Garry Winogrand,

 


Puisque tout le monde y va de sa petite analyse, plus ou moins saugrenue, sur les élections présidentielles, on s’est dit que nous aussi on allait s’y mettre. Même si on préférerait parler du bleu du ciel et du vert de l’arbre.


Nous, on a pas compris pourquoi tout le monde est mécontent de la candidature de Boutef. Il est pourtant sympa et familier, il me fait penser à mon grand-père. 

Et Boutef, comme ils disent les gens à la radio, il a fait plein de choses pour l’Algérie. La fin du terrorisme, le métro, le prix du baril (c’est luiiii), l’autoroute est-ouest, l’ouverture au monde mes chéris, les trottoirs aussi. 

Selon certains témoignages, avant on pouvait pas trop marcher parce que la plupart des trottoirs étaient mal fichus. Mais ça c’est encore un vrai problème, on se retrouve souvent sur du goudron, faut alors traverser ou marcher avec les voitures. 

Laissons encore du temps à Boutef pour régler entièrement notre marche. 

 

Ensuite, faut comprendre que c’est quelqu’un de très occupé, vu qu’il est très important, c’est donc normal que d’autres fassent campagne pour lui. Et comme tous les gens élevés, il peut prendre des airs enlevés. C’est pourquoi il lui arrive de dire des choses qu’on ne comprend pas toujours. 

Faudrait qu’on prenne un peu de hauteur pour le saisir. Mais on est un peu cons, on peut pas. 

 

On sait juste qu’il faut voter pour lui, il a amené un vent de baraka sur ce pays. Vous n’avez pas été frappés par le vent? Vous n’avez pas créé votre société avec l’ansej? 

Laissez-vous donc une autre chance. 

 

Donc, moi je vais aller voter. Parce que si j’écoute ceux qui disent que ça sert à rien parce que y a de la triche, ça voudrait dire qu’il faut rien faire non plus, puisque tout est pipé d’avancé: rien ne sert donc de protester dans la rue ou de crier ses convictions sur internet. 

Quitte à tourner en rond, autant exercer un droit, et montrer à ceux qui pouillent et dépouillent qu’on est là quand même, que les paroles c’est pas que du vent. Ensuite ils en feront ce qu’ils veulent. 

 

Voilà, et pour finir, je vous livre ma phrase préférée entendue durant cette campagne, prononcée par une cousine de ma grand-mère (90 ans tout rond) : « Heureusement que les élections sont truquées! Si on faisait confiance à ce peuple, on sait pas sur qui on tomberait. »

Je vous laisse méditer sur la sagesse contenue de cette phrase, et les soupirs et les yeux ronds qui ont suivi. 

 

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Mamzelle Namous