Ma soeur, celle qui s’est barrée en Asie, elle me manque. Elle me manquait déjà avant son départ, quand elle préparait son projet, et je ne savais plus quoi faire pour la retenir.
Là, le temps passe et ça empire. Souvent je l’appelle et je la supplie de revenir, car égoïste je suis. En général, elle sourit et me dit « Je peux pas, à cause du travail. Viens toi, plutôt« . J’y pense trois minutes, je visualise un peu les choses , et je suis prise de panique. Car en ce moment, pour des raisons qui me sont floues, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’à Alger.
Hier matin, je harcelais encore ma soeur pour qu’elle revienne et elle m’a avoué qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse qu’à Alger, malgré les difficultés.
Dans sa vie, elle a pas mal vadrouillé, oublié où elle était née, et habite actuellement dans un cadre paradisiaque. Alors, le caractère irréductible de son affirmation peut paraître légèrement décalé de la réalité! Mais je ne vais pas me lancer dans un réflexion sage et moite sur le sens de la vie, y a les livres de Kundera pour ça.
Alger, c’est chiant. C’est une ville associée à l’ennui, pour cause de plein de raisons. Les hommes crachent partout et tout le temps. J’ai toujours peur que mes lacets ne se prennent un crachat et j’ai envie de crier à la horde des mecs-crachoirs » la salive ne tue pas, vous pouvez la garder pour vous!«
Mais on a la chance, ici, de pouvoir prendre beaucoup de hauteur vis-à-vis des petites et grandes choses de la vie. On vit dans la galaxie du destin et on sait accepter, avec sagesse, la fatalité. Parce que la vie est régie par une notion qui semble très simple, tant elle est ordinaire : « el mektoub« . ( Le grand destin dont nous ne maîtrisons rien).
T’as pas eu ce job » maalich, kelchi bel mektoub« , ton arrière grande-tante est morte « hada houwa el mektoub« , t’as raté l’homme de ta vie , pareil.
La robe que tu voulais acheter n’est plus disponible en taille 34, la vendeuse te dira, avec tout le mélodrame dont sa voix est capable « maketbetlekch, hada maken mademoiselle ».
On aime en faire un peu trop avec l’irréel.
Toujours est-il que comme ma soeur, je ne suis jamais aussi heureuse qu’à Alger.
Je suis incapable de dire pourquoi, mais la simple pensée d’un déménagement dans un autre pays me met de la nostalgie à la gorge. Sans en être sûre, je crois que c’est à cause des éclats de rire. Des remarques et des situations piquantes et hilarantes typiquement algériennes qui surgissent partout et tout le temps. C’est rien, ça fait rire une minute, sourire quand on y repense, ça passe. Et la leguia reprend ses droits.
C’est sûrement trop creux comme motivation ou explication. Mais cet humour algérien, on a du mal à s’en passer. Il donne une allure au quotidien et rythme une vie.
Alors quand ma soeur me dit » je n’ai jamais aussi heureuse qu’à Alger« , je la crois, je la comprends, et j’ai sa phrase en héritage.
Mamzelle Namous
Anonymous
le 1 avril 2012 à 19 h 26 minpareil pour moi, avant, mais quand je pense à mes enfants, je me dis que je ne veux pas les faire grandir dans ce pays; et j'essaye donc de partir en retardant au maximum le moment d'etre maman.
Nadjibs
le 1 avril 2012 à 19 h 27 minAlgérie mon amour, Algérie pour toujours !
Une Algéroise à Lille
le 1 avril 2012 à 19 h 29 minPrem's.. Moi aussi je n'ai jamais été aussi heureuse qu'à Alger.. ma ville me manque, et j'en parle aujourd'hui comme une fierté, une forteresse dont je suis la seule à posséder les mystères ici où je suis.. Twahacht Alger!
Une Algéroise à Lille
le 1 avril 2012 à 19 h 29 minAh bah finalement pas prem's, makatbetch :D.. La prochaine fois!
