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Matin Brun
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Si tu vas à Gao………
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How can you forget to breathe
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Commentaire!
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Risible légèreté de mon Être
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Sending Roses and your Silly Dreams
photo prise quelque part en Tunisie |
Ô jour merveilleux du 8 mars, c’était il y a presque deux semaines, et tu es déjà bien loin.
J’adore le 8 mars, j’adore me fondre dans le moule des bonnes femmes. Sentir mes seins pousser à chaque fois qu’un inconnu me dit « bonne fête« , lui faire un sourire, lui dire merci. L’ignorer s’il est vraiment super moche.
J’adore recevoir une rose, la sentir, prétendre qu’elle sent bon. Je participe grandement aux discussions de femmes qui parlent d’aller avec leurs enfants à Bouchaoui, ou au Babez center. Aller s’acheter un coffret spécial bain yves rocher. Et pourquoi pas le coffret parfum, soyons folles !
J’aime aussi me plaindre qu’au boulot on ne nous donne qu’une demi-journée. C’est franchement honteux, c’est la journée de la femme, pas l’après-midi de la femme putain. Vraiment n’importe quoi ces patrons j’ vous jure…. Je partage avec gaieté les histoires de pourquoi dans telle entreprise les nénettes elles ont eu une prime, et pas nous.
Si on m’invite à un déjeuner, j’y vais, et sur la route, j’envoie un texto groupés à toutes mes copines » bonne fête mes chéries, youpiiii yiyiiii ».
Je suis comme ça.
Le soir, je rejoins une autre bande d’amies. Celles-là elles se disent féministes, et elles croient avoir compris quelque chose à la vie depuis le jour où elles ont eu un 17 à une dissert de philo. Je leur ressemble quand je suis avec elles.
On braille que le 8 mars c’est hyper méga dégradant pour les femmes. Ouais. Merde alors. On a la rage.
Y en a marre qu’on nous souhaite « bonne fête« , c’est la journée de droits , et non pas une fiesta. Alors on dit qu’il faut parler, discuter de la condition féminine dans le monde, essayer de trouver des vraies solutions, militer pour la vraie égalité ( ouais mais pas trop longtemps, j’ suis fatiguée moi).
Dans cette bande là, y a toujours une conne pour dire » ça veut dire quoi UNE journée de la femme? Tous les autres jours c’est la fête de l’homme?!« . Et toujours une autre conne pour en rigoler ou hôcher la tête, froncer les lèvres façon t’as trop raison ma brenda.
On crie qu’on déteste cette tradition de nous offrir des roses, on n’est pas dans un épisode du bachelor le gentleman célibataire merde! ( dommage que cette émission ne passe plus, c’était vraiment bien).
La pseudo féministe a sûrement raison, mais depuis dix ans qu’elle répète, hargneuse, les mêmes discours , elle soûle un peu. Parce que le 8 mars au tiers-monde, c’est une fatalité alors vaut mieux s’y résigner plutôt que de se casser la voix.
Ah et y un autre truc dans le 8 mars que j’adore, c’est comment, au cours de plusieurs évènements, on célèbre les femmes qui ont accompli plein de choses, qui font des trucs géniaux pour faire bouger le monde, qui sont devenues chefs d’entreprise, qui prennent des initiatives extraordinaires. On y entend souvent « c’est grâce aux femmes que bla bla bla » . On félicite une femme qui, à 30 ans, a créé un fond d’investissement pour aider les gosses du Darfour, une autre qui a sauvé l’Algérie du terrorisme, et une autre qui fait le meilleur lissage brésilien de tout le pays.
Du coup, dans ce genre d’occasions, je me trouve super méga looseuse d’avoir rien fait de ma life. Je me sens mal, je prends de grandes résolutions et je me dis que l’année prochaine moi aussi je serai la femme 8 mars.
Ensuite je rentre à la maison, je mate mad men à la télé et j’oublie tout.
En attendant de faire de ma petite vie un destin ( c’est une expression de sarkozy), je vais peut-être aller voter finalement. Paraît que c’est ce que font les grandes femmes.
Mamzelle Namous
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Les Passagers Clandestins
Il y a quelques jours, avec un ami, on évoquait la clandestinité de nos vies qu’on cache, en Algérie. On y trouvait un certain charme. Mais il faut du recul et de la hauteur pour y voir ça.
Si l’on vit sur terre, c’est juste pénible. Se cacher pour aller à tel endroit, pour voir telle personne.
Se cacher est bien un grand terme, il s’agit plutôt de composer avec son entourage proche.
Cet attrait qu’on y trouve m’a rappelé une aventure. Une histoire qui se passe dans un quartier proche de la mer et des grands vertiges.
» Dans un grand appartement, typiquement algérien – encadrés coraniques au mur, énormes fauteuils impossibles à déplacer, chauffage central – deux amoureux se retrouvent parfois. Hors de ces rendez-vous là, le lieu est vide. Ses propriétaires habitent ailleurs et n’y viennent que deux fois par an. Ils ont confié les clés à un cousin, de confiance.
Ce cousin y amène « son amie ».
