Les amis je suis happy, je pars au sud, depuis le temps que j’en rêve. Je vais là d’où le pétrole vient, là d’où l’on vient en quelque sorte. Pour l’occasion, je vais bien me coiffer (ça m’a été ordonné en fait) et à mon retour je pourrai dire « Si t’as pas vu le sud, t’as rien vu ».
Ils disent tous ça. Pareil que « ma vie a commencé quand j’ai eu un bébé ». Un jour, dans quelques années, je pourrai dire ça aussi, peut-être, j’espère, nchallah ya rabi nchallah.
Je voyagerai pas avec air algérie , parce que depuis mon billet sur ce blog, je suis signalée chez eux et le syndic poste des coms méchants. Du coup je vous parle quand même de mon précédent voyage ou pas ? Allez si ! C’était dans un pays pas si lointain, la France. Et c’est  moi qui avait pas d’ordi, donc pas d’internet, mais j’ai pu être dépannée par quelqu’un qui m’a prêté son Ipad. Trop la classe. Merci mamie.
Jour du départ, à l’aéroport, je subis une fouille corporelle poussée, très poussée. J’étais pas la  seule, dans l’avion j’ai entendu deux nénettes se plaindre de cette fouille, que ça les avait embarrassé, qu’elles étaient sûres que la fliquette était lesbienne. Et que les lesbiennes étaient des malades. Elles se sont tournées vers moi pour me demander mon avis, et j’ai dis que moi j’avais pris mon pied. Regard tellement noirrrr que même mon khôl il a eu peur et il a coulé.
Bon j’aimerais bien vous parler de la vision de l’homosexualité ici en Algérie, mais je saurais pas quoi dire. Parce qu’il n’y a pas d’homo ici, juste des messages lesbiens dans les toilettes des facs. Juste des non dits, des regards, des tabous, des bars spéciaux, des faux culs. 
Quoique j’aimerais bien en parler tout de même de ce rien. Il y a quelques mois, en petite amie dévouée, et après m’être polluée l’esprit d’épisodes de Sex and the City, je décide pour l’anniversaire de mon petit ami de l’époque de lui proposer un plan à 3. Avec une autre fille. Eh ben le mec il déteste tellement les lesbiennes et apparentées qu’il m’a fait une scène et on s’est quittés. Aujourd’hui il sort avec une hijabiste qui porte un voile couleur léopard, des slim cuir que même Kate Moss elle oserait pas porter et du maquillage flash kifou makash.
Comme on est voisins, je les croise souvent. 
Pas de regrets, pas de rancœurs, je suis très bien avec mon nouveau petit copain, qui lui est ouvert pour un plan à trois (soyez pas effarouchés, on admet bien la polygamie, pourquoi ne pas étendre ça au lit!). On est juste pas d’accord sur le choix de la fille. Un jour, en plaisantant, je lui dis pourquoi pas quelque chose avec un autre garçon. Regard noirrrrr qui a fait couler mon khôl. Bon ça c’est universel ce rejet des hommes par les hétéros.
Mais l’homosexualité est un grand 3ib[1] ici. J’ai entendu parler d’une esthéticienne qui s’est fait virer parce que deux clientes se sont plaintes que ses massages allaient trop vers le haut de  la poitrine. Elle est maintenant taxée de lesbianisme aigue, alors qu’elle voulait juste bien faire son boulot.
Sinon y a ma collègue de bureau, qui chaque matin me raconte ses aventures extra conjugales, mais qui se sidère du mariage gay. Un jour elle m’a demandé si j’avais de bonnes séries à lui conseiller, je lui ai parlé de The L Word. Elle m’a répondu «  Beurk, c’est pour les lesbiennes ». Ah oui c’est vrai, au même titre que Docteur House est réservé à un public de médecins.
Je perds le fil, je devais vous parler de mon voyage. Alors il s’est rien passé de spécial. Au retour, je trimballe toujours des valises trop lourdes, et je tente de sortir les mêmes prétextes pour pas payer d’excédent de bagages. S’il vous plaît monsieur, je viens de finir mes études et je déménage, c’est normal d’avoir plein d’affaires. Ca marche presque à tous les coups. Sauf la dernière fois où le type m’a sorti  avec un regard noirrrr « Mademoiselle, vous m’avez déjà dit ça y a six mois ». Il a fallu que je tombe sur le même et qu’il me reconnaisse. Ensuite j’ai fait mon air de chien battu (c’est pas difficile pour moi, surtout avec le khôl qui coule), je lui ai fait pitié et j’ai pas payé. Encore une victoire de canard.
Avant d’embarquer dans l’avion, on m’annonce que je suis surclassée. Dans ces moments là, alors que ton cœur danse la rumba, tu fais un sourire poli et tu dis ah c’est bien merci. De la classe affaires j’ai mangé des crabes pannés (c’est pas mal), un brownie gélatineux (c’est mal). J’ai zieuté la première classe, y avait des filles aux parfaits petits bagages vuitonisés, alors que mes valises à moi elles sont toutes bossues de partout. Même pas je les envie.
Et j’ai vu devant moi  une femme, simple et classe, qui lisait un livre, en soulignant certains passages. J’étais curieuse de savoir de quoi il s’agissait, c’était très chic comme gestuelle. Elle s’est tournée et m’a souri. Un sourire doux et lumineux, un de ceux qui réconcilient les lesbiennes et les malades, qui remettent le khôl à sa place, un de ceux qu’on aimerait voir plus souvent.
Quoi je suis lesbienne ? Mais non, y a pas d’homos ici,  que des clandestins et des refoulés à la frontière. Souriez, vous êtes bien arrivés à Alger.
Mamzelle Namous

[1] Un truc honteux