Anonymous
le 1 avril 2012 à 19 h 31 minAaah, je suis la première à lire et à commenter (:
j'ai adoré ce que tu as écrit <3
ps: la photo est immonde :p
mina namous
le 1 avril 2012 à 19 h 36 minhahaha! Ca va faire plaisir à celui qui l'a prise!
Anonymous
le 1 avril 2012 à 19 h 37 minOn l'aime cette Algérie ou les mecs ( les femmes aussi parfois) crachent par terre (ou en l'air), on l'aime cette Algérie ou il te faut un masque à gaz pour monter les escaliers, on l'aime cette Algérie ou tu reçois des boites des pots de fleurs sur la tête, ou une boite de lait si tu as de la chance, on l'aime c'est comme ça !! Mais un petit séjour vite fait bien fait dans un magnifique pays asiatique ahh j’avoue que j'y serai pas contre !! d'ailleurs je vois pas qui y serai contre!!
Excellent article namouus j'aime beaucoup la nostalgie qui s'en dégage :)
Esprit Romanesque
shantaram
le 1 avril 2012 à 20 h 26 minrihet el dzair :), moi c'est le bleu (mer + ciel) d'alger et les hirondelles qui me manquent….heureux de REvoir l'influence de kundera (radiologue de l'ame humaine).
Shantaram.
Lamnonyme
le 1 avril 2012 à 20 h 40 minmoi c'est le tchoutchou meleh qui me manque
Wazo63
le 1 avril 2012 à 21 h 44 minMoi ? juste l'humour des algériens qui me manque…. Surtout !
Anonymous
le 1 avril 2012 à 21 h 49 minPlus facile d'aimer un endroit quand on sait qu'on peut le quitter (volontairement) à tout moment, non?
Anonymous
le 1 avril 2012 à 22 h 28 minPour le coup je ne me dis pas la même chose. Je serai bien plus heureuse ailleurs, ce qui me retient c'est les miens, je ne peux pas envisager de ne pas être là le jour où l'un de mes proches mourra. En un mot ce qui me retient c'est la mort. En même temps ce pays tellement dur à vivre agit comme une sorte de catalyseur chez les bienheureux, il les pousse vers l'essentiel. L’Algérie est intellectuellement stimulante mais c'est aussi une source d'angoisse permanente. Beuh.
Anonymous
le 2 avril 2012 à 1 h 52 min« L’Algérie est intellectuellement stimulante »
???
Omar Gatlatou
le 2 avril 2012 à 4 h 30 minCa facilite grandement les choses d'avoir le choix
Toujours est-il que comme mon frère, je n'ai jamais aussi heureux qu'en dehors d' Alger.
Je suis incapable de dire pourquoi, mais le simple souvenir de mon statut social me met l'angoisse à la gorge. Sans en être sûre, je crois que c'est à cause du mépris envers la masse dont je faisais partie. Des remarques et des situations piquantes et hilarantes typiquement bourgeoises qui surgissent partout et tout le temps. C'est rien, ça blesse une minute, enrage quand on y repense, ça passe. Et l'espoir reprend ses droits.
C'est sûrement trop creux comme motivation ou explication. Mais cette condescendance envers la populace, on a du mal à l'oublié. elle donne une lourdeur au quotidien et rythme une vie.
Alors quand mon frere me dit » je n'ai jamais aussi heureux qu'en dehors d' Alger », je le crois, je le comprends, mai j'en ferai pas mon héritage. Et pourtant je suis algérien et j'ai 27 ans.
Anonymous
le 2 avril 2012 à 11 h 14 min« La photo est immonde » ? C'est de l'humour de l'Algérie ça aussi!
Très beau l'Algérie: Son ciel à nul autre pareil: si bleu, si clair!Ses paysages à couper le souffle! Si ce n'était la misère et la pollution et les esprits « arriérés » comme il y ferait bon vivre!
Tu sais cet humour dont tu parles Mina il est encré à jamais dans nos gènes, il circule à jamais vivant en notre sang et quelque soit le lieu où nous résidons nous le véhiculons et le propageons alentours.