Comme ils sont heureux, c’est un raffut quand ils y entrent. Les clés tombent ou tournent mal, la fille sonne dans le vide. C’est un réflexe enfantin.
Les voisins d’à côté les entendent arriver et y vivre. La fille des voisins, 10 ans à peine, trouve un grand charme à ce couple. Aux voix qui portent, aux éclats de rire, aux trucs qui tombent, au silence. Elle suit leur pas et se fait des films.
Elle ne les connaît pas mais les imagine très beaux, grands, et comme dans les films.
Deux fois par semaine, les mêmes scènes se rejouent, et l’imagination de la petite grandit. Le couple arrive en début de soirée, la fille fait toujours du bruit dans les escaliers, et se prend le « chuuut » de son ami. Ce à quoi elle répond souvent « oh ça va« .
La petite voisine pourrait jeter un oeil sur le palier et voir à quoi ils ressemblent, mais elle n’y pense pas, leur tonalité est déjà toute une histoire.
Derrière les murs, elle entend les robinets couler, des appareils se mettre en marche. La fille demande en criant s’il y a de la mayo ou des glaçons.
Mais la plupart de conversations parviennent comme des chuchotements. La petite n’ose pas coller son oreille aux murs, c’est une histoire naturelle qui lui vient. Parfois la voix de la fille refait surface dans une exclamation ou un rire. Et le « chuuut » du garçon censeur ne manque jamais.
Ils vont parfois sur la terrasse quand le temps s’y prête, elle le devine. Ils déplacent un matelas, ouvrent les baies vitrées, et la petite s’endort en espérant, un jour, ressembler à la fille. Et avoir des entrevues confidentielles avec le même homme.
Il y a souvent du silence, ou des petits bruits comme dans les films. Parfois des disputes, souvent juste avant l’heure du départ. C’est avec eux qu’elle a appris la mélancolie amoureuse.
Après de longues heures rapides, les téléphones sonnent, il est l’heure de revenir à la vie officielle. Elle entend la fille qui demande où sont ses bas. Ils marchent sur la pointe des pieds. L’appartement se referme en silence. Elle les visualise descendre les escaliers main dans la main, dans un dernier petit baiser avec l’obscurité pour témoin.
Une minute plus tard, le moteur de la voiture et un peu de jolie vie qui s’en va.
Loin des idées de la petite voisine, le couple se retrouve dans la voiture, déjà un peu nostalgique. Les virages défilent, la ville manque de complicité, et chacun rentre chez soi avec d’autres histoires à inventer.
La petite voisine peut deviner ces suites et la solitude qui les attend. Elle trouve ces cachotteries parfois sinistres, et aimerait ne jamais connaître cette médiocrité. Et d’autres fois, il lui semble que ces petites clandestinités ressemblent à de savoureux clins d’oeil volés et il lui tarde d’en connaître le goût. »
Mamzelle Namous
mar
Les Femmes vont Fumer au Pérou
Mais dans la rue, la femme ne fume pas.
La femme fume parfois de plus en plus dans sa voiture, la main baissée, la fumée qui ne part pas en fumée. Elle est rigolote dans sa discrétion.
Quelque fois, la femme fume ostentatoirement dans sa bagnole, la clope en l’air, et le refrain « j’emmerde les p’tits cons » lui va bien.
Quand j’étais petite, au lycée, je voyais ceux qui fumaient comme des êtres cool et affranchis.
Oui, comme beaucoup de gens, j’étais con.
Aujourd’hui, l’attitude des nanas cool, au travail, me fait sourire. J’ai autour de moi des femmes qui ont cette je-fais-ce-que-je-veux attitude , qui crient fort dans les couloirs quand un coup de gueule leur passe par la tête, qui portent des jupes qui virent à la transparence et des chemisiers qui ne chemisent pas grand chose.
Quand je prends l’escalier de secours pour m’enfuir souvent parfois du bureau , je les vois, assises sur un petit bout de crasse, les belles jambes trop pliées, à cloper ( en cachette des regards hostiles d’autrui).
Mais autrui, cet autre qui ne nous comprendra jamais, il peut arriver qu’il passe aussi par là. Alors les femmes, elle sursautent quand une porte claque. Y a des mégots partout, c’est pas joli.
Quand je vais aux toilettes, j’y croise des filles qui fument. Autrui, cet autre dont on se cache est donc définitivement un genre masculin?
Mais ils s’en foutent les mecs qu’on fume ou pas, non? Eux, qui allument leurs clopes assis sur des canapés moelleux face aux grandes fenêtres et au ciel , une tasse de café à la main. Ils ne demandent que ça, de la jolie compagnie féminine, non?
Mais de qui se cache-t-on? Du jugement malveillant d’un inconnu dont on se moque vraiment au fond. Mais on fait tout de même cet effort de discrétion parce que « j’ai pas envie de me faire remarquer« , « tu sais comment sont les gens, khtina menhoum, je préfère être tranquille« .
Parce que certaines images peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes , pour des raisons floues et archaïques , on filtre méticuleusement les endroits où on peut cloper. Les critères sont tout aussi flous que les motifs de cette sélection , et par habitude on se prête au jeu. On joue le drôle de cache-cache de la rue et des espaces fermés, on ménage autrui, on se dérange.
