme qui conduit une voiture) ou bien la France où tout est « interdit » (par exemple l’entrée d’une femme voilée dans une école).
L’Algérie ami des 2 extrêmes, a fait un deuil pour le roi Abdellah , et a envoyé son ministre à Paris pour faire un autre deuil avec Hollande. Bientôt ça sera le deuil pour les innocents irakiens tués par des drones américains, et le deuil pour les américains tués par la tempête de neige
Mais qui va faire le deuil des pauvre Algériens écrasés par les riches Algériens ???? »
et j’ajoute que la France avec les USA ont aidé beaucoup de groupes à s’entretuer , en Libye , au mali, en Irak , en syrie, …. dites à Hollande de lire le livre « la haine de l’occident »
gasper
le 28 janvier 2015 à 11 h 40 minMina en mode sérieux-sérieuse !!!! Waw, non WAOOOOOOOW.
Il manque un commentaire de HE et de l’autre là, le vieux j’ai oublié son pseudo, pour qu’on débatte avec des fronts sérieusement foncés et bleuâtres (oui on est de parfait muslims).
Nous sommes les spécialistes de l’immobilisme planétaire ! On ne fait rien et on regarde ce que les autres font pour réagir.
Dernier exemple en date la marche contre les publications de CH ! Ils ont publié pire comme caricature mais personne n’a réagit, mais en ce moment avec la mode (leur mode) de « je suis Charlie », les gens sortent pour dire ce qu’ils sont. Hallucinants et surtout ridicule.
On est dans le suivisme. Tout le temps, entrain de suivre et jamais dans le leadership, même quand ça nous concerne ou c’est censé nous concerné.
La Palestine se fait pliée chaque jour depuis 40ans et personne ne bouge, mais on reproche justement à ces plieurs de défendre leur patrie et leurs vies. Eux font le nécessaire pour eux même et nous on fait quoi ? On regarde les matchs de foot. Tous les matchs de foot de la planète. Même les derby Argentins sont suivis avec faste. Ah oui on regarde aussi « el chouyoukh » de la péninsule désertique et arabique.
Aucune nation nous a soutenu dans la lutte anti terroriste… Triste ? Oui mais, mon dieu, des algériens ne nous soutiennent toujours pas !!!!! Jai envie de dire « ils se soutiennent même pas eux même » car, tout le monde paie son morceau de chair, dans une guerre contre le terrorisme idéologique. On se demande pourquoi la France, après avoir poser la question « qui tue qui ? » accuse aujourd’hui directement la vermine terroriste ? Pourquoi est-elle si hypocrite ? Avons-nous posé la question pourquoi des algériens se posent encore aujourd’hui cette question ? Avons-nous répondu à cette question de « qui tue qui ? » ? Avons-nous réglé ce problème de terrorisme ? De fanatisme extrémiste ? Fait-on le nécessaire pour s’en débarrasser ? Non.
Que fait-on pour rendre hommage à nos martyrs ? Que fait-on pour faire vivre nos valeurs ? Que fait-on pour se défendre ? Que fait-on pour apprendre ? Pour avancer ? Pour nous en sortir de cette miséreuse et insignifiante vie que nous menons ? que fait-on… tout court ? Rien.
On est dans l’immobilisme parfait. On est insignifiant. On ose parler d’autrui et nous même nous sommes impropres, mal éduqués, abrutis, aveugles, haineux, ….
Mina reprend des sujets plus light sur les pizzas du coin et sur les plages privées de l’ouest algérois et yerham waldik, laisse nous suivre la CAN tranquille :D.
sarah
le 29 janvier 2015 à 15 h 51 mincomplètement d’accord !
nadine
le 29 janvier 2015 à 19 h 39 minSalut!
C’est la première fois que je poste un commentaire sur ton blog et à bien comprendre ton « à propos », tu les aimes, alors j’en profite ;) !
Je voulais simplement réagir par rapport à la partie sur les années terrorisme en Algérie.
Mes parents sont venus s’exiler en France quand j’étais toute petite pour nous éviter d’avoir à faire à toutes les horreurs qui s’y sont déroulée. Je n’avais jamais vraiment réalisé (en étant enfant et de surcroit protégée par mes parents) ce qui s’y passait. Et en grandissant je me rends compte de l’incroyable chance que j’ai eu et de l’enfer qui déroulait.
Je voulais donc remercier ce (court) témoignage assez poignant sur la façon dont tu as vécu notre décennie noire. Il m’aide un peu plus à prendre conscience des choses.
A bientôt et continu, ton blog est génial :)
Nadine
Mina Namous
le 30 janvier 2015 à 19 h 10 min@ nadine : et encore, ce que je raconte ici n’est qu’une petite part de ce que c’était… merci pour ton commetaire ;)
@ moh alger : effectivement, en voyant ton commentaire sur le précédent post, je m’étais dit que ça irait bien pour la suivante :)
Ania
le 5 février 2015 à 2 h 34 minTres juste !!
Youyou
le 8 mars 2015 à 19 h 43 minLe moins drôle – voir scénique – chez nous, c’est cette attitude, notamment et étonnement chez les plus jeunes, ridiculement hautaine vis à vis des autres nations et peuples. Dans ce monde parallèle où nous vivons, il parait que nous sommes des surhommes, brillants dans tous les domaines, notre culture, nos savoirs et savoir faire s’enseignent et s’exportent partout dans le monde, notre parole vos mieux que toutes celles des autres, bref,….nous dominons nos semblables par la force de nos valeurs profondément humaines et justes.
Oui, une sorte de folie collective, ou peut être un choix de facilité pour ne pas voir tout ce que nous ne sommes pas, nous n’avons pas et que, en l’état, nous ne pourrons jamais avoir…aussi bien individuellement que collectivement.
Pour l’heure, il apparaît que la première préoccupation des jeunes Algériens c’est le « mauvaise oeil ». En seconde position, beaucoup conviennent que la priorité ce sont ces femmes qui acceptent de moins en moins d’être un défouloir pour tous ces mecs en manque de reconnaissance et considération dans la société.
Du coup, effectivement, plus on est nombreux plus on est fou … autant flâner dans ce tendre monde parallèle …nous sommes au top … ils sont jaloux de nous, que dieu nous garde du mauvais œil.