Une petite anecdote:
( je vis en France)
Un jour je me promenais, il faisait chaud, j'ai croisé un couple de Français en panne : le mari était sorti de la voiture, il était très très rouge, il poussait de toutes ses forces leur voiture et en même temps il hurlait sur sa femme assise au volant, elle était encore plus rouge que lui. C'était désolant mais les gens passaient et ne prêtaient pas même attention à leur détresse. Ils étaient tout gris tout tristes ces gens là, tout renfermés sur eux mêmes!
Alors que je m'apprêtais à proposer mon aide vla t y pas qu'une voiture brinquebalante s'arrête à leur hauteur, trois jeunes de chez nous en sortent en riant et en plaisantant, ils sont gais, ils sont rayonnants et ils se mettent à pousser et la voiture elle aussi est toute contente et elle aussi se met à rire et la voilà qui redémarre…
Anonymous
le 2 avril 2012 à 12 h 16 minJe suis nostalgique de ma jeunesse algéroise, le nom (ou le temps) étant ici plus important que l'adjectif (ou l'espace)..
Mina
le 2 avril 2012 à 12 h 28 minbeuh, c'est très juste ce que tu dis, je partage presque la même angoisse. Je ne peux pas envisager de vivre loin, à présent, loin de mes proches, par peur de perdre le temps qui reste .
Anonymous
le 2 avril 2012 à 12 h 32 minJe pense en effet que l'aisance matérielle compte, d'autant qu'en Algérie (peut-être plus qu'ailleurs) le regard de l'autre est important : il faut avoir pour être et pour compter aux yeux des autres.
Cela dit, je crois que ce qui fait la beauté de l'Algérie (en dehors de ses paysages), ce sont les relations humaines et les petits bonheurs faits de rien : un bon repas, une bonne qa3da, une bonne gasra autour d'un thé ou d'un café, etc.
Il y a aussi cette sensation d'être en dehors du tumulte et des grandes préoccupations qui agitent le monde dit « développé ». Une sorte de cocon rassurant, pour peu que les autres soucis du quotidien « local » ne prennet pas le dessus.
REDA
le 2 avril 2012 à 19 h 14 minJ'ai un ami au canada je l'ai revue après 10 ans , certes en matière de stabilité matériel ça marche , il a ses gosse sa femme avec lui, mais tous simplement il ma dit que la nuit il rêvait de son enfance et du quartier, il ma jurais qu'il se réveillé en sanglot , après dix a son retour a notre quartier il a embrassé tout le monde même MOHNAD EL MAHBOUL absolument tout le monde le poteau électrique lieu de notre rassemblent il le serrait entre ses bras et lui murmurai des mots,je me demende des fois valait t'il le coup de s’expatrier pour vivre malheureux le reste de ses jours
Anonymous
le 2 avril 2012 à 23 h 53 minOn peut aussi rester sur place et être malheureux le restant de ses jours..
Anissa
le 3 avril 2012 à 9 h 13 minEn Algérie je me sentais dans une grande prison, pourtant j'étais libre d'aller et venir, je n'avais pas de grands frères qui me surveillaient et je m'en fichais des ce qu'on dit, mais je ne pouvais pas rêver de partir loin en vacances car je n'avais pas de sous, je ne rêvait pas car un rêve qu'on ne peut pas réaliser vaut mieux pas y penser, j'avais un boulot parce que personne n'en voulait, il faut dire que j'habitait bentalha et la bas j'étais une laissée pour compte.
Je ne regrette pas du tout l'Algérie car ce qui fait cette Algérie ce sont les gens et les gens ont bien changé, ils sont pareil que partout dans le monde « chacun pour soi »
ali
le 3 avril 2012 à 22 h 37 minc vrai anissa
Anonymous
le 4 avril 2012 à 5 h 53 minC'est fou moi aussi je ne peux pas vivre ailleurs qu'en Algérie. J'ai essayé ailleurs, je suis revenue au bout d'un an. Récemment, mon mari a eu des propositions pour bosser à l'étranger, des boules d'angoisse m'ont envahie. Moi aussi je ne l'explique pas, pourtant je me plains souvent, de l'administration, de la hogra, de la non-reconnaissance absolue de l'état pour les personnes qui travaillent honnêtement, de la société un peu trop fanatique parfois mais en même temps c'est notre société composée de notre famille, nos proches. Ah la famille, vivre loin des gens que j'aime me parait insupportable et ridicule. Peut-être que c'est le fondement même de notre origine sociale qui ressort, nous ne somme pas encore individualiste et avons besoin de notre « tribu ».