Pas très cool tout ça.
On n’hésite pas à aller acheter son paquet, parce que le vendeur on se fout de ce qu’il pense. Le serveur aussi. L’inconnu du resto aussi.
Mais dans la rue, on évite parce qu’ on ne sait jamais ce qui peut arriver. Et cette foule de collègues qu’on croise tous les jours, on ne peut pas lui imposer ça. Ca ne se fait pas.
Ces drôles de calculs et de réflexes sont devenus coutumiers.
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Algeria in Africa
La dernière fois, j’étais à un dîner avec des proches et des moins proches. On s’est mis à parler des pays d’Afrique noire, des souvenirs, des envies. Y a des phrases qui fusaient ici et là, de celles qu’on entend souvent, et qui reviennent comme des paroles de chansons:
-Je ne suis pas raciste, mais les noirs c’est vrai qu’ils puent. Enfin si , je suis raciste, on l’est tous.
Grands yeux.
Ne tire pas cette tête, c’est vrai! Il paraît que c‘est à cause de leur peau ou de leur alimentation. J’avais une voisine noire, fallait qu’elle se douche trois fois par jour pour ne pas sentir.
-Tu vas passer des vacances au Sénégal, pourquoi faire? Enfin c’est vrai que c’est joli.
Mais dis moi c’est pas la guerre là-bas? Ah non? Ah tu sais , moi ces pays, je les confonds tous. Et puis c’est la merde partout en Afrique de toute façon.
– Notre voisin ivoirien, celui qu’habite en dessous de l’épicier, il n’arrête pas de me draguer.
Réponse de la voisine de table : les noirs ils draguent tout ce qui se bouge. Même les pierres ils les draguent.
-Dis moi, t’as fait l’ENA toi? Parlant de ça, pourquoi on accorde des bourses aux africains?
-Non mais ils sont gentils les africains, faut arrêter dire du mal d’eux.
-Tu fais comment pour les différencier toi?
Et les algériens disent aussi, au cours du même dîner :
-T’as entendu parler de la Directive Guéant? Non mais n’importe quoi. Déjà que vivre en France était difficile pour les étrangers, là c’est du grand délire.
Réponse de l’oncle: N’envoie pas tes enfants étudier à Paris. La France bekriii ( la france c’est over).
-Ouais c’est vrai, j’ai passé cinq ans à Montpellier, et j’ai eu ma dose de petites répliques qui te renvoient toujours à ton arabitude.
Réponse de celui qui aime ramener sa fraise : Oui, les journalistes ils appellent ça « le racisme ordinaire ». Ca veut pas dire grand chose, mais bon.
Et les Algériens, dans ce même joyeux désordre, continuent:
-Elle est Kabyle Soraya ? Tout s’explique ! La grande ou la petite Kabylie?
(Parce que souvent, vos traits de caractère découlent directement de vos origines, c’est connu).
-Y a qui de connu à Sétif?
(Pour que votre origine soit prestigieuse, et que ce prestige s’abatte sur vous, il faut que la ville natale de vos parents renferme quelques personnages célèbres de l’histoire d’Algérie).
-Tu veux te marier avec une tlemcenienne? Tu sais dans quoi tu t’embarques?
(Parce que grande famille signifie grandes complications).
Réponse de celui qui aime casser : Oublie, les gens de Tlemcen ne se marient qu’entre eux.
-Il habite à Chlef? A3ek!
(La simple évocation de certains coins fait grimacer certains cons).
-Tu sais ce qu’on dit sur les gens de Blida…..
-C’est la Kabylie qu’a mené quasiment toute seule la guerre d’indépendance.
(Affirmation qui s’applique à plusieurs autres régions).
Les noirs savent très bien ce que l’on dit d’eux, et ils nous méprisent en rigolant.
Les français connaissent notre attitude ambivalente à leur égard.
On fait dans le racisme extraordinaire. Ca n’a aucun sens, et souvent nos mots dépassent notre pensée.
Mais on les dit quand même, ces mots qui choquent, qui se transmettent et entrent dans la banalité.
On a le parler facile, on raconte n’importe quoi, c’est sans conséquences. On résume souvent une conviction en un ou deux mots, sur le ton de la nonchalance.
Souvent anecdotique, parfois drôle, notre racisme régional peut devenir un critère de recrutement ou de formation politique.
Ca semble tellement naturel la délimitation des affinités au kilomètre.
Et puis il y a le racisme envers les noirs, plus grave, tellement infondé. Et douloureux.
Victimes de la connerie des autres, nous la reproduisons ( ou produisons) en toute conscience.
Parce qu’un algérien ça peut aussi dire , au moment du dessert « On est tous le noir de quelqu’un ».
Phrase complexée, reconnaissance de notre situation face au nord et envers le sud.
Phrase extraordinairement raciste, qui provoquera quelques sourires, deux ou trois sourcillements, et le goût d’un dîner un peu amer. Reflet superficiel d’un pays aux drôles de tracas identitaires.
Mamzelle Namous