Rym
le 4 avril 2012 à 7 h 43 minTres joli article, subtil et emouvant. Merci de partager ces mots avec nous. Je me suis longtemps demandee ce qui me retenait ici et je savais que l'humour y etait pour quelque chose. Tu as su mettre les mots sur quelque chose d'insaisissable et comme avec ta soeur, je te crois et te comprends. Merci.
Anonymous
le 4 avril 2012 à 12 h 02 minMais pourquoi pensez-vous que partir signifie ne plus jamais revenir? On peut partir sans brûler ses vaisseaux. Moi, je pense que ceux qui ont la possibilité ou l'occasion de passer un bout de vie « ailleurs » ne perdent rien à tenter cette chance, car se confronter à la diversité, aux rencontres, à quelque chose qu'on ne connaît pas, tout simplement, est une richesse.
Et ce n'est pas parce qu'on part, sabhallah, qu'on oublie son père et sa mère, sa langue et sa culture, ses amis et sa famille. En général, bien au contraire.
Lassar.
mina namous
le 4 avril 2012 à 17 h 12 minhey Lassar! non non dit pas qu'il faut pas voyager, ou rouler sa bosse. Mais que l'envie du moment, c'est Alger!
Chatnoir
le 6 avril 2012 à 23 h 29 minArticle posté un 1er avril, ambiguïté du poisson?
Alger est belle, Alger est drôle, Alger c'est lahbeb… (un mot difficile à traduire car il signifie bien des choses).
Mais à Alger l'air devient vite irrespirable lorsque lahbeb vivent dans le quartier populaire de son enfance et qu'ils sont gagnés par la fièvre religieuse qui s'empare des âmes et se propage à la vitesse d'un incendie. Alger devient insupportable lorsqu'on n'aime pas trop la compagnie des gens épargnés par l'incendie et qui surfent sur les hauteurs de la capitale dans la superficialité de la société de consommation…
Alors on part, la mort dans l'âme, respirer un air d'ailleurs en entretenant un blog comme un pansement sur une blessure béante.
Boucle d'or
le 21 janvier 2013 à 21 h 41 minCet article souligne avec délicatesse et tendresse toute l’apparente poésie d’Alger et, à travers ces lignes, s’impose à moi l’image d’une ville au bonheur simple… Mais Alger n’est malheureusement pas que cela, n’est-ce-pas?
Je tiens à préciser que je suis une française n’ayant pas encore eu l’occasion de découvrir l’Algérie et encore moins sa capitale; mais dont ce blog n’en fait que grandir l’envie!
Bilal
le 22 janvier 2013 à 0 h 05 minAlger est pas mal, mais en hiver rien ne vaut le sud : il y fait plus chaud et ça bouge davantage. L’ambiance est – comment dire? explosive et très multiethnique!
Marhaba chez nous autour d’un bon feu d’artifice!
Mina Namous
le 22 janvier 2013 à 0 h 57 min@ boucle d’or: en effet c’est pas simple, mais la poésie n’est pas apparente justement
@ bilal: ho ho ho , c’est même pas noir à ce niveau là mais j’ai un peu ri!
Bilal
le 22 janvier 2013 à 1 h 12 minMina : j’voulais écrire bienvenue autour d’un bon fout l’camp… enfin j’veux dire feu de camp…
Au programme : partie de cache cache – interdit de se planquer sous les lits et dans les faux plafonds -, petite course poursuite dans le désert histoire de se dégourdir les jambes, paint-ball, mini-rally auto, jeu de pistes, déguisements, etc. etc……
Qui sait, ça pourrait intéresser les tourisques en mal de sensations fortes..
Boucle d'or
le 22 janvier 2013 à 18 h 58 minEh bien dis donc, quel progamme Bilal!
On a effectivement pas l’air de s’ennuyer dans le